A Genève, un chef magnifique, Myung-Whun Chung  

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A titre d’essai, le Canton de Genève organise quelques manifestations-pilotes permettant au public de participer à un test grandeur nature sans créer un foyer infectieux. Ainsi, pour les deux soirées des 9 et 10 juin derniers, le Victoria Hall a limité à 600 personnes le nombre de participants à un concert de l’Orchestre de la Suisse Romande placé pour la première fois ( !) sous la direction du grand chef coréen Myung-Whun Chung. 

Le programme de près de deux heures, donné sans entracte, était entièrement consacré à Beethoven et a débuté par le Triple Concerto en ut majeur op.56. Myung-Whun Chung en assume tant la direction que la partie de piano, ce qui lui permet de dialoguer avec deux des chefs de pupitre de l’OSR, le violoniste roumain et le violoncelliste français Léonard Frey-Maibach. Dans l’Allegro initial pris souvent au pas de charge, le chef imprègne l’introduction d’une grandeur tragique enveloppant les fins de phrase d’un halo de mystère, alors que le trio soliste cultive un intimisme bannissant tout clinquant au profit de la finesse de phrasé. Le Largo en demi-teintes impose un climat de recueillement que le piano irise d’arpèges clairs, tandis que le violoncelle aux accents généreux chante le ‘Rondò alla Polacca’ que le violon magnifie de traits arachnéens avant de conclure par une stretta brillante. 

En seconde partie, Myung-Whun Chung s’attaque à l’une des grandes symphonies, la Troisième en mi bémol majeur op.55 dite ‘Héroïque’, qu’il aborde dans un ‘sostenuto’ rapide pour l’inscrire dans un legato souverain où s’enchaînent naturellement les motifs dessinés avec précision. L’intervention des bois permet d’alléger le développement tout en sachant ménager les diverses progressions. En un andante qui évite toute lenteur exagérée, la ‘Marcia funebre’ voit le hautbois innerver le discours d’un caractère plaintif que les virulents contrastes d’éclairage rendent véhément. Sous un pianissimo haletant, le Scherzo crépite à l’extrême avant de s’apaiser avec les appels de cor annonçant le trio. Esquissé à la pointe sèche, le Final affiche un ton péremptoire qu’édulcorera le fugato des cordes dans le but de conclure par un ‘alla marcia’ triomphal et une coda échevelée. Aux derniers accords toniques répond la salve de hourras de spectateurs subjugués, amplifiée par le trépignement des instrumentistes congratulant le maestro. Du jamais vu !

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, 9 juin 2021

Crédits photographiques : © Marco Brescia

 

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