Une reprise de Manon magnifiée par Annick Massis

par

de Bretigny et Manon (acte iii)

C'était en juin 2012. L'ORW terminait sa dernière saison sous le chapiteau du "Palais Opéra", le directeur, Stefano Mazzonis di Pralafera, avait choisi Manon, et mettait lui-même l’opéra de  Massenet en scène. Cette production, bien accueillie, contait "l'histoire de Manon Lescaut" au travers des pages d'un livre figurant à chaque acte ou à chaque tableau un décor différent. La mise en scène de cette reprise est identique, même si elle s'est adaptée à une salle plus exiguë que le chapiteau (voir la chronique de l'époque). La distribution, par contre, était totalement différente à trois exceptions près : Roger Joakim était promu de Brétigny en comte Des Grieux, tandis qu'Alexise Yerna et Iouri Lel retrouvaient leurs rôles de Rosette et de l'hôtelier. Mais c'est bien sûr le rôle-titre qui a attiré le grand monde. Annick Massis est une star internationale, se produisant sur les plus grandes scènes. Il faut ici à nouveau déplorer l’absence de toute notice biographique dans le programme de salle. Spécialiste du bel canto (le Meyerbeer italien, Rossini, Bellini, Donizetti), elle affectionne également le répertoire français, de Bizet à Ravel et... Massenet. Si la soprano espagnole Silvia Vazquez avait très bien incarné Manon en 2012, sa prestation ne pouvait se comparer avec celle d'Annick Massis, laquelle, par sa voix ardente et puissante, a dominé toute la scène du Cours-la-Reine, par exemple, ou la dramatique scène du jeu à l'hôtel de Transylvanie. Mais cette personnalité, assurément forte, a su se plier au charme et à la douceur enjôleuse dont Massenet a délicatement ourlé sa partition. Ainsi, Adieu, notre petite table est très émouvant par une simplicité qui n'appartient qu'aux plus grandes, et N'est-ce plus ma main, repris tout à la fin, au port du Havre, a, ô combien, justifié ce qualificatif de sensuel, d'érotique même, tant collé à Massenet. Son chevalier, Alessandro Liberatore, à l'accent prononcé, est correct, enthousiaste, mais sans l'engagement théâtral d'Israel Jordi en 2012. Le Lescaut de Pierre Doyen a de l'abattage pour quatre, et Roger Joakim voix et physique idéaux pour le Comte Des Grieux. Bons Brétigny (Patrick Delcour) et Guillot (Papuna Tchuradze), à l'aise sur scène. Patrick Davin, grand familier de l'Opéra Royal de Wallonie, réitére son succès en soulignant les raffinements de la partition de Massenet, bien aidé par un orchestre très en forme. Le cor solo se distingue dans la lecture de la lettre à l'acte II. Enfin, admirons comme en 2012 les superbes costumes de Frédéric Pineau et le cadrage lumineux de Franco Marri, réalisé par Olivier Wery. Tous concourent à la réussite d'un spectacle dans la parfaite tradition principautaire : présenter les chefs-d'oeuvre du répertoire servis par de grandes voix, dans une mise en scène inventive.
Bruno Peeters
Opéra Royal de Wallonie, le 19 octobre 2014

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