Augusta Holmès, compositrice

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Comment un entourage artistique de qualité peut-il soutenir une jeune fille du XIXe siècle, douée et courageuse qui deviendra, entre autres, une remarquable compositrice ? C’est ce que va démontrer Augusta Holmès (16 décembre 1847-28 janvier 1903) qui, encore adolescente, a reçu cet acrostiche du poète romantique français et écrivain cosmopolite, Anne Louis Frédéric Deschamps de Saint Amand connu sous le nom d’Émile Deschamps (1791-1871) :

A u banquet des Elus, qui donc vient prendre place ?

U ne artiste, une Muse, émule d’Apollon 

G lorieuse et brillante étoile du Parnasse

U ne fière beauté, sage comme Solon

S ans morgue, sans envie, un cœur d’or sans paillon

T ous les dons en partage. Heureuse destinée !

A ugusta, c’est bien toi… Nous t’avons devinée. 

Émile Deschamps et son épouse, installés à Versailles, tiennent salon dès 1845. Ils y reçoivent le gratin de la culture française dont Alfred de Vigny (1797-1863), Théophile Gautier (1811-1872), Victor Hugo, Alfred de Musset, Alphonse de Lamartine, Hector Berlioz, Eugène Delacroix. Après le décès de sa femme, Émile continue à recevoir poètes et musiciens parmi lesquels la jeune Augusta Holmès qui l’appelle son « cher et illustre maître »  .

La fréquentation de salons et sociétés artistiques et les lauriers tressés par Émile Deschamps auront une influence capitale sur la vie d’Augusta qui ne ménagera pas ses efforts pour arriver au but qu’elle s’est fixé : jouer ses propres œuvres. Pour une femme de l’époque, c’était une vraie gageure.

La devise qu’elle s’est choisie est « Augusta per angusta » qui vient de la locution latine « Ad augusta per angusta » soit « Vers les sommets par des chemins étroits ». 

Plus tard, dans son recueil Harmonie et Mélodie publié en 1885, Camille Saint-Saëns (1835-1921) écrira : « Comme les enfants, les femmes ne connaissent pas d’obstacles et leur volonté brise tout. Mademoiselle Holmès est bien femme, c’est une outrancière. »

Famille

Patricia Augusta Mary Anne Holmes est née à Paris le 16 décembre 1847.

Son père, Charles William Scott Dalkeith Holmes (Youghal, le 17 juillet 1797-Versailles, le 19 décembre 1869) est né à Youghal, un port du comté de Cork en Irlande. Encore adolescent, il rejoint l’armée comme ses ancêtres et, à l’âge de 18 ans, il aurait servi comme subalterne dans le régiment de cavalerie britannique, les Dragons légers (Light Dragoons), lors de la bataille de Waterloo. Il devient Officier irlandais, quitte l’armée avec le grade de Capitaine et est aussi connu sous le nom de Major Dalkeith Holmes. Au début du XIXe siècle, il revend ses biens, s’installe en France et épouse, en 1827, Tryphina Anna Constance Augusta Shearer (1811-Paris 1858), issue des clans McGregor d’Ecosse et O’Brien d’Irlande. Celle-ci, d’une grande beauté, s’intéresse aux lettres et aux arts. Elle compose des poésies anglaises, s’adonne à la peinture et tient salon à Paris, rue Neuve de Berry. Elle y reçoit notamment Alfred de Vigny et des admirateurs de ce dernier, Auguste Barbier, Robert Burns, Émile Deschamps…*

Augusta est leur fille unique. Son parrain est le comte Alfred Victor de Vigny, écrivain polyvalent et ancien militaire, qui a épousé l’Anglaise Lydia Bunbury. Quand elle acquiert la nationalité française (29 mars 1879), Augusta ajoute un accent grave à son nom de famille et devient Augusta Holmès

« DECRET DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE (contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice) qui naturalise Française, par application de la loi du 29 juin 1867, la demoiselle Holmes (Augusta-Mary-Anne), compositeur de musique, née le 16 décembre 1847, à Paris, d’un père anglais demeurant à Paris. (Paris, 29 Mars 1879.)  »

La famille quitte Paris, où Augusta est née le 16 décembre 1847, et s’installe en 1855 dans un hôtel particulier, rue de l’Orangerie à Versailles, tout en gardant un pied à terre à Paris. 

Pour Augusta, Versailles où elle reviendra souvent, lui doit « les jours les plus ensoleillés de son existence ».

Dès son tout jeune âge, son intelligence très vive liée à un caractère bien trempé et une espièglerie certaine sont sources de conflits, surtout avec sa mère.

Milieu culturel

Jusqu’à son décès, en 1869, quand Augusta a presque 22 ans, les rapports entre Dalkeith Holmes et sa fille sont extrêmement étroits et emplis d’affection.  

René Pichard du Page (1886-1966) écrit que Dalkeith Holmes considérait sa fille « comme une sorte d’objet d’art dont il était fier et qu’il faisait admirer de très près par ses amis, comme eût fait un peintre d’un modèle rare dans son atelier ». Il la protégeait toutefois du mieux qu’il pouvait, car son caractère indépendant, ses manières très libres, son excentricité et son évidente beauté lui procuraient des inquiétudes, déjà à l’aube de son adolescence. 

