Une "Wally" sans atouts majeurs à Genève

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Pour achever sa saison, le Grand-Théâtre de Genève exhume un opéra italien que l’on ne joue plus guère depuis les années soixante, ‘La Wally’, le cinquième et ultime ouvrage d’Alfredo Catalani, créé avec succès à la Scala de Milan le 20 janvier 1892 avec la première Tosca, Hariclea Darclée, dans le rôle-titre. Défenseur inconditionnel de cette musique, Arturo Toscanini assura les reprises de 1907 sur la même scène avant de la présenter au Met le 6 janvier 1909 avec Emmy Destinn et Pasquale Amato.  Comme le ‘Mefistofele’ d’Arrigo Boito, l’œuvre mêle réalisme, couleur locale et nostalgie en une partition hybride dont il faut percevoir la pulsation, ce dont est incapable la direction d’Evelino Pidò à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande : elle attaque ‘fortissimo’ chacune des séquences, puis décante le son en des effets de pseudo ‘clair-obscur’, sans laisser sourdre la sève passionnée qui les innerve.                                             Pour ‘passer’ au-delà de ce flux instrumental, faudrait-il une voix ample de ‘lirico spinto’ dont pouvait s’enorgueillir, à la scène, la seule Renata Tebaldi ! Et la jeune Ainhoa Arteta ne peut lui ravir la palme, tant, sous la tension nerveuse, l’émission est d’une extrême raideur, faisant tomber à plat la célèbre ‘romanza’, « Ebben ? Ne andrò lontana » ; au deuxième acte, le timbre retrouve un peu de son lustre ; mais la lourdeur du rôle finit par avoir raison de ses moyens. Le ténor coréen Yonghoon Lee affiche les mêmes carences en poussant des aigus sur un medium sans consistance, alors qu’il lui faudrait posséder l’insolence de stentor d’un Del Monaco ! Par contre, le reste de la distribution est remarquable, à commencer par le Gellner fougueux du baryton ukrainien Vitaliy Bilyy ; sa compatriote Ivanna Lesyk-Sadivska campe avec de brillants aigus le jeune Walter, quand Ahlima Mhamdi prête un velouté sombre à Afra, l’aubergiste. Balint Szabo a l’autorité du redoutable Stromminger, tandis que Bruno Balmelli fait valoir la générosité expansive du ménétrier ambulant, face au Chœur du Grand-Théâtre de Genève, d’une remarquable efficacité. Quant à la mise en scène de Cesare Lievi, dans des décors et costumes conçus par Ezio Toffolutti, elle joue la carte du pittoresque, avant de buter sur le dénouement : alors qu’une tempête est projetée en arrière-plan, une coulée de neige chichiteuse a bien de la peine à nous faire croire que le malheureux Hagenbach soit emporté par une avalanche !
Paul-André Demierre
Genève, Grand Théâtre, le 18 juin 2014

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