Yehudi Menuhin aurait eu 100 ans !

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Il est né le 22 avril 1916 à New York et décédé le 12 mars 1999 à Berlin. A l'occasion de l'année centenaire de la naissance du violoniste qui marqua également son siècle par un grand humanisme, la Fondation Internationale qui porte son nom organise le 20 octobre 2016 à 20h00 au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, un concert-hommage à cet incomparable musicien qui a œuvré toute sa vie pour la paix et le dialogue interculturel. Côté discographique, Warner édite 80 CD, "le siècle Menuhin" en une série de cinq coffrets et DVD. 

Fidèle à l’esprit humaniste et au parcours multiculturel de Yehudi Menuhin, le programme de ce concert-hommage propose un voyage à travers les musiques classique, indienne, jazz et tzigane en compagnie d’amis et anciens élèves de Menuhin. Seront au rendez-vous les violonistes Dr. L. Subramaniam (Inde), Valeriy Sokolov (Ukraine), Vadim Repin (Russie/Belgique), Gilles Apap (France), Iva Bittova (République tchèque), Kerson Leong (lauréat 2010 du Concours Menuhin à Oslo) et son élève préféré Volker Biesenbender (Allemagne), ainsi que le percussionniste turc Burhan Oçal et le virtuose hongrois du violon tzigane Roby Lakatos. L’Orchestre de l’Ecole Menuhin et la Chapelle Musicale Reine Elisabeth participent également au programme.
Créée il y a bientôt 25 ans, la Fondation Internationale Yehudi Menuhin (IYMF) met en place et soutient des projets visant à « donner une voix à ceux qui n’en ont pas ». Basée à Bruxelles, elle aide des artistes émergents à se faire entendre, s’emploie à souligner le rôle indispensable de l’art et à établir des passerelles entre les différentes cultures. Ainsi, la Fondation anime depuis 1993 le réseau d’éducation artistique informel MUS-E : dans plus de 450 écoles primaires européennes, 1 000 artistes de diverses disciplines et cultures initient chaque année plus de 50 000 enfants à la richesse des arts et de la diversité culturelle.

Pour sa part, Warner Classics publie une série de cinq coffrets - un total de 80 CD - et 11 DVD consacrés au Maestro, représentatifs des 70 années de sa vie musicale. Nous n'avons pu nous en procurer que trois et, pour des raisons de logistique, nous n'avons pu prendre connaissance des DVD.
Le premier coffret écouté est consacré aux enregistrements inédits et raretés. Outre quelques vignettes, il témoigne du talent d'un gamin de 13 ans en prise avec la 3e Sonate de J.S. Bach et la 1ère Sonate op. 12 n°1 de Beethoven. On est captivé par l'atmosphère qui s'en dégage, une grande sérénité, une magnifique conduite de la polyphonie dans l'oeuvre de Bach. Il y a aussi un CD consacré à des enregistrements vinyl qui n'ont encore jamais été reportés au CD : des sonates et concertos de Mozart, et puis des enregistrements tout à fait inédits tels le Quintette à deux violoncelles et l'Octuor de Schubert enregistré à Gstaad où il fonda son festival et aussi le concerto de Tchaikovski que, incroyablement, il ne joua pas souvent. Il le fit à ses débuts, on le vit réapparaître en 1949 et à la toute fin des années '50 avec Frenc Fricsay. L'enregistrement repris ici est un enregistrement "officiel" avec le Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Sir Adrian Boult. A l'époque, il ne fut pas autorisé par le violoniste; sans doute redoutait-il les critiques pour trop d'affectation et quelques scories. Mais quelle humanité, quelle originalité ; c'eût été une erreur de le dérober à l'histoire.
Un autre coffret est consacré aux enregistrements historiques et sont d'un intérêt bouleversant par ses trois intégrales : celle des Sonates et Partita de J.S. Bach de 1934, une première mondiale à l'époque; celle de ses enregistrements sous la conduite de George Enesco qui fit aussi son maître à Paris (Bach, Dvorak, Paganini, Wieniawski, Mozart, Mendelssohn, Lalo, Chausson); celle de ses enregistrements sous la conduite de Wilhelm Furtwängler dont il écrivait : "Faire de la musique avec Furtwängler relevait de la transcendance. Sous sa baguette, la musique échappait à la réalité du jour, à tout ce qui nous rattache au moment. On était plongé dans un état d'extase mystique que lui seul pouvait éveiller". Aussi prit-il violemment sa défense lorsque le chef fut accusé de collaboration avec le régime nazi, ce dont il fut blanchi. La collaboration de Menuhin et Furtwängler commença en 1947 pour s'épanouir avec Beethoven, Mendelssohn, Brahms et Bartok (2e). On retrouve également dans ce coffret le concerto d'Elgar qu'il créa, la sonate pour violon seul qu'il commanda à Béla Bartok, "le plus grand chef d'oeuvre de ce genre depuis ceux de J.S. Bach" disait le violoniste. Il enregistra ensuite avec son fils Jeremy les sonates pour violon et piano du compositeur. Ce coffret consacré aux enregistrements historiques nous rappelle aussi que ce fut Yehudi Menuhin qui découvrit le concerto pour violon de Schumann, le mal-aimé de sa descendance, en 1937. Toutefois les autorités allemandes n'admettaient pas la re-création d'une oeuvre de leur compositeur par un Américain, juif de surcroît. Le concerto mit ensuite du temps à retrouver sa place au concert (c'est Gidon Kremer qui l'enregistra il y a une bonne dizaine d'années) et fut donc recréé par Georg Külenkampff sous la direction de Karl Böhm en 1937 et mis ensuite au programme au Carnegie Hall par Menuhin avec le New York Philharmonic Orchestra dirigé par Sir John Barbirolli. On retrouve également ici les rencontres avec Ravi Shankar et Stéphane Grappelli.
Le troisième coffret est consacré au virtuose et ses enregistrement légendaires, les enregistrements que l'on trouve toujours chez le disquaire mais réunis ici pour fêter le centenaire.
Pour parfaire cette somme, une copieuse plaquette très richement iconographiée et un texte de Bruno Monsaingeaon, toujours sensible et documenté.
Bernadette Beyne

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