Elle fréquente les salons, dont celui du musicien, professeur de chant et fondateur d’une Société chorale d’amateurs (1865), Antoine Guillot-Valeton de Sainbris (1820-1887). Augusta s’y adonne au chant et à la musique d’ensemble. Ces salons et soirées, organisées notamment par l’éditeur Hartmann et Camille Saint-Saëns, la mettent en contact avec nombre de personnalités du monde artistique : des peintres, aussi chanteurs parfois (Henri Regnault…), des écrivains (Louis de Lyvron, Henri Cazalis, Armand Renaud, Blanchard…), des compositeurs (Ambroise Thomas, Charles Gounod, Camille Saint-Saëns…). Les plus jeunes, dont Camille Saint-Saëns, se rassemblent aussi dans le salon du père d’Augusta, plus orienté vers la musique. Augusta refusera plusieurs demandes en mariage de Camille, mais leur amitié survivra néanmoins.

A 18 ans, la beauté d’Augusta rayonne. Auguste Villiers de l’Isle-Adam (1838-1889) écrit : « …Grande et forte, majestueuse et calme, avec des cheveux d’or fin qui lui tombaient en nappe sur le dos et ses yeux verts d’iris qui nous rappelaient la mer d’Irlande, elle était moins femme que déesse. ». Pour certains, dont le peintre et illustrateur Georges Clairin (1843-1919), « le prestige d’une beauté éclatante lui était plutôt une sauvegarde car, tout en l’aimant à la folie, elle ne nous inspirait que du respect. »  

Le peintre Henri Regnault (1843-1871), concourant pour le Prix de Rome sur le thème de Thétis apportant à Achille les armes divines forgées par Vulcain pour venger la mort de Patrocle, prête de mémoire à la déesse les traits d’Augusta, ce qui n’échappe à personne. Ce tableau lui permet d’obtenir le premier prix en 1866.

La poétesse polyglotte et pianiste Nina de Villard (1843-1884), née Anne-Marie Gaillard, fille d’un riche banquier et épouse du comte Hector de Callias, écrivain et journaliste au Figaro, tient un des grands salons intellectuels de Paris où elle reçoit nombre de personnalité comme Charles Cros, Mallarmé, Verlaine, Manet, Degas, Catulle Mendès… Augusta le fréquente un temps. 

Après le décès de son père, Augusta tient salon dans la propriété dont elle a hérité, 11 rue Mansart à Paris, et y accueille tous ceux qui ont le culte du Beau. Une soirée mémorable y rassemble, pendant la guerre de 1870, Auguste Villiers de l’Isle-Adam, Catulle Mendès et Henri Regnault. Le peintre Henri Regnault y interprète brillamment un hymne guerrier qu’Augusta venait d’écrire, puis une mélodie de Saint-Saëns. Ce dernier trouve qu’Henri a « une exquise voix de ténor au timbre enchanteur…qui s’accordait à merveille à celle d’Augusta ». Peu après, Henri Regnault est fauché lors de la bataille de Buzenval. Saint-Saëns lui dédie sa Marche Héroïque.

La guerre franco-prussienne la touche profondément. Elle compose à cette époque, un chant guerrier, Vengeance ! et une ode à la France Dieu sauve la France. Des « ambulances », c’est-à-dire des lieux d’accueil des blessés, occupent des bâtiments publics. Le dévouement des femmes, comme ambulancières improvisées ou aides-soignantes, dont Augusta, est remarquable. 

Il s’est formé une « bande à Franck », rassemblant amis, disciples et héritiers du compositeur. Elle prône la renaissance de la musique française, bien charpentée, faisant appel à la fois aux traditions savantes et à l’héritage populaire, la rendant digne de rivaliser avec l’école germanique. A cet effet, Camille Saint-Saëns et Romain Bussine, fondent, le 25 février 1871, la Société Nationale de Musique (SNM) avec, comme devise, « Ars Gallica ». En sont membres ceux de la « bande à Franck ». Cette société permet, à de jeunes compositeurs, de faire jouer leurs œuvres en public. Le traité préliminaire de Versailles mettant fin à la guerre franco-allemande de 1870 fut signé le lendemain.

Langues et littérature 

Elevée par un père polyglotte, féru de Shakespeare, passionné par les arts et les lettres, Augusta, une enfant vive et exubérante, est attirée par la littérature. Fascinée aussi par la musique, elle ajoute à ses deux langues familiales, le français et l’anglais, l’allemand et l’italien jugés indispensables aux musiciens. A 12 ans, elle maîtrise ces quatre langues. Son don certain pour l’écriture, dont la poésie, se révèlera plus tard dans ses mélodies, ses odes symphoniques et les livrets de ses opéras de grande qualité. 

Musique : piano, chant

La mère d’Augusta n’appréciait guère la musique. On lui prête même la réflexion suivante : « La peinture produit des tableaux, la littérature des livres, la musique, le mal à la tête ». Reconnaissant un penchant certain de sa fille pour la musique, elle souhaite l’étouffer dans l’œuf et refuse obstinément la présence d’un piano chez elle.

Augusta ne peut débuter des études de piano qu’au décès de sa mère, disparue le 10 mai 1858. Elle travaille beaucoup la musique sous les encouragements de sa première enseignante, mademoiselle Peyronnet. Très vite, elle manifeste un talent certain pour le piano qu’elle ne quitte que pour les pinceaux et les livres. Elle met un point d’honneur à devenir la meilleure en tout et son ambition semble illimitée. « C’est une chose affreuse d’être traitée de petite fillette à mon âge et avec ma dignité…J’ai joué contre toute une bande de demoiselles, toutes plus âgées que moi, et ma maîtresse dit que je les ai toutes battues à plate couture », écrit-elle en 1860. Dès ses 15 ans, elle est déjà une pianiste accomplie. 

