Une schubertiade selon Bertrand Chamayou

par

JOKERFranz Schubert (1797 - 1828)
Auf dem Wasser zu singen (transcription de Liszt, d'après D 774, 1823) - Wanderer-fantasie D 760 - Litanei (transcription de liszt d'après Litanei auf das Fest Aller Seelen D 343/1) - Der Müller und der Bach (transcription de Liszt, d'après Der Müller und der Bach de Die Schöne Müllerin D 795 - 12 Ländler (Deutschen Tänze) D 790 - Allegretto D 915 en do mineur - Ländler N 12 D366 en mib mineur - 3 Klavierstücke - (Impromptus) D 946 - Kupelwieser-Walzer en sol bémol majeur (transcription Richard Strauss)

Bertrand Chamayou : piano
2014 – 70'24'' – livret de présentation en français, anglais et allemand – Erato/Warner Classics – 08256 463707 8 8

C'est presque un fantasme que Bertrand Chamayou a assouvi en enregistrant ce disque. A savoir proposer un programme tel qu'il aurait pu être joué dans un salon viennois lors des innombrables schubertiades. Ces rencontres musicales et littéraires autour de la musique du célèbre compositeur viennois. Il ne faut pas y voir une reconstitution historique mais plutôt le fruit de l'imagination admirative d'un pianiste français près de deux siècles plus tard. L'oeuvre majeure et centrale de ce programme choisi avec intelligence est sans conteste la Wanderer-fantasie D 760. Chamayou est excellent dans cette oeuvre qui est sans doute la plus virtuose du catalogue de Schubert. La légende raconte d'ailleurs qu'elle était trop difficile pour Schubert lui-même qui venait difficilement à bout du finale. Ces pages redoutables ne pouvaient qu'attirer le pianiste français. Aussi parce qu'elles ne sont pas très éloignées de l'écriture de Beethoven vénéré par Chamayou. Son interprétation est convaincante, pleine de force voire même d'héroïsme sans jamais aller trop loin ni perdre le lyrisme et la fluidité. L'architecture de l'oeuvre est bien rendue et on succombe au deuxième mouvement d'une poésie touchante. Son jeu est sensible, plein de maturité et d'une clarté parfaite qui nous fait entendre chaque détail de la partition. Chamayou évoque le corpus de lieder à travers trois transcriptions de Franz Liszt : Auf dem wasser zu singen, Litanei et Der Müller und der Bach. La verve du pianiste compositeur hongrois ne trahit pas l'esprit de Schubert dont les lieder pourraient mal s'accorder avec une virtuosité débordante. L'interprète offre une sonorité chantante au phrasé juste.
Les 12 Ländler D 790 furent publié en 1864 par Brahms. Cet opus occupe une place particulière dans le genre de la danse : tout d'abord parce qu'il s'agit d'un cycle conçu comme tel par Schubert et Brahms l'avait bien compris puisqu'il n'y a pas touché. Aussi parce que Schubert transfère ces danses pour les salles de concerts plutôt que pour tournoyer sur les parquets. Les mélodies, les structures et les harmonies sont plus raffinées que dans les autres Valzer ou Deutsche Tänze. Schubert unifie le cycle par le seul tempo et l'indication Deutsches Tempo. Il convient donc d'éviter de tomber dans un tempo trop rapide et trop valsant. Peut-être est-ce là le seul point d'achoppement de ce disque ? On attirera encore l'attention de l'auditeur sur la plage finale de ce disque et la Kupelwieser-Walzer arrangée par Richard Strauss en 1943 qui sonne comme un bis. Moment de pure beauté, de chant simple et touchant.
Schubert est souvent un écueil dans le parcours d'un pianiste. Le grand examen de la maturité musicale. La plus grande distinction, monsieur Chamayou !
Michel Lambert

Son 10 – Livret 9 – Répertoire 10 – Interprétation 10

 

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