A Genève, un remarquable accompagnateur pour Renaud Capuçon   

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Pour sa prestigieuse série ‘Les Grands Interprètes’, l’Agence Caecilia de Genève avait organisé, à la date du 31 octobre, un récital violon-piano réunissant Renaud Capuçon et Maria Joao Pires. Souffrante, la pianiste a dû annuler sa participation. Et c’est à son jeune accompagnateur, Guillaume Bellom, que le violoniste a fait appel pour la remplacer.

Quel talent affiche ce natif de Besançon qui, à l’âge de trente ans, possède une magnifique sonorité et une maîtrise technique hors du commun s’appuyant sur une assise rythmique jamais prise en défaut !

La preuve en est donnée immédiatement par la Sonate en mi mineur K.304 que Mozart élabora à Paris au mois de mai 1778. D’emblée, le clavier y impose une fluidité de phrasé que le violon assimile en développant un legato sensible qui se charge de tristesse résignée dans un Tempo di Minuetto où n’affleure aucune gaieté, tandis que le trio médian se voile d’intimité.

A des élans printaniers aspire effectivement la Cinquième Sonate en fa majeur op.24 de Beethoven datant de 1801. Le piano ornemente le cantabile généreux du violon de demi-teintes arachnéennes qu’un martellato soudain dissoudra pour instaurer un dialogue plus tendu. L’Adagio molto espressivo laisse affleurer la profondeur de l’émotion que le Scherzo n’éclairera que de touches furtives. Il faut en arriver au Rondò final pour percevoir une insouciance badine, justifiant le sous-titre ‘Le Printemps’ accolé à cette sonate. 

La seconde partie de programme comporte d’abord la Sonate en sol mineur de Claude Debussy que les deux interprètes plongent dans un onirisme étrange où les phrases interrogatives restent sans réponse. Dans un pianissimo tout aussi surprenant, l’Intermède se pimente de pointes ironiques que le Final absorbera dans une virtuosité enivrante dont le violon égratignera quelques traits virtuoses.

La dernière des sonates de Brahms, la Troisième en ré mineur op.108, baigne dans un lyrisme ondoyant qui cultive le mezzo forte sans rechercher un pathos extérieur que l’Adagio bannirait, tant il n’est ici que recueillement méditatif. Le clavier est à peine effleuré dans un Scherzo dont le rubato allège les divers motifs, alors que tous deux lâchent la bride dans un Final décidé aux accents vainqueurs. 

Devant l’enthousiasme du public, sont concédés deux bis sortant des sentiers battus, une transcription du chant de Marietta au 1er acte de Die tote Stadt de Korngold et Smile, mélodie de David Raksin pour Modern Times de Charlie Chaplin.

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, 31 octobre 2022

Crédits photographiques : Jean-Baptiste Millot

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