Une somptueuse pièce en costumes

par

Ernani de Giuseppe Verdi
1830 : la bataille d'Hernani ! .... souvenirs de classe...  Le livret tiré par Piave pour Verdi est fidèle à la pièce de Victor Hugo, sauf que dona Sol y devient Elvira et est sauvée de la mort, tout comme Silva. Ce cinquième opéra de Verdi (1844) connut un beau succès et marque un jalon, après Nabucco, vers une caractérisation des personnages plus affinée, avant de se réaliser pleinement dans Macbeth (1847). Il y règne d'un bout à l'autre le souffle romantique d'Hugo que Verdi a su rendre de manière fougueuse et convaincante. Les airs enfiévrés des protagonistes, les duos poignants et les nombreux ensembles témoignent de la maîtrise d'écriture du musicien, certes, mais aussi de la parfaite adéquation avec le texte hugolien. L'intrigue est d'ailleurs si bien construite qu'une mise en scène semble superflue. La tragique destinée avance toute seule, sous les sublimes éclairages dorés de Laurent Castaingt. Et les héros ploient sous le luxe somptueux des lourdes draperies de Teresa Acone. Tout cela produit un spectacle visuel enchanteur, sous les directives de Jean-Louis Grinda, incidemment prédécesseur de l'actuel directeur. Et l'absence de direction d'acteurs ne gêne pas trop, hormis peut-être dans les finales I et II, bien statiques. Musicalement, il faut avant tout féliciter Paolo Arrivabeni, directeur musical depuis 2008, qui a porté la partition à bout de bras. Son sens aigu de la gradation dramatique éclatait dans les ensembles et les grands finales. L'orchestre était à son sommet, les cordes en particulier, ont livré un travail considérable d'ensemble et de ductilité. Et je signalerais aussi la belle performance du basson et de la trompette solo. Le sommet musical a été atteint au troisième acte, le plus réussi de l'oeuvre. Acte reposant tout entier sur le personnage de Carlo, qui d'amant royal éperdu devient l'empereur Charles-Quint, transformation incarnée à la perfection par Lionel Lhote, qui s'affirme décidément comme l'un des premiers barytons de notre temps, et que nous aurons la joie de revoir, le mois prochain, dans le Figaro du Barbier de Séville de Rossini. Annoncé souffrant, Orlin Anastassov a frappé par un timbre de basse superbe, rappelant Ghiaurov : son Silva était crédible, tant dans le pathétique de l'honneur menacé  que dans l'amour sans espoir. Les deux rôles principaux avaient moins d'éclat. La soprano américano-cubaine Elaine Alvarez a bien déclamé l'air célèbre Ernani, involami, mais déjà, on remarquait un sens sommaire des nuances, qui plombera toute son interprétation, malgré quelques jolies vocalises et une puissance vocale indéniable grâce à laquelle elle a dominé sans peine le sextuor du premier acte et le finale du deuxième. Le plus douloureux a été sans conteste l'Ernani de l'Argentin Gustavo Porta : si le timbre n'était pas sans charme, la tenue vocale était instable et minée par cette manie agaçante d'attaquer la note par en-dessous. Bons comprimarii d'Alexise Yerna, Carmelo de Giosa et Alexei Gorbatchev, ces deux derniers membres du valeureux choeur de l'ORW qui s'acquitta de sa tâche avec netteté et précision (Si ridesti il leon di Castiglia) sous la direction de son nouveau chef, Pierre Iodice. L'oeuvre se termine par le trio tragique qui réunit Silva et les amants. Les chanteurs y ont donné le meilleur d'eux-même, accédant enfin à l'émotion. La dernière image est saisissante : Charles-Quint seul, en gloire !
Bruno Peeters
Liège, Opéra Royal de Wallonie, le 27 septembre 2015

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