Une musique sur un petit nuage: l'univers magique de Johann Pachelbel

par
Beyer

0126_JOKERJohann PACHELBEL
(1653 - 1706)
Musikalische Ergötzung – Canon et gigue – Arias
Hans Jörg HAMEL (ténor), Gli Incogniti, dir. et violon: Amandine BEYER
2016-DDD-79'55-Textes de présentation en français, anglais et allemand-Harmonia Mundi HMC 902238

Amandine Beyer nous a déjà ravis par le passé par ses interprétations pleines d'inventivité, de subtilité et de vie des sonates et partitas de Bach, des concertos de Vivaldi et Corelli et de bien d'autres choses. En compagnie de ses compères de Gli Incogniti, la revoici dans un programme tout à fait passionnant consacré à la musique instrumentale et à des airs profanes de Pachelbel, une part très méconnue de l'univers du compositeur, à l'exception du sempiternel Canon, bien entendu. La notice insiste sur la légèreté d'écriture qu'elle compare à celle d'Albinoni, une musique loin d'être cérébrale et figée, mais qui regorge au contraire de vie comme le soulignent Amanda Beyer et Baldomero Barciela qui précisent: « de vrais tableaux musicaux en miniature qui représentent tous les états de l'âme humaine ». Les suites rassemblées ici constituent un recueil intitulé très justement Musikalische Ergötzung (« Plaisir musical »). Les miniatures qui le constituent, aux noms sans surprise (Sonata, Aria, Ciacona, Gavotte, Saraband, Gigue), sont autant d'instantanés d'épisodes de vie de cette Allemagne du 17ème siècle d'après la traumatisante guerre de 30 ans, dans laquelle nous sommes subitement plongés aussi sûrement que nous le serions à bord d'une machine à remonter le temps. Il ne faut en effet pas beaucoup d'imagination pour y voir les rues grouillantes de monde, les fournisseurs qui s'affairent, les curieux qui déambulent, les cris de disputes domestiques qui s'entendent jusqu'au dehors, les scènes intimes, feutrées dans le décor cossu des maisons bourgeoises, le passage d'une milice locale... Petit détail, il n'y a pas de mystère caché derrière le titre donné au disque: Un orage d'avril se réfère à l'une des chansons qui alternent avec les suites; une manière de souligner le caractère quotidien de ces pages, fraîches... comme un orage d'avril. La violoniste française a bien raison d'invoquer le fameux film La Kermesse héroïque de Jacques Feyder ou les scènes mises en peinture par Vermeer. C'est bien à ce monde, si lointain dans le temps mais pourtant si moderne et proche dans les émotions que nous sommes conviés pendant ces presque 80 minutes privilégiées. L'émotion est constante, les mélodies irrésistibles et, pour reprendre une dernière fois l'expression des artistes, « la musique est belle comme le jour ». J'allais oublier: vous ne trouverez nulle part une interprétation plus ravissante et virevoltante du Canon...
Bernard Postiau

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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