Volodin rend justice à Rachmaninov

par

Serguei RACHMANINOV
(1873-1943)
Oeuvres pour piano : Variations sur un thème de Corelli op. 42, Préludes n° 4 et 5 op. 23, Préludes n° 12 et 10 op. 32, Prélude n° 2 op. 3, Sonate n° 2 en Si bémol mineur op. 36, Seconde version, Étude-Tableau n° 3 op. 33, Études-Tableaux n° 1, 2 et 5 op. 39

Alexei Volodin (piano)
2013-CC72587- 77'07''- Notice en Anglais et Allemand - Challenge Classics

Serguei Rachmaninov est un compositeur qui tient une place à part dans le monde de la musique. Sa musique est beaucoup jouée par les pianistes, appréciée du public mais malheureusement peu estimée par les musicologues et les puristes. Considéré comme "en retard" sur son temps face à Debussy, Schoenberg ou Bartok. Malgré tout, sa musique touche et plaît encore. Le temps et les critiques n'ont pas d'emprise sur l'amour que les mélomanes lui portent. Lui-même se rendait compte de ce décalage stylistique et c'est pour cela qu'une fois exilé aux Etats-Unis après la révolution russe il ne composa plus avec le même enthousiasme. Son oeuvre était derrière lui et pourtant il lui restait encore vingt-six ans à vivre. Outre son activité de compositeur, Rachmaninov était aussi un pianiste extraordinaire très demandé des salles de concert, ce fut peut-être l'un des plus grands virtuoses de sa génération. Aussi, sa musique exige-t-elle beaucoup des pianistes, une grande technique, de grandes mains et surtout un grand coeur ! Alexei Volodin nous offre un bel aperçu de l'oeuvre pianistique de Rachmaninov en choisissant plusieurs Préludes des deux grands opus 23 et 32 ainsi que diverses Études-Tableaux sans oublier les Variations Corelli et la tumultueuse Deuxième Sonate. Alexei Volodin possède tout ce qu'un pianiste désirerait avoir ; une technique phénoménale qui ne cesse d'être au service de la musique, une profondeur des sentiments, un piano chantant, un son rond et envoûtant et une compréhension parfaite du piano de Rachmaninov. Le travers de certains pianistes dans Rachmaninov est d'en faire trop. Trop vite, trop fort, trop de pathos et tout cela dessert le compositeur russe qui lui même avait un jeu tout ce qu'il y a de plus sobre, contrôlé, lyrique mais dans la retenue. Un jeu pudique en somme. Voilà ce qu'on peut dire aussi du jeu de Volodin, il est pudique et sincère. Il n'essaie pas de nous en mettre plein les yeux, ce n'est pas un jeune pianiste qui doit faire ses preuves mais un homme mûr amoureux de son compatriote. Pour exemple, le fameux Prélude alla marcia n° 5 op. 23 pourrait paraître assez pompeux et trop emphatique sous les doigts d'autres pianistes mais avec Volodin il devient élégant, fier et noble sans tomber dans l'excès de virtuosité. Pour ce qui est de la Deuxième Sonate, sans oublier la version d' Horowitz ou de Sergio Fiorentino, celle de Volodin ne se fera certainement pas oublier de si tôt. Quelle force, quel son puissant sans jamais taper ! Volodin fait chanter à merveille son piano, chaque contre-chant est là sans empiéter sur la ligne mélodique principale. Une version qui fera référence. Que dire encore des Variations Corelli écrites en exil ? Volodin a tout compris. Ce n'est plus le Rachmaninov des Préludes ou des Études-Tableaux, cette oeuvre qui sera la dernière du compositeur, gagne en concision, profondeur pour devenir une de ses oeuvres les plus raffinées. Volodin l'aborde comme le témoignage émouvant d'un des plus grands compositeurs pour le piano du vingtième siècle. Tendresse et sobriété. Gageons que ce disque fera aimer Rachmaninov à ceux qui sont encore réticents. Volodin rend là un bel hommage au piano intègre de Rachmaninov.
François Mardirrossian

Son 9 - Livret 7 - Répertoire 10 - Interprétation 9

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