Carton plein pour le Royal Concertgebouworkest et Mäkelä à Bozar

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Ce vendredi 13 janvier a lieu le concert du prestigieux Royal Concertgebouworkest à Bozar. La phalange néerlandaise est placée sous la direction du jeune chef prodige Klaus Mäkelä. Le chef finlandais, partenaire artistique de l’orchestre depuis cette saison, est accompagné pour l’occasion de la brillante violoncelliste argentine Sol Gabetta. Au programme de cette soirée retransmise en live par les radios Musiq3 et Klara, Aino de Jimmy López Bellido, Schelomo d’Ernest Bloch et la monumentale Symphonie alpestre op.64 de Richard Strauss. 

Le compositeur péruvien Jimmy López Bellido compose Aino suite à une commande de trois prestigieux orchestres : l'Orchestre de Paris, le Royal Concertgebouworkest et le Chicago Symphony Orchestra. Cette pièce a été créée pour et par Klaus Mäkelä en septembre 2022 avec l’Orchestre de Paris dont il est le directeur musical depuis 2021. C’est d’ailleurs lui qui a soufflé l’idée au compositeur péruvien de s’inspirer de l’épopée du Kalevala. Cette légende cimente l’identité nationale finlandaise, ce qu’a d'ailleurs bien compris Jimmy López Bellido en déménageant en Finlande. Venons en à l'exécution de cette partition lors de cette soirée marquant les débuts de Mäkelä en Belgique. Cette pièce, intrigante, utilise un effectif assez conséquent nécessitant toute une panoplie de percussions. De nombreux effets sont utilisés, notamment dans les cordes et la percussion. Tout au long de cette pièce, nous retrouvons un motif récurrent : le chant du coucou. Il ressort aussi bien dans les grands tutti qu’au glockenspiel à la fin de l’œuvre se terminant tout en douceur. Notons le solo complice, interprété avec brio, du premier violon solo, du second violon solo et de l’alto solo. Les contrastes sont saisissants tout comme l’unité régnant entre les musiciens et le chef. 

Après cette création belge, place à Schelomo, Rhapsodie hébraïque pour violoncelle et orchestre d’Ernest Bloch créé en 1916. Cette œuvre en trois mouvements (Lento moderato, Allegro moderato et Andante moderato) s’enchaînant sans coupures voit intervenir la violoncelliste argentine . 

Dès le début, le public est capté par son jeu expressif. L’équilibre entre la soliste et l’orchestre est tout bonnement excellent. La phalange néerlandaise ne prend jamais le pas sur la soliste lorsqu’elle est en action mais sait tout de même reprendre la parole pour de grands tutti explosifs. Quelle complicité entre la soliste, le chef, le premier violon solo et le reste de l’orchestre. La violoncelliste s'illustre par ses graves intenses et sa façon de vivre la musique même lorsqu’elle ne joue pas. De plus, cette œuvre compte plusieurs cadences mettant en évidence la soliste, ce qu’elle apprécie beaucoup puisque cela permet de montrer l’étendue de la beauté du violoncelle. Les intentions musicales apportées par Mäkelä sont claires et pertinentes. En résumé, c’est une prestation de la plus grande des qualités qui nous est livrée et dont se délecte un public ravi. Ce dernier acclame la prestation et se voit remercier par un bis touchant de Sol Gabetta et de l’orchestre. Une pièce de Bloch datant de 1925 est choisie pour l’occasion : Prayer issu de sa pièce Jewish Life. C’est un moment d'émotion suspendu dans le temps qui clôture la première partie de ce concert.

La Symphonie alpestre op.64 de Richard Strauss est choisie pour clôturer cette deuxième partie. Cette œuvre monumentale est rarement jouée puisqu’elle demande un effectif considérable. En effet, 135 musiciens vont s'atteler à interpréter ce chef d’œuvre du répertoire symphonique. Cette pièce descriptive nous emmène dans les Alpes bavaroises pour une randonnée de 24 heures. Bien qu’elle ressemble plus à un poème symphonique puisqu’elle se joue de manière ininterrompue, nous pouvons tout de même trouver quatre grandes parties (nuit et lever du soleil; ascension; sur les cimes; descente et retour de la nuit) regroupant les 22 tableaux qui composent cette œuvre. 

