Une pièce de circonstance pas vraiment réussie

par

© ROH / Clive Barda

Gloriana de Britten
A l’occasion du 60e anniversaire du couronnement d’Elisabeth II et du centenaire de Benjamin Britten (1913-1976), le Royal Opera a mis à l’affiche Gloriana, une pièce de circonstance écrite pour le Couronnement et créée à Covent Garden le 8 juin 1953. L’accueil fut frileux car on trouvait d’une part le livret de William Plomer inapproprié -une étude de Elisabeth I vieillissante, surprise sans sa perruque, mais amoureuse du jeune Comte d’Essex- et d’autre part que l’oeuvre était mal construite, dans un langage archaïque. La partition n’enthousiasmait pas davantage. On a attribué le manque de succès à beaucoup de raisons extra-musicales, mais ce n’est sûrement pas un Britten du meilleur cru. Manque d’élan dramatique, langage peu expressif et les meilleurs moments sont ceux où Britten se tourne vers le style de l’époque Tudor. Cela dit on ne peut que louer l’engagement de Paul Daniel qui tenta avec l’excellent orchestre du Royal Opera de donner vie à cette partition inégale, tant dans la musique de chambre des scènes intimes que pour les fanfares royales et la représentation du “masque” dans son cadre historique.
La mise en scène de cette coproduction avec le Staatsoper de Hambourg était confiée à Richard Jones qui a choisi de présenter l’histoire d’ Elisabeth I et Essex comme une représentation théâtrale d’amateurs en l’honneur et la présence d’Elisabeth II. Pas besoin donc de reproduire le cadre historique. Les décors de Ultz, changés à vue, sont simples. Comme les costumes d’époque. Les tableaux se succèdent sans continuité dramatique. Chaque scène est bien construite mais l’illusion s’arrête chaque fois que les chanteurs cèdent leur place aux machinistes. C’est dommage car Jones et les différents interprètes livrent un travail exemplaire pour créer l’atmosphère requise et donner du relief aux personnages. La figure centrale est bien sûr Elisabeth I, reine altière mais aussi femme vieillissante et vulnérable, amoureuse et jalouse. Susan Bullock lui donne une interprétation nuancée et convaincante mais vocalement peu agréable. Toby Spence est le jeune premier rêvé, un Essex fougueux à la voix claire et expressive. Mark Stone donne à Mountjoy allure et baryton souple. Patricia Bardon prête sa riche voix de contralto à Frances Devereux tandis que Kate Royal est une Penelope véhémente mais vocalement trop stridente. Belles prestations aussi de Clive Bayley (Raleigh), Bindley Sherratt (blind ballad singer) et surtout Andrew Tortise (Spirit of the Masque) à la voix suave. L’ensemble est homogène, le travail des chœurs impeccable et les danses (Lucy Burge) plaisantes.
Erna Metdepenninghen
Londres, Covent Garden, le 24 juin 2013

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