Dotée d’une voix de contralto exceptionnelle, elle ravit les auditeurs. Elle pourrait débuter une carrière de cantatrice, mais se lance dans la composition. Sa première œuvre, datée de 1864, est « La chanson du Chamelier », sur un poème de Louis de Lyvron. Elle entre ainsi dans le monde très masculin de l’art musical.

Le 13 avril 1867, Augusta participe au concert annuel au profit des sourds-muets et des écoles gratuites. La Semaine musicale écrit : « Mademoiselle Holmès, dont nous avons plusieurs fois apprécié le beau talent comme pianiste, avait sa place sur le programme. Nous avons dit avec quelle distinction elle interprète la musique de Chopin et celle des maîtres de l’agilité et du sentiment. »

Alfred de Vigny, son parrain, s’inquiète de son goût très prononcé pour la musique et lui conseille de peindre, un art qui permet de réfléchir. « On n’a pas besoin des applaudissements des indifférents ». Il écrit : « La pauvre enfant ne sait plus ce qu’elle est et ce qui lui convient d’être. Les notes et les compliments l’enivrent ». C’est sans compter sur son indépendance d’esprit qui la mène où elle le souhaite.

Augusta a émerveillé Gioacchino Rossini (1792-1868) par sa capacité de lecture à vue d’un morceau compliqué, et par son interprétation, d’une voix chaude et passionnée, d’une mélodie dont paroles et musique étaient d’elle. « Voici une petite merveille dont vous entendrez parler un jour, c’est le vieux Rossini qui le dit. »

Après ses débuts très prometteurs avec mademoiselle Peyronnet, Augusta est initiée à la fugue et au contrepoint par Henry Lambert (1825-1906), organiste à la cathédrale de Versailles. Hyacinthe Clozé (1808-1880), père d’une de ses amies, un compositeur et clarinettiste de haut niveau, ami d’Adolphe Sax, la compte parmi ses élèves en orchestration. Vers 1875, déjà en pleine possession de son talent, elle vient parfaire sa formation en composition, comme élève libre, chez le compositeur belge César-Auguste Franck (1822-1890), organiste, depuis 1858, dans la basilique Sainte-Clotilde de Paris où il fait montre d’une grande capacité d’improvisation sur le nouveau grand orgue Cavaillé-Coll. César Franck compte un fort pourcentage de femmes parmi ses élèves libres. Devenu Français par obligation professionnelle, il est nommé professeur d’orgue au Conservatoire de Paris en 1872 et exerce une influence très positive sur toute une génération de jeunes compositeurs français. Parmi les nombreux élèves de César Franck, dont Ernest Chausson, Henri Duparc, Vincent d’Indy, Guillaume Lekeu, Gabriel Pierné, Charles Tournemire, Louis Vierne, une autre femme, Mélanie Bonis (1858-1937), sera, elle aussi, une grande compositrice. Contrairement à Augusta, elle a pu s’inscrire au Conservatoire de Paris (1876).

Augusta voue un véritable culte à son ancien professeur, ce qu’elle dévoile par ce poème qu’elle a écrit à sa mémoire.  

A César Franck

Enfants qui passez, pourquoi tremblez-vous ?

Pourquoi versez-vous ces larmes amères ?

- Il nous caressait comme font nos mères ;

Il était très bon, il était très doux !

Femmes qui passez, pourquoi pleurez-vous

En semant des fleurs sous vos sombres voiles !

- Il nous enseignait le chant des étoiles

Que les Séraphins disent à genoux !

Hommes qui passez, pourquoi pleurez-vous,

Oh mes chers amis, artistes, mes frères ?

- Il nous dévoilait les clartés premières

Et la soif du beau s’éveillait en nous !...

César Franck est vivant dans son œuvre immortelle ;

César Franck est vivant dans l’amour de vos cœurs ;

César Franck est vivant au pays des vainqueurs

Que la gloire a sacrés et qui règnent par elle…

César Franck, décédé le 8 novembre 1890, est enterré le surlendemain dans un coin reculé du cimetière de Montrouge, entouré de ses élèves et de ses amis. L’office religieux est célébré dans la basilique Sainte-Clotilde. En introduction à la cérémonie résonne, sous la direction d’Edouard Colonne (1838-1910), la Marche funèbre préparée par Augusta pour sa symphonie Irlande. Le compositeur Emmanuel Chabrier (1841-1894) prononce l’éloge funèbre au cimetière, au nom de la SNM. La « bande à Franck » souhaite honorer « le brave père Franck » en rapprochant sa tombe du centre de Paris, au cimetière du Montparnasse. Il y est transféré le 19 septembre 1891. Avec le soutien de ce cénacle lié autour d’une certaine idée de la musique, Augusta et Ernest Chausson (1855-1899) participent au financement d’un médaillon en bronze qu’ils ont commandé à Auguste Rodin (1840-1917) et destiné à sa seconde sépulture. En 1893, ce médaillon est fixé au monument, dessiné par l’architecte Gaston Redon (1853-1921). Son épouse, la pianiste Eugénie-Félicité-Caroline Saillot-Desmousseaux (1824-1918) l’y rejoindra. 

