Bâtir des ponts : le Community project orchestré par la Monnaie

par

© H. Segers

"Orfeo & Majnun : un titre... pour un spectacle lyrique, une procession théâtrale en plein air et un processus participatif de grande envergure".  Un projet lancé il y a un peu plus de deux ans pour se concrétiser toute la journée du 30 juin par une parade depuis la Grand Place jusqu'à La Monnaie, des ateliers de constructions de marionnettes, divers spectacles pour enfants, une grande chorale participative... Bref, "bâtir des ponts" entre Orient et Occident avec, pour toile de fond deux grands mythes fondateurs des deux cultures.

Si on connaît celui d'Orphée et Eurydice on connaît moins ou pas du tout la romance de Leïla et Majnoun écrite en 1188 par le poète Nezami, une transcription en farsi d'une vieille légende arabo-bédouine préislamique (avec ses variantes). Tous deux traitent un sujet universel : l'amour, la perte, la folie, le pouvoir de la musique.
C'était dans la grande salle de La Monnaie que se clôturait la journée par l'opéra Orfeo & Majnun sur un livret, concept, mise en scène et vidéo de l'écrivaine et metteuse en scène Martina Winkel et d'Airan Berg. Pour opérer la fusion des deux cultures, il avait été fait appel à trois compositeurs : le musicien franco-palestinien Moneim Adwan, Howard Moody, un habitué des projets participatifs, et le compositeur belge Dick Van der Harst. Saluons ce travail à six mains à travers lequel l'auditeur saisit les occurrences entre les musiques d'Orient et d'Occident, des rythmes sur lesquelles se posent naturellement des harmonies occidentales, des quarts de tons bienvenus pour sculpter les couleurs d'un long fleuve défiant le temps et l'espace, le tout dirigé de main de maître par le jeune chef libano-polonais Bassem Akiki.
Une narratrice (l'actrice belgo-iranienne Sachli Gholamalizad) mène l'histoire tantôt d'Eurydice, tantôt de Leïla qui évoquent leurs rêves, leurs désirs; à l'instar du théâtre grec, les choeurs les commentent, tandis qu'Orphée et Qays devenu "Majnoun" (le fou) chantent l'amour, la poésie, le pouvoir de la musique. Trois langues se partageaient le discours, aussi le sur-titrage de part et d'autre de l'espace était-il bienvenu. La soprano française Judith Fa est remarquable en Eurydice et la chanteuse palestinienne Nai Barghuti l'est en Leïla. Le chanteur palestinien Loay Srouji est touchant et l'Orphée du jeune baryton français Yoann Dubruque héroïque. Saluons encore l'excellence de l'Ensemble de Musique de Chambre de La Monnaie associé à l'Ensemble Interculturel de l'Orchestre des Jeunes de la Méditerranée réunissant gadulka, violon oriental, oued, qanoun, clarinette turque, ney et zokra, tenora et percussions. Soulignons à nouveau l'excellent travail des Choeurs d'Enfants et de Jeunes de La Monnaie sous la houlette de son infatigable chef Benoît Giaux.
S'il faut ajouter un petit bémol à ce spectacle haut en couleurs, en décors, jeux d'ombres, costumes et mise en scène, on retiendra certaines longueurs et redondances.
Outre les protagonistes de la journée Orfeo & Majnun déjà cités qui contribuèrent à son succès, on ajoutera le Community Choir, les classes L5 et L6 de l'Institut des Ursulines de Koekelberg, l'Ecole 2 Sans Souci ainsi que divers figurants.
Le pouvoir de la musique, Orphée et Majnun ont convaincu le public.
Bernadette Beyne
Bruxelles, La Monnaie, le 30 juin 2018 

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