Une soirée haute en couleurs

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Quatre candidats se succédaient à nouveau jeudi soir : deux avec l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie et deux en récital.

Chi Ho Han
Chi Ho Han
San Jittakarn
San Jittakarn

 

 

 

 

 

 

 

 

Le pianiste coréen Chi Ho Han a choisi le pétillant Concerto n°21 de Mozart qu’il interprète de manière souriante, presque naïve et fragile dans le premier mouvement, avec hélas quelques petits accidents de route. Belle interaction avec l’orchestre, particulièrement attentif et enjoué ce soir, et qui tente de suivre le candidat dans ses choix musicaux et dramatiques. Le second mouvement chante, est éclairé, lisse et offre à nouveau, sous l’œil attentif de Pascal Schmidt, de belles connivences avec l’orchestre. On soulignera encore l’incroyable intensité des nuances douces rendant l’exécution presque hors-temps. Chi Ho Han génère de l’énergie dans l’« Allegro vivace assai », mais pas toujours pour le mieux. Le tempo choisi ici n’est-il pas un cran trop rapide ? Il donne plus l’impression d’une course effrénée malgré son ton sautillant et vif.

Le pianiste thaïlandais San Jittakarn a soulevé de nombreux débats après sa prestation du même concerto. Dès le début, il impose un son massif, sobre et inspiré. Mais très vite, il devient le virtuose de la surprise, suivi de près par l’orchestre ! Que ce soit dans les respirations, les accents décalés ou dans l’appui de certaines couleurs et harmonies, le candidat se veut imaginatif malgré une concentration sans précédent et une posture « droite » qui nous dirigeaient de prime abord vers une exécution « classique ». Dans le second mouvement, il affiche une belle puissance expressive doté d’une légère ornementation, le tout en interaction permanente avec l’orchestre. Enfin, le dernier mouvement se dessine ici comme un jeu. On ne sait jamais où se dirige le candidat, poussant parfois même l’orchestre dans ses derniers retranchements. Un pianiste imprévisible, touchant et qui en quelque sorte, a littéralement dépoussiéré ce Concerto en do majeur ce soir.

Yoonji Kim
Yoonji Kim

Le public réuni à Flagey ce soir a certainement profité de l’un des plus incroyables récitals de la semaine.
Yoonji Kim (Corée) entame sa prestation avec la Fantaisie en si mineur op. 28 de Scriabine. Concentration maximale, jeu soigné, polyphonie brillante, le tout mené à la perfection avec un piano qui sonne et parfois se déchaine. Sa lecture de Tears of lights de Fiorini est exceptionnelle où, contrairement à d’autres, préfère l’intériorité à la force. Elle prend le temps, notamment par le choix de tempi plus lents, et prépare en somme un grand crescendo, plus qu’abouti ici. C’est le calme avant la tempête. En choisissant la redoutable Sonate n°3 de Chopin, la candidate se lance le défi de l’architecture, notamment à travers ce premier mouvement fleuve. Florilège de couleurs, discours imagé conduit avec intelligence, charme, le tout sans perdre un seul moment son objectif structurel. S’enchaînent ensuite un second mouvement fluide, un « Largo » vibrant, aérien, presque suspendu et un « Finale » dramatique sans aucune fausse note d’interprétation. Une pianiste qui maîtrise son répertoire, qui le défend avec fougue et qu’on espère voir plus loin.

Nadezda Pisareva
Nadezda Pisareva

Très difficile de passer tout de suite après une telle prestation pour la pianiste russe Nadezda Pisareva qui débute avec une lecture maîtrisée mais sans réelle surprise de Tears of lights de Fabian Fiorini. Malgré un malencontreux accident au moment du climax – sans doute lié au trac déjà pointé lors de l’épreuve du concerto - sa version de « Ondine » de Ravel est fluide, colorée, et d’une douceur que l’on ne peut oublier. Son jeu est soigné, limpide et sans artifices apparent, tandis qu’elle créé une trajectoire, un fil, et ne s’en distancie à aucun moment. Elle termine avec le Carnaval de Schumann qu’elle présente avec humour et légèreté. De beaux équilibres et ambiances se succèdent dans ces pièces courtes que la pianiste assemble de manière admirable. Au fur et à mesure de sa prestation, elle semble s’épanouir, et cela se sent dans son interprétation de plus en plus imagée.
Ayrton Desimpelaere
Flagey, le 12 mai, séance de 20h00

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