Varsovie à la gloire de Beethoven

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Revenir au Festival Beethoven de Varsovie est à chaque fois un plaisir : plaisir musical d'une programmation habilement pensée par sa directrice générale, Elzbieta Penderecka, également présidente de la "Ludwig van Beethoven Association", découverte d'artistes peu connus chez nous associées aux grands noms de notre vie musicale, dialogue avec les artistes lors des après-concerts, générosité de l'accueil et ambiance conviviale. Oui, il fait bon être à Varsovie aux environs de Pâques. L'entrée de Crescendo en festival débutait avec rien moins que la Missa Solemnis op. 123 de Beethoven avec Olena Tokar, jeune soprano ukrainienne, Agnieszka Rehlis, mezzo-soprano qui, jusqu'ici, a fait une grande part de sa carrière en Pologne, le ténor allemand Markus Schäfer et la basse polonaise Adam Palka, soliste depuis cette saison à l'opéra de Stuttgart après des débuts au Châtelet l'année précédente; les choeurs étaient ceux de la Philharmonie Tchèque de Brno, l'orchestre, le Philharmonique de Poznan. Tout ce grand ensemble était dirigé par le chef français Jérémie Rhorer que, je l'avoue, je n'attendais pas dans ce répertoire, habitués que nous sommes à l'entendre à la tête de son ensemble, "Le Cercle de l'Harmonie" dans un répertoire classique -il est bien connu et apprécié dans le répertoire mozartien- sur instruments d'époque. Détrompons-nous dès l'entrée, Rohrer empoigne la partition dans l'esprit de grande réjouissance solennelle qu'elle impose, déferlante dans les choeurs qui, comme chez J.S. Bach, expriment les sentiments de la foule tandis que les solistes expriment les émotions personnelles, délivrées ici de façon assurée et dans un grand lyrisme. Dieu sait combien la partition de Beethoven recèle de recoins difficultueux, comme ses multiples passages fugués dont s'acquitte magnifiquement l'ensemble, même si parfois on regrette des entrées peu précises tant dans l'orchestre que dans les choeurs. Mais l'émotion suscitée par cette grande oeuvre de presque une heure trente, sorte de testament beethovénien aux côtés de ses derniers quatuors ou ses dernières sonates, ne se trouve par là; elle se dégage de la conviction qui émane de la grande phalange, ses solistes et son chef aux prises avec l'intense pensée mêlée à l'intense cri du plus grand édifice religieux jamais créé.
Bernadette Beyne
Varsovie, 18e Festival Beethoven, Philharmonie, le 9 avril 2014

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