Visite d’un jardin sacré du 17ème siècle

par

Jean-Marc Aymes et Maria Cristina Kiehr © Catherine Paillon

Festival de l’Eté musical de Roisin, 25 août 2013
Œuvres de Sances, Frescobaldi, Ferrari, Purcell, Froberger, Mazzochi et Monteverdi
Concerto Soave : Maria Cristina Kiehr, soprano – Jean-Marc Aymes, clavecin et orgue positifDeuxième concert réussi pour l’ « Eté musical de Roisin » ce dimanche 25 août 2013. Axant principalement son répertoire sur la musique ancienne, le festival fait aussi place à la modernité, notamment avec l’Orchestre Royal de chambre de Wallonie qui interprètera vendredi prochain des œuvres de Grieg et Gorecki. Bénéficiant d’une église de petite dimension, les musiciens jouent dans une acoustique parfaite qui convient à ce type de solennités. Ainsi, le Concerto Soave (qui mérite bien son nom) fondé par Maria Cristiana Kiehr et Jean-Marc Aymes, développe en ce début de soirée une atmosphère délicate et suave. Cette atmosphère est possible grâce au choix des œuvres, judicieux ici. Sept compositeurs de Venise à Londres se côtoient : Sances, Frescobaldi, Ferrari, Purcell, Froberger (à la place de Rossi, qui devait être joué initialement), Mazzocchi et Monteverdi, soit des compositeurs de la fin 16ème siècle jusqu’à la fin du 17ème siècle. Le thème du concert est également pensé : le jardin sacré. Spécialistes de la musique italienne du seicento, les deux artistes parviennent avec succès à nous présenter toutes les facettes de la vie dans le jardin, cet endroit idéal, proche du paradis, bref un lieu fermé où la vie est facile, face aux difficultés de la vie extérieure. Ce voyage démontre aussi la qualité mélodique de ces compositions. Véritables maîtres de la mélodie, les compositeurs de cette époque rendent l’accompagnement très épuré, peut-on dire minimaliste ? Quelques basses obstinées, des accords tenus à l’orgue, des arpegiations, bref un accompagnement qui permet à la voix de se déployer librement au fil du texte (sacré ici). Chaque pièce a le bénéfice de narrer, soit par images soit par un discours indirect, de l’image des fleurs, ces fleurs sacrées qui représentent quant à elles l’amour, longuement évoqué de manière douce et suave, sans accents ou dynamique révoltée. La voix, par moment plus calme, tient quelques notes en les rendant intéressantes par les diverses dynamiques de la soprano. C’est aussi l’opportunité de découvrir la technique incroyable de la soprano : clarté du texte, vocalises parfaites, mélismes contrôlés, dynamiques propres et précises. Son timbre est particulièrement doux, ses respirations sont dosées et le vibrato, qu’elle maîtrise parfaitement, convient d’autant plus à ce répertoire. Aucune exagération, plutôt de la pureté. A d’autres endroits, lorsque la rythmique sera plus complexe et plus proche de l’improvisation, on appréciera le caractère dansant qu’elle propose, notamment des les Alléluia. Le concert débute par deux motets de Sance, compositeur moins connu que Frescobaldi (à titre d’exemple). Pourtant, les qualités harmoniques et mélodiques sont au rendez-vous. Le discours linéaire se construit comme une véritable grande phrase. Il se perçoit déjà quelques richesses harmoniques avec plusieurs altérations « surprises » que l’on verra aussi chez Ferrari ou Mazzocchi. La Cantate spirituelle Queste pungenti spine de Ferrari est l’enchaînement parfait. On y décèle l’évolution de l’harmonie mais aussi de l’accompagnement. Et justement, pour ce dernier point, Jean-Marc Aymes (qui a reçu un Joker de Crescendo pour son ouvrage sur Frescobaldi) est perpétuellement à l’écoute de la soliste. Les jeux de l’orgue sont réfléchis, en parfaite adéquation avec le chant tandis qu’au clavecin, il possède une virtuosité épatante. Lorsqu’il devient soliste, notamment avec la Toccata de Frescobaldi, il démontre tant des qualités de virtuose que de musicien. Sa maîtrise du clavier, associée à ses idées musicales se font appréciées. Mais c’est certainement les sept pièces pour orgue et clavecin de Purcell qui retiennent notre attention. Le musicien passe d’un instrument à l’autre, d’un registre à l’autre sans aucune difficulté. Cela se perçoit également dans sa stature, il connaît ce répertoire, il le maitrise et nous offre une véritable leçon de musique.
Les deux musiciens ont tenu, en plus du programme, à nous expliquer le rôle de cette musique, sa place et son contexte. Cela fut très apprécié, en l’absence du texte dans le programme. Pour Purcell, on retrouve les qualités habituelles du compositeur et les musiciens lui rendent ici un bel hommage.
En conclusion, une très belle fin de weekend pour le festival à Roisin. Un répertoire passionnant dans une très belle église avec deux musiciens exceptionnels. Le festival se poursuit dès vendredi prochain et se termine le 1er septembre.

Ayrton Desimpelaere
Eglise de Roisin, le 25 août 2013

 

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