Xian Zhang peine à mener l'ONB qui sauve la mise

par

La jeune violonise Vilde Frang

La Fantaisie sur deux airs populaires angevins, achevée en 1892, compte parmi les grandes réussites de Guillaume Lekeu. L'ONB, jamais en reste lorsqu'il s'agit de promouvoir le patrimoine musical de nos contrées, a choisi d'interpréter cette œuvre en guise d'ouverture à un programme original, où Mozart est encadré par les deux géants du romantisme belge. La Fantaisie de Lekeu donc, inspirée par des airs de danse du pays d'Anjou, décrit une fête de village où « la danse toujours s'accélère aux cris joyeux des gars, aux rires éperdus des filles rouges de plaisir », selon le programme rédigé par le compositeur. L'orchestration impeccable de Lekeu, riche et inventive, décrit la touchante simplicité de la fête sans jamais tomber dans le mauvais goût. Puis, dans la seconde partie de l’œuvre, la musique se fait plus lointaine, décrivant un couple d'amants qui s'éloigne au clair de lune. Les splendeurs pré-impressionnistes de cette partition rappellent irrésistiblement les Nocturnes pour orchestre de Claude Debussy, créés quelques années plus tard : ce dernier aurait-il pu avoir la Fantaisie en tête lorsqu'il composait Fêtes ? A la tête de l'ONB, la chef d'orchestre chinoise Xian Zhang a de beaux moyens pour elle : souple et dynamique, sa technique de direction est parfaitement maîtrisée. Malheureusement, elle manque cruellement de contact avec l'orchestre, et se retrouve toujours légèrement en retard, ou en avance, sur ce que proposent les musiciens. Dans ses efforts démesurés pour attirer l'attention de l'orchestre, elle limite sa direction à une suite d'effets arbitraires allant à l'encontre de toute idée de phrasé – sans parler d'architecture. L'ONB résiste plutôt bien à une gestuelle si désordonnée, et parvient à créer de belles couleurs, notamment grâce aux solistes émérites qui le composent. Mais la musique de Lekeu aurait mérité un travail plus approfondi sur les équilibres et la construction... La violoniste norvégienne Vilde Frang rentre ensuite sur scène, accompagnée par une formation plus réduite. Cette étoile montante du violon, en entamant le cinquième concerto de Mozart, peine à trouver un contact avec l'orchestre. Tempi différents, caractères contradictoires... le courant semble ne pas passer jusqu'au milieu du premier mouvement, où la jeune soliste se tourne vers le konzertmeister Alexei Moshkov. Et là, tout s'éclaire : le dialogue s'épanouit comme en musique de chambre, d'un instrumentiste à l'autre. Vilde Frang peut alors livrer un concerto de toute beauté. Son archet frais, volubile, presque enfantin, rend idéalement la musique de Mozart. Enthousiasmé par une verve si naturelle, le public en redemande : le bis sera un air norvégien doux-amer, arrangé pour violon seul. En seconde partie de concert, Xian Zhang s'attaque à la Symphonie de Franck avec vigueur, tirant de l'orchestre de grands contrastes dynamiques. Cependant, sous des dehors énergiques et souriants, elle ne semble pas exiger autre chose des musiciens que de l'agitation. Et si elle transmet bien une émotion, c'est le mal de mer. Au début du second mouvement même – réputé difficile pour la précision qu'il exige – c'est encore le konzertmeister qui doit prendre les choses en main : après deux mesures proches du chaos, celui-ci se met à diriger ostensiblement du manche de son instrument, évitant le naufrage. De fait, ce mouvement sera plutôt réussi. Louons les capacités des orchestres actuels, qui redoublant d'efforts pour offrir le meilleur résultat possible, passent outre les gesticulations de chefs qu'on leur impose !
Quentin Mourier
Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, le 30 novembre 2015

Les commentaires sont clos.