Augusta organise plusieurs concerts en hommage à son maître, dont un aux Concerts populaires de Nantes (9 janvier 1891). La famille Franck est impressionnée par le zèle que déploie la musicienne pour exalter la mémoire de César, spécialement Georges (1848-1910) qui, toute sa vie, veillera à préserver l’héritage musical de son père.

Avec Camille Saint-Saëns et Catulle Mendès, Augusta s’enthousiasme pour Richard Wagner (1813-1883), malgré l’opposition française à ce dernier. Plus que le personnage, c’est sa musique qu’elle admire. Son père accepte de l’emmener à Munich pour lui permettre de rencontrer le compositeur. A sa demande, elle lui chante une de ses compositions. « Bravement, j’attaquai Nox Amor, puis Hymne au soleil. Je n’avais pas terminé qu’il accourait, m’embrassait, embrassait mon père… et déclarait que je venais de lui procurer une émotion inoubliable » a-t-elle écrit.

Ils assistent, aux côtés de Franz Liszt, le 22 septembre 1869, au Théâtre National de la Cour, à la générale de Rheingold (L’Or du Rhin) dirigée par le pianiste et compositeur Franz Wüllner (1832-1902). Etaient également présents, Catulle Mendès, accompagné de sa jeune femme, Judith Gautier, ainsi qu’Auguste Villiers de l’Isle-Adam et Henri Duparc.

Comme Wagner, Augusta prend l’habitude de rédiger elle-même livrets et poèmes qu’elle met en musique. Cette proximité avec Wagner lui vaudra parfois de voir ses propres œuvres sifflées. 

Dans le journal « L’ordre de Paris » du 16 janvier 1877, Octave Mirbeau (1848-1917), écrivain et critique d’art écrit : « Applaudissements ou sifflets, que vous importe ? On sait dans le monde musical que vous travaillez beaucoup ; que vous possédez, à un âge où les femmes d’ordinaire s’occupent exclusivement de rubans, de chiffons et de ‘fanfioles’ de toutes sortes, une science orchestrale que plus d’un compositeur contemporain pourrait vous envier. »

Vie privée

Catulle Abraham Mendès (Bordeaux 21 mai 1841-Saint-Germain-en-Laye 1909) qu’elle a connu, notamment dans les salons, est grand admirateur de Wagner, comme elle. Le peintre Georges Clairin regrette que « la pauvre Augusta ait fait la connaissance du fils d’Apollon qui devait la rendre si malheureuse ». 

Catulle Mendès est un romancier, librettiste, dramaturge et critique littéraire français issu d’une lignée de Juifs portugais. Son père, Tibulle Abraham Mendès est négociant. Sa mère, Suzanne Bun, catholique, élève son fils dans sa religion. Guy de Maupassant le décrit comme : « Poète aux intentions mystérieuses… compliqué comme personne, et dont la plume… est souple et changeante à l’infini » .Agé d’à peine 20 ans, il fonde et dirige la Revue fantaisiste, financée au début par son père, dans le but d’encourager les jeunes poètes. Cette revue un peu outrancière, à l’existence brève, a pris la défense d’œuvres de Wagner, alors controversé en France. En 1966, avec Louis-Xavier de Ricard, il fonde Le Parnasse contemporain qui lance la carrière d’une nouvelle génération de poètes. Les problèmes financiers le poursuivent.

Avant le mariage de Catulle Mendès avec Judith Louise Charlotte Ernestine Gautier (1845-1917), fille aînée que Théophile Gautier a eue avec sa maîtresse, la cantatrice Ernesta Grisi, Mendès avait déjà eu deux enfants avec Augusta. Leur liaison est restée longtemps secrète. C’est contre le gré de son père, connaissant la vie dépravée de Catulle Mendès, que Judith Gautier l’épouse le 17 avril 1866. Judith est une brillante femme de lettres, spécialiste de la culture asiatique dont la littérature chinoise, admiratrice de la musique de Wagner et très connue du monde artistique où elle a grandi. Elle deviendra, en 1910, la première femme membre de l’Académie Goncourt. Son mariage sera malheureux. Séparée de son mari vers 1874, Judith obtient le divorce juridique en 1896. 

Après la séparation du couple Mendès-Gautier, Catulle Mendès, son amant depuis longtemps, s'installe chez Augusta Holmès, 11 rue Mansart à Paris où il vivra une dizaine d’années. Elle devient ainsi sa maîtresse attitrée et aura cinq enfants avec lui : (I) Raphaël Henri, peintre (mai 1870-14 juillet 1896) ; (II) Jeanne Huguette Olga (1er mars 1872-1964), épouse de Gabriel Caillard. Leur fils Christian Hugues (1899-1985) sera artiste peintre ; (III) Marie Anne Claudine (juin 1876-1937) épouse du poète parnassien Maurice Paul dit Mario de La Tour Saint-Ygest (né en 1870) ; (IV) Hélyonne Geneviève (12 septembre 1879-1955) épouse du romancier et journaliste Henri Barbusse (1873-1935) qui s’est fait connaître suite à sa participation remarquée au concours de poésie de L’Echo de Paris, organisé par son futur beau-père ; (V) Marthian né en 1881 et mort la même année. Seule Claudine est attirée par la musique. Elle aurait appris le violon et le piano. A chaque grossesse, la musicienne interrompt sa carrière pour la dissimuler. A cette époque, la haute bourgeoisie engage des gouvernantes, précepteurs ou préceptrices pour donner la meilleure formation possible aux enfants. Peu impliquée dans l’éducation de sa progéniture, Augusta peut donc se consacrer pleinement à sa carrière musicale.

