Dossiers

Un sujet musical abordé selon différents points de vus et, souvent, différents auteurs.

Marin Alsop, à propos de Hindemith 

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La cheffe d’orchestre Marin Alsop fait l’évènement avec un album consacré à des partitions de Paul Hindemith. Pour cet enregistrement, la musicienne est au pupitre du  ORF Radio-Symphonieorchester Wien dont elle assure la direction musicale depuis septembre 2019. Crescendo Magazine est heureux d’échanger avec elle pour parler de Paul Hindemith mais aussi de ses projets avec sa phalange viennoise.  

Votre premier enregistrement avec l'orchestre de l'ORF est consacré à Paul Hindemith ? Qu'est-ce qui vous séduit chez ce compositeur ? 

Hindemith est un compositeur extrêmement sous-estimé, dont l'œuvre est à la fois surprenante et inspirante.

Le choix éditorial pour cet album est assez surprenant car les partitions présentées sur ce disque sont liées à l'opéra. D'autres chefs d'orchestres préfèrent souvent les grandes partitions orchestrales. L'opéra est-il un bon moyen de découvrir ce compositeur ? 

L'opéra était un médium extrêmement important pour Hindemith et la narration de l'opéra correspondait à la philosophie et à sa pensée progressistes. Les œuvres présentées sur ce disque ont toutes d'énormes fondements moraux et éthiques et semblent particulièrement pertinentes en ces temps de division et de tumulte.

L'image d'Hindemith plutôt aride et conservateur est aujourd'hui monnaie courante, mais ces premières œuvres et les opéras Nusch-Nuschi et Sancta Susanna étaient radicaux et proches de "l'avant-garde". Quelles sont les particularités du jeune Hindemith dans le modernisme des années 1920 ? 

Censuré, critiqué et pris entre des tendances musicales contradictoires, Hindemith a suivi son propre chemin. Son engagement en faveur de la Gebrauchsmusik ("musique d'usage") était sa réaction aux complexités trop intellectuelles et techniques d'une grande partie de la musique émergente du XXe siècle, complexités qui avaient tendance à aliéner tout le monde sauf les personnes très instruites. Hindemith était attaché à l'inclusion et à l'accès pour tous. En tant qu'éducateur, il n'avait pas son pareil.

Tatiana Samouil, violoniste 

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Figure incontournable du violon en Belgique, Tatiana Samouil a été finaliste du Reine Elisabeth et violon solo de l’Orchestre Symphonique de La Monnaie. Elle est désormais une soliste et une chambriste acclamée qui enseigne en Belgique et en Espagne. Alors qu’elle fait paraître un album à l’âme musicale Tzigane chez Indesens, la musicienne répond aux questions de Crescendo-Magazine    

Votre nouvel album se nomme “Gipsy Journey”, il explore des musiques d’Enescu, Ravel,Weinberg et Bartók. Comment avez-vous conçu ce programme ?

J’ai été invitée pour un récital par le Festival Radio France à Montpellier. La thématique que nous a donnée le festival et qui avait été déterminée avec le Mémorial du Camp de Rivesaltes était d’évoquer la mémoire des Roms. La première œuvre que David Lively et moi-même avons immédiatement choisie était la Sonate n° 3 d'Enescu qui est un compositeur très cher à mon cœur. Le génial George Enescu, qui est, à mon sens, une des plus importantes figures et personnalités du XXe siècle, n’occupe pas la place qui lui revient et qu’il mérite, y compris dans le répertoire des violonistes, sans même parler de ses œuvres symphoniques ou de son opéra !

La famille de mon père est originaire de la même région de Roumanie que celle d’Enescu. Si on en croit la légende, je suis la descendante de plusieurs générations de lautar (musiciens traditionnels en Roumanie et Moldavie) ! Pendant que je préparais cette sonate, mon père m’a raconté beaucoup d’histoires incroyables qui, dans mon esprit, ont fait directement le lien avec les thèmes qu’Enescu a utilisés dans la sonate. Le récital s’est tellement bien passé que nous avons décidé avec David de sortir ce « live » en CD. Pas une note n’a été retouchée, vous écoutez ici le concert live !

On connaît assez bien les œuvres d’Enescu, Ravel et Bartók, mais la Rhapsodie sur un thème moldave de Weinberg est très peu connue. Que pouvez-vous nous en dire ?

Mon père est roumain et moldave, alors tout ce qui vient de Moldavie me touche directement et m’émeut. J’ai découvert cette Rhapsodie il y a quelques années. Ce concert était une occasion rêvée pour intégrer la musique de Weinberg au récital.