Le début de la pièce commence avec un cluster pianissimo représentant la nuit. Le choral des cuivres graves, motif récurant dans cette pièce, émerge avec gravité. Puis cela s’illumine doucement pour arriver à un premier fortissimo grandiose et réconfortant annonçant le lever du soleil. Place à l'ascension de ces Alpes bavaroises. Les motifs ascendants nous font prendre de plus en plus de hauteur. Mais cette montée est entrecoupée par des passages tantôt calmes, tantôt mystérieux. Rapidement, nous entendons émerger la banda conséquente de 16 cuivres : 12 cors ! deux trompettes et deux trombones. Petit bémol, malgré la précision et la clarté de cette intervention assez brève, nous n'entendons presque plus la banda lors des interventions des cordes sur scène. Cela est probablement dû à un mauvais réglage au niveau de la technique que nous ne pouvons imputer aux musiciens ou au chef. Dans cette œuvre, chaque pupitre a son mot à dire. L’unité régnant entre les cordes est extraordinaire. Les archets et les mains gauches se déplacent d’un seul mouvement commun ce qui donne un son d’une grande qualité et une justesse parfaite. Ils savent se montrer discrets mais lorsqu'ils se déploient complètement, ils remplissent la salle d’un son rayonnant. Les percussions se distinguent par la grande variété d’instruments utilisés. Notons par exemple l’utilisation d’un éoliphone (machine à vent) ou encore une grande plaque en métal pour imiter la foudre et le tonnerre durant l’orage et la tempête. Les cors, avec leurs sonneries et solos sont d’une brillance éclatante. Les pupitres des trompettes (particulièrement le premier trompettiste s’illustrant avec héroïsme), des trombones et du tuba basse cultivent un son tantôt chaleureux, tantôt cuivré. Les bois sont d’une grande justesse et les nombreux solos qu’ils interprètent font preuve de beaucoup de caractère. Après moult péripéties, nous voici enfin arrivés au sommet de la montagne que Strauss nous fait gravir depuis un moment. Un accord lumineux entoure un motif conquérant des trombones. Sur une tenue des cordes, nous allons pouvoir contempler le paysage avec le solo du hautbois au timbre pastoral à qui Mäkelä laisse une grande liberté. Une fois le sommet atteint, cela s’assombrit de plus en plus. Le brouillard arrive et le soleil commence à disparaitre. Strauss fait preuve d’une créativité débordante et déploie un talent certain pour donner une nouvelle dimension à l’œuvre. Nous nous dirigeons vers l’orage interprété de manière tempétueuse par l’orchestre. Les palettes de nuances et de timbres utilisés sont impressionnantes. Clarinettes et piccolos font fuser les éclairs, le tonnerre gronde chez les instruments graves et à la percussion. Les cordes imitent des rafales de vent et de pluie. Cette tempête finit par se calmer, laissant place à la descente et à la fin prochaine de cette randonnée. Les motifs utilisés dans la partie ascendante sont réutilisés, mais de manière descendante cette fois-ci, comme si Strauss avait utilisé un miroir. Paix et nuit, sont la conclusion de cette épopée dans les Alpes. L’orchestre, dans une longue tenue, s’éteint doucement en pianissimo.

Le public ne se fait pas prier et applaudit les artistes de toutes ses forces. C’est un véritable raz de marée qui s’empare de la salle. Rapidement le public se lève pour acclamer la prestation de ce soir. Le Royal Concertgebouworkest confirme sa place parmi les meilleurs orchestres au monde. Quelle qualité du son, de la justesse, des nuances et du caractère dont il fait preuve tout au long de cette soirée. C’est tout simplement extraordinaire. Et que dire du chef, Klaus Mäkelä, qui a fait preuve d’une aisance ahurissante dans ce programme difficile. La connexion entre la phalange néerlandaise et le jeune chef est incroyable. Nous comprenons mieux pourquoi il a été choisi pour être le nouveau directeur musical de ce prestigieux orchestre dès 2027.

Bruxelles, Bozar, le 13 janvier 2022

Thimothée Grandjean, Reporter de l’Imep

Crédit photographique : Klaus Mäkelä © Heikki Tuuli

 

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