Auguste Renoir (1841-1919), grand ami de Catulle Mendès, a immortalisé les trois filles du couple en, 1888. Le tableau est actuellement au Metropolitan Museum of Art de New York.  

En 1885, Mendès quitte Augusta et rejoint, à Passy, son père et ses quatre enfants. La perte, en 1896, de Raphaël âgé de 25 ans, porte un coup très rude aux parents, malgré le soutien moral de la famille de Stéphane Mallarmé (1842-1898), célèbre poète, critique d’art et professeur d’anglais. Finalement, Catulle Mendès se remarie, en 1897, avec la poétesse Jeanne Mette (1867-1955) et supprime la rente annuelle qu’il versait à Augusta. Elle trouve sa situation désespérée et donne alors des cours de piano et de chant pour assurer sa subsistance, tout en continuant à composer. Au début du XXe siècle, elle se convertit au christianisme et se fait appeler de son premier prénom, Patricia.

Elle décède d’une crise cardiaque, le 28 janvier 1903, dans son domicile parisien, un appartement rue Juliette-Lamber. La cérémonie religieuse a lieu en l’église Saint-Augustin. Elle est enterrée, aux côtés de son père, au cimetière Saint-Louis de Versailles. Sur le socle de sa statue en marbre, sculptée par Auguste Maillard (1864-1944), représentant une muse appuyée sur sa lyre et surmontant la pierre tombale ornée d’un médaillon la représentant, est inscrit : « La gloire est éternelle et la tombe éphémère. Les âmes ne font point d’adieu », deux vers tirés de Lutèce, une de ses symphonies dramatiques avec voix. Le monument a été inauguré en 1904.

Par testament, Augusta Holmès lègue sa musique et ses livres, exempts de dédicaces, à la Bibliothèque municipale de Versailles. Ses autres manuscrits musicaux sont cédés à la bibliothèque du Conservatoire national de musique de Paris, dont les collections ont été transférées au département de la Musique en 1964. Ses écrits restants sont cédés au département des Manuscrits par sa fille Hélyonne. Six portraits la représentant sont livrés au Musée de Versailles.

Ces dons faillirent ne pas être effectués, suite à la difficulté d’acquitter les droits de succession, jusqu’à ce que les héritiers d’Augusta profitent d’un héritage inattendu donné par un Anglais.

Augusta Holmès compositrice

De toutes les activités professionnelles ou artistiques, le XIXe siècle considère que la composition musicale est la moins adaptée à l’âme féminine. Pour réussir, il faudrait une inspiration, une science, une force dont seuls les hommes seraient capables. 

La comparant aux autres compositrices de l’époque, Camille Saint-Saëns considère qu’aucune n’eut, de son siècle une ambition aussi… masculine : 

« Cette nature puissante, trop peut-être… la jette en dehors des sentiers battus, ce qui la condamne à marcher seule, sans guide, sans appui ». 

Augusta Holmès enfreint les codes imposés alors aux femmes, aussi bien dans sa vie privée que dans sa carrière professionnelle. Elle ne ménage pas ses efforts pour se faire jouer, éditer, écouter. 

Entre 1866 et 1867, Augusta Holmès utilise le pseudonyme masculin, Hermann Zenta pour ses œuvres, souhaitant une reconnaissance de leur qualité, non « entachée » par sa nature féminine. Elle ne fait que suivre l’exemple des écrivaines Amantine Aurore Lucile Dupin de Francueil (1804-1876) (George Sand), Mary Ann Evans (1819-1880) (George Eliot)… La compositrice Mélanie Bonis (1858-1937) choisira le prénom masculin peu courant : « Mel »..

A cette époque, Augusta compose des mélodies : la Chanson du Chamelier (1864) et le Chant du Cavalier pour contralto ou baryton, sur des paroles de Louis Lyvron (1867) ; La Sirène, sur des paroles de Henri Cazalis (1967) ; La Chanson de Jean Prouvaire sur une poésie tirée des Misérables de Victor Hugo (1872). Elle écrit elle-même les paroles sur lesquelles elle compose  l'Invocation à l'Amour ; Nox… Amor (piano-voix) ; Le Pays des Rêves (piano-voix) ; Hymne au soleil...

Elle montre ses premières œuvres à Franz Liszt qui, dans une de ses lettres datée du 12 janvier 1870, lui écrit : « Veuillez me considérer comme un ami qui vous est dévoué, avec le plus sincère respect. J’ai la plus haute opinion de vos talents extraordinaires. ».

Elle dédicace des œuvres à César Franck : Ave Maris stella pour ténor et soprano (1872), Memento mei Deus pour chœur (1872).

Augusta se consacre à plusieurs volets de la composition. En trente ans, elle a produit :

  1. Environ 130 mélodies où textes et musiques sont entièrement de sa main. Portées par sa voix magnifique, certaines lui procurent renommée et fortune. « Trois anges sont venus ce soir » de 1884 est encore bien présent aux veillées de Noël. Beaucoup sont composées pour piano-voix.