Maya Levy, Prokofiev et Piazzola 

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La jeune violoniste Maya Levy est l’un des grands talents émergents de la scène musicale belge. Alors qu’elle fait paraître un album intitulé "Lockdown” qui propose des œuvres de  Prokofiev et Piazzolla (avec la complicité du violoniste Hrachya Avanesyan), la jeune musicienne déborde d’énergie et se lance dans de nouveaux projets. May Levy répond aux questions de Crescendo Magazine  

Votre nouvel album s’intitule "Lockdown". Il met en relief Prokofiev et Piazzola. Comment avez-vous choisi ce titre et ce programme ?

La concrétisation de ce disque nous est venue naturellement lorsque, emails après emails, les annulations et reports s'enchaînaient. Les concerts, les festivals, les projets d’enregistrements, les concours.. Tout ! Il était  impossible de se projeter avec certitude. Alors vivant à 2, étant tous deux violonistes, et étant en quarantaine à ce moment-là, nous avons tout simplement décidé d’enregistrer notre propre album chez nous. De plus, ce programme nous permettait de saluer le centenaire de la naissance de Piazzolla, ainsi que de rendre hommage à Prokofiev qui lui même avait vécu un ‘vrai’ lockdown humain durant ses années passées en URSS. A ce titre, notre ‘lockdown’ dû à la crise sanitaire faisait petite mine à côté du sien.

Ce programme était-il déterminé avant la pandémie ou cette dernière vous a-t-elle conduits à changer les œuvres envisagées pour cet album ?

C’est effectivement la pandémie qui nous a soufflé ce projet à l’oreille. Tout d’abord de jouer à deux et puis ce programme qui reflétait bien notre état d’esprit à ce moment-là… La noirceur de Prokofiev, et la mélancolie de Piazzolla.

 Anaëlle Tourret, harpiste 

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La harpiste Anaëlle Tourret fait paraître un enregistrement qui met en perspective André Caplet, Benjamin Britten, Paul Hindemith et Heinz Holliger, à travers des partitions qui explorent les potentialités de son instrument. Crescendo Magazine échange avec cette musicienne installée à Hambourg où elle occupe les postes de harpe solo au NDR Elbphilharmonie Orchester et d'enseignement à la Hochschule für Musik und Theater 

Votre album “Perspectives” met en relief des compositeurs de plusieurs pays et de styles très différents : Caplet, Britten, Hindemith et Holliger. Comment avez-vous conçu cet album ? 

Ce programme dont la trame s'articule autour d'un spectre temporel commun -le XXe siècle- est profondément ancré dans mon parcours musical et artistique. Ces quatre compositeurs et leurs œuvres respectives pour harpe font partie d'un socle dont la richesse me porte encore aujourd'hui. Il s'agissait, au-delà de figer des reflets sonores à travers un disque, de concrétiser une démarche artistique nourrie au fil des années. 

On a souvent, dans notre imaginaire collectif, l’image de la harpe instrument de salon et de sympathiques pièces de genre. Comment les compositeurs du XXe siècle, en premier lieu ceux présentés sur votre album, sortent-ils de ces conventions ? 

Bien que comptant parmi les plus anciens instruments, ce n'est qu'au début du XXe siècle que la facture la plus récente de la harpe moderne fait son apparition, ce qui suscita un nouvel intérêt pour les compositeurs de cette période. Le XXe siècle fut ainsi le théâtre de nombre d'innovations techniques, digitales et sonores pour la harpe ; le reflet ici par ces quatre compositions, chacune originalement composée pour l'instrument et présentant une forme de nouveauté, bouleversant les aspects établis et ouvrant de nouveaux champs de possibles. 

Ce sont ces éléments absolument fascinants qu'il me tenait à coeur de transmettre, car si ces pièces font à présent partie intégrante de notre répertoire -tout comme celui plus romantique dont on a parfois l'image, il s'agissait à travers elles d'ouvrir de nouvelles perspectives d'écoute et de vision de cet instrument. 

Musique en Wallonie, un anniversaire musical 

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Le label Musique en Wallonie célèbre ses 50 ans. En un demi-siècle, Musique en Wallonie s'est imposé à travers le monde comme un vecteur de diffusion essentiel du patrimoine belge et une vitrine exceptionnelle pour les artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Crescendo-Magazine rencontre Jean-Pierre Smyers, le Président de Musique en Wallonie asbl pour évoquer le bilan et les perspectives pour l'un des plus beaux joyaux culturels du plat pays

A l'occasion de cet anniversaire, assez unique dans la vie d’un label, quel bilan tirez-vous de ce demi-siècle au service du patrimoine musical ? 

Tout d’abord, je reste fasciné par l’ampleur du travail sur le répertoire ! Ce dernier est immense et nous n’avons pas fini d’en faire le tour ! Musique en Wallonie a exhumé des partitions de compositeurs que l’on ne connaissait pas et