Une irrésistible Cenerentola à Lausanne

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L’Opéra de Lausanne ouvre sa saison avec une nouvelle production de La Cenerentola, due à Adriano Sinivia, régisseur vénitien déjà applaudi ici pour Monsieur de Pourceaugnac, L’Elisir d’amore et Il Barbiere di Siviglia. Dans des décors fonctionnels de Massimo Troncanetti et des costumes cocasses d’Enzo Iorio (pour preuve, l’accoutrement rose à tête de cygne de l’une des soeurs), sa mise en scène nous tient continuellement en haleine. D’une rare drôlerie, le portrait vivant de la mère au-dessus de la cheminée encadrée par deux niches où s’affairent les deux chipies, la guimbarde vermoulue emmenant Don Magnifico et famille au château, le balcon donnant sur un labyrinthe de verdure où les mijaurées poursuivent Dandini et surtout la course des invités sur la route dont la vitesse est suggérée par l’effet vidéo faisant défiler la succession de peupliers. La direction de Stefano Ranzani imprime au plateau, au Chœur de l’Opéra de Lausanne (préparé par Pascal Mayer) et à l’Orchestre de Chambre de Lausanne une dynamique haletante au prix de quelques légers décalages. Ressemblant physiquement à Cecilia Bartoli, la jeune Serena Malfi prête à sa Cenerentola un grain sombre magnifique et une technique de vocalisation à toute épreuve. Le Ramiro d’Edgardo Rocha a la clarté de timbre et un sens du phrasé lui concédant des effets de clair-obscur. Alexandre Diakoff brûle les planches en campant un truculent Magnifico, alors que Giorgio Caoduro est un Dandini convaincant, même si sa coloratura extrêmement serrée est inégale. Remplaçant Kelly Markgraf, la basse Luigi De Donato a un grave un peu creux, tandis qu’il tance les deux pimbêches, Tisbe (Catherine Trottmann) et Clorinda (Laure Barras) qui, ayant droit à son aria, peine à lui donner son lustre. Mais qu’importe, quand le spectacle est aussi irrésistible !
Paul-André Demierre
Lausanne, le 2 octobre 2015

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