Ses inspirations sont diverses. En voici des exemples : Trois chansons populaires (1883) ; Hymne à Eros (1886) ; Chanson catalane (1886) ; Chants de la Kitharède (1888) ; Une vision de Sainte-Thérèse (1888) ; La Barque des amours (1892) ; Chanson persane (1893) ; L’Eternelle Idole, dédiée à Auguste Rodin (1893) ; Hymne à Vénus (1894) ; A Trianon (1896) ; Aubade-Habanera (1898) ; En chemin (1899)…

Dans A Trianon, on entend : «  Suivez-moi, Marquise, Parmi les parfums et la brise, Vers le Temple d'Amour, Qui nous sourit aux derniers rais du jour, Suivez moi, bergère, parmi la mousse et la fougère … ».

  1. Quatre opéras dont trois, Lancelot du Lac (1870), Astarté(1871) et Héro et Léandre (1875) ne furent jamais représentés de son vivant. Franz Liszt, auquel elle a présenté ses partitions, lui écrit avec humour : « En comparaison avec votre Astarté, les œuvres des compositeurs les plus osés ne sont que bagatelles de pensionnats de jeunes filles». 

La Montagne Noire (1884) est créé à l’Opéra Garnier le 8 février 1895. Elle est la première femme compositrice dont une œuvre fut jouée à cet opéra. Applaudie par certains, l’œuvre est sifflée par d’autres et démolie par une critique « Nous ne souhaitons pas ouvrir les portes de nos théâtres et de nos opéras à des femmes auteurs ». Marquée par cet échec, Augusta s’en plaint à Camille Saint-Saëns : « Combien j’ai eu de joie à apprendre… que vous approuviez et aimez ma Montagne Noire pour laquelle on m’a attachée au poteau et criblée de flèches et de boue. Mais à ce poteau, j’ai continué de sourire et de chanter, ainsi ‘‘que convient de faire’’ les gens de notre sorte, en face des manants et des escarres dont le grand chemin de l’art est infesté ». 

  1. Des symphonies dramatiques et des poèmes ou odes symphoniques : Roland furieux (1876) inspiré du poème épique de Ludovico Ariosto, dont seul le mouvement central, Andante Pastoral, est créé de son vivant par Edouard Colonne (1877) ; Lutèce (1877) ; Les Argonautes (1880), composée de quatre parties, Jason, Le Voyage, Médée, La Toison d’Or ou Les Argonautes ; Hymne à Apollon (1872), joué notamment à Angers (1900), hymne qui aurait été, selon le compositeur, le comte Louis de Romain (1844-1912), « une réussite, provoquant une explosion d'enthousiasme dans le public » ; Irlande (1882) ; Andromède (1883), créé le 14 janvier 1900 aux Concerts Colonne à Paris ; Pologne (1883) ; Ludus pro Patria (1888), inspiré par le  tableau « Ludus pro Patria » de Pierre Puvis de Chavane (1824-1898). Le deuxième mouvement, La Nuit et l’Amour est considéré comme une de ses plus belles pages ; Au pays bleu (1891), une suite symphonique pour chœur et orchestre avec récit versifié, est dédiée à Édouard Colonne qui la fait représenter au Concert du Châtelet le 8 mars de la même année. Elle comprend trois parties intitulées : Oraison d’aurore, En mer, Une Fête à Sorrente.

Voici ce qu’écrit le compositeur et critique musical Victorin de Joncières (1839-1903) dans « La Liberté » de novembre 1880 : « Dans Lutèce, dans les Argonautes il règne un souffle viril et puissant, qui étonne chez une femme. Et qu’on ne se méprenne pas sur ce que je veux dire : il ne s’agit pas ici de cette virilité factice, que trop souvent les femmes affectent dans leurs productions artistiques. C’est grand et fort par la vigueur de la pensée et la noblesse du sentiment et non par les moyens d’exécution ».

  1. Des pièces pour orchestre seul, telle l’Ouverture pour une comédie, sa seule pièce non éditée qui daterait d’avant sa rencontre avec César Franck.
  2. De la musique de chambre: Minuetto (1867) ; Trois petites pièces pour flûte et piano (1896) et la Fantaisie, une œuvre pour clarinette et piano (1900).
  3. De la musique pour chœurs dont l’Ode triomphale en l’honneur du centenaire de 1789 (1889) ; La Vision de la Reine (1893), une œuvre pour soliste, chœur, accompagnement de piano, violoncelle et harpe ; Hymne à la Paix (1890) ; Fleur de Néflier (1901) pour ténor, chœur et orchestre. 

Beaucoup de ses œuvres sont éditées.

Déjà en avril 1881, le compositeur français Benjamin Godard (1849-1895) écrit, dans le Bulletin musical : « On ne pourra plus dire maintenant que la femme est incapable de concevoir des œuvres musicales importantes et énergiques ».

 Augusta et le réveil patriotique

Suite à la défaite française de 1871, s’installe en France un climat patriotique de longue durée. Augusta y est très sensible. Elle étend ce sentiment aux pays dont les peuples ont été opprimés à cette époque, l’Irlande, dont elle tire son origine, et la Pologne.

Dans cette optique, Augusta compose Lutèce (1877) qui offre aux Français une image consolatrice : les protagonistes sont des vaincus, mais des vaincus sublimes dont la gloire serait éternelle.

L’Irlande est, depuis 1494, sous domination anglaise et les diverses tentatives des mouvements patriotiques irlandais échouent. Le 1er août 1800, la Grande-Bretagne proclame un « Acte d’Union » unissant totalement l'Irlande au nouveau Royaume-Uni. Très attachée à l’Irlande de par ses origines, Augusta traduit, dans son poème symphonique Irlande, les cris de colère d’un peuple espérant recouvrer son indépendance. Composée en 1882 et dédiée au musicien Jules Pasdeloup (1819-1887), l’œuvre est créée la même année, au Cirque d’Hiver, par les « Concerts Populaires » du donataire. En tête de la partition, on lit « …Le deuil est venu, avec l’esclavage. Tordez vos bras, pleureuses ! puisque la patrie n’est plus…Chante, ô peuple misérable, ton vieux chant triomphal : car les héros de l’antique Irlande sortent des tombeaux séculaires pour la délivrance de leurs enfants. ». Après une introduction jouée à la clarinette, les traditions irlandaises sont rappelées par une danse tourbillonnante. S’ensuivent une musique martiale et une marche funèbre montrant la dimension héroïque de l’Irlande. La conclusion encourage ses habitants à poursuivre la lutte. Certains critiques sont perturbés par le fait qu’une femme puisse composer une œuvre au caractère viril appuyé, mais le succès d’Irlande gagne l’étranger.

En 1881, le tsar Alexandre II est assassiné. S’ensuit une russification brutale et une oppression grandissante de la Pologne. Le juriste russe Constantin Pétrovitch Pobiedonostsev (1827-1907) devenu un personnage tout puissant par l'avènement de son élève, Alexandre III, prône que le salut ne vient que de l’autocratie. De nombreux exilés polonais sont accueillis en France. Le tableau « Les Massacres de Varsovie » du peintre français Tony Robert-Fleury (1837-1911) inspire Augusta pour son poème symphonique Pologne (1883). En tête de la partition, qui comprend une mazurka « Marziale et lento », emblème de l’identité polonaise, elle note : « Tu prieras, tu riras et danseras, et les balles de l’ennemi traverseront tes fêtes, et tu subiras le martyre, triomphante, en chantant. ». L’œuvre créée à Angers (1883), est présentée la même année à Paris aux Concerts Populaires de Jules Pasdeloup. Lors de la création, Louis de Romain écrit « Si Mlle Holmes est de celles qui aiment à prendre la lyre pour chanter les douleurs des opprimés et des vaincus… c'est qu'elle sent et comprend avec eux les misères de la servitude… ». A chaque représentation, l’accueil du public est chaleureux.

En 1889, suite à une demande de la ville de Paris, Augusta compose une Ode triomphale en l’honneur du centenaire de 1789 qu’elle offre gracieusement à la ville. Elle est interprétée les 11, 12 et 14 septembre par trois cents musiciens et un bon millier de chanteurs, choristes et figurants en costumes d’époque, au Palais de l’Industrie et des Beaux-Arts, sur les Champs Elysées. Environ vingt-deux mille spectateurs y assistent. Le public acclame, les critiques sont conquis. 

Toutes les composantes de la culture inspirent cette ode, dont Les Sciences précédées par La Raison : « Du fond de l’Océan jusqu’au-delà des astres ; Nous avons frayé le chemin ; Qu’oublieux de la mort, des guerres, des désastres ; Tu graviras, ô genre humain ! »

La République est honorée :

Gloire à toi, fille de la Gloire

Que nos cris triomphants ébranlent l’univers !

Que les cités et les déserts

Retentissent de ta victoire !

Trompettes, emportez jusqu’aux cieux grands ouverts

L’hymne de Joie et de Victoire !

Gloire à toi, fille de la Gloire !

Camille Saint-Saëns écrit : « Il fallait plus qu’un homme pour chanter le centenaire. A défaut d’un Dieu impossible à rencontrer, la République a trouvé ce qu’il fallait : une muse ». 

 En prévision des fêtes en l’honneur de Dante et de Béatrice, à Florence, en mai 1890, la municipalité charge Augusta d’écrire une cantate. 

Le 21 janvier, Angelo de Gubernatis écrit à Augusta : « Madame, au nom de l’Italie, j’invoque votre beau génie. Chantez-nous au mois de mai le grand hymne de la paix à Florence, la ville qui donna le jour à Béatrice… nous ajouterons, en le détachant de la couronne de Dante, un laurier à vos lauriers. Béatrix de l’harmonie, chantez votre grande sœur d’Italie, la Béatrix de la poésie ». L’Hymne à la Paix, exécuté au théâtre du Politeama, le 16 mai 1890, sous la direction du maestro Contrucci, souleva l’enthousiasme d’un public nombreux. Augusta fut rappelée dix-huit fois par la foule, hurlant à faire trembler les lustres « Brava ! Brava ! Viva Holmès ! Viva l’Italia ! Viva la Francia ! ». Plusieurs autres exécutions suivront, avec le même succès.

Hommages

Augusta Holmès est la dédicataire de plusieurs partitions de compositeurs contemporains :

- Le troisième et dernier des Trois Chorals pour orgue de César Franck, dédicacé par son fils Georges ;

- Le Rouet d’Omphale, op. 31, La Solitaire (n°3 des Mélodies persanes, op 26) et Guitare de Camille Saint-Saëns ;

- Danse orientale pour piano, op.110 d’Antoine-François Marmontel (1816-1898) ;

- Amarante, op. 136, gavotte pour piano de Georges Auvray (1858-1931) ;

- Trois préludes sur des airs populaires irlandais pour piano, de Reynaldo Hahn (1874-1947). Ce musicien a écrit ce bel hommage à Augusta : « Holmès osa tous les abandons, toutes les agonies… Ce don de l’accent populaire, peu de musiciens l’ont eu à l’égal d’Holmès, et c’est à lui qu’elle devra l’immortalité véritable. »

- Dans ses improvisations et dans des pièces liturgiques, César Franck introduit parfois des airs issus du folklore. En hommage à Augusta, il utilise sa mélodie Trois Anges sont venus ce soir.

Distinction

Le 1er janvier 1890, Augusta Holmès est nommée Officier de l’Instruction publique.

Postérité

« Pour un cénacle ‘‘vieille France’’ qui considérait la femme comme tentatrice et ne la concevait qu’entièrement soumise à l’homme, il était difficile de concevoir l’émoi que pouvait susciter la présence d’une jeune artiste idéaliste au port majestueux, à l’enthousiasme ardent, farouchement indépendante » écrit Joël-Marie Fauquet dans son ouvrage César Franck (1999). 

Comme compositrice, Augusta Holmès qui cumulait charme et talent, a fait montre d’une énergie et d’une volonté remarquables. Elles lui ont permis de se faire progressivement une place dans le monde masculin de la musique. Comme elle avait rejeté les codes établis dans la société de son époque, ne suivant que ses convictions et menée par ses instincts, elle était inclassable et trop indépendante pour se couler dans un moule. 

Il fallut peu de temps après son décès pour qu’Augusta Holmès, le « météore dérangeant », comme la caractérise Gérard Gefen dans son livre Augusta Holmès : L’outrancière (1987), tombe dans l’oubli. Sa vie privée était bien éloignée de celles des femmes de la bonne société et sa célébrité avait aussi pu susciter de la jalousie. 

Après quelques dizaines d’années d’effacement, voici qu’elle reprend sa place dans la vie culturelle.

Plusieurs lieux publics portent, en France, le nom de la compositrice :

 - La place Augusta Holmès, située dans le 13e arrondissement de Paris, est créée le 23 juin 2002 et ouverte au public le 24 juillet 2006.

 - La rue Augusta Holmès à Versailles

 - L’avenue Augusta Holmès à 77 500 Chelles (en région Ile-de-France)

 - L’allée Augusta Holmès à Nantes

 - L’Académie Musicale Augusta Holmès, fondée en mai 2019, à Paris, par Line et Frédéric Boucher, avec comme objectif d’être au service des étudiants concertistes. Elle distribue des « Prix Augusta Holmès » lors de concours de flûte traversière.

Des livres la révèlent au public parmi lesquels :

La femme compositeur : Augusta Holmès par Eugène de Solenière, Paris 1895 ;

Augusta Holmès et la Femme compositeur. Ouvrage orné de six portraits et gravures, par Paula Barillon-Bauche, Librairie Fischbacher, Paris 1912 ;

Une musicienne versaillaise, Augusta Holmès, par René Pichard du Page, Librairie M. Dubois, Versailles 1921 ;

César and Augusta par Harwood R. London 1978 ;

Femmes fin de siècle : 1870-1914 Augusta Holmès et Aurélie Tidjani de Michèle Friang, éditions « Autrement », octobre 1998 ;

Augusta Holmès : L’outrancière par Gérard Gefen, éditions Pierre Belfond, Paris, 1987 ;

Augusta Holmès ou la gloire interdite par Michèle Friang, éditions « Autrement », 2002 ;

Les mélodies d’Augusta Holmès : c’est son âme que l’on montre par Brigitte Olivier, éditions Acte Sud, collection « musique », 2003 ;

Les compositrices en France au XIXe siècle par Florence Launay, éditions Fayard, Paris (2006)

Des thèses de doctorat, entre autres :

- The Life and Songs of Augusta Holmès par Nancy Sarah Theeman N. S., University of Maryland (1983) ; 

- Augusta Holmès : Biographie-Werkverzeichnis-Analysen par Ingeborg Feilhauer, Ruprecht-Karls Universität, Heidelberg (1987) ; 

 

La musicologie s’y intéresse. On la trouve dans

- Le Dictionnaire universel des Créatrices, ouvrage collectif. Editrices Antoinette Fouque, Mireille Calle-Gruber, Béatrice Didier, « des Femmes », Paris (2013)

- Les Cahiers Maria Szymanowska (1789-1831) qui font la promotion des talents féminins, (n° 2 printemps 2022), repris d’un article de Jean-Marc Warszawski publié le 19 janvier 2003.

- European Composers and Musicians, 1880-1918, dans « Women and Music : a History », chapitre 7 : « European Composers and Musicians, 1880-1918 » par Marcia J. Citron (p. 177-178), éditeur Karin Anna Pendle, Indiana University Press, Second Edition, Bloomington&Indianapolis (2001)

Les radios parlent d’elle et révèlent sa musique comme Radio France :

La vie fabuleuse d’Augusta Holmès, par Roselyne Bachelot (décembre 2017)

Augusta Holmès. Biographie, actualité et podcasts à écouter (janvier 2020) ; 

Augusta Holmès, la wagnérienne qui aimait la France, chronique d’Aliette de Laleu (14 décembre 2021)

… 

Des spectacles la mettent en valeur

Augusta Holmès, l’indomptable, est honorée, lors d’un Concert-Spectacle conçu et présenté, le 8 décembre 2021, à Ivry sur Seine, par la soprano Aurélie Loilier. Paolo Rigutto tenait le piano.

Sont disponibles également de nombreux enregistrements récents de ses œuvres. 

Anne-Marie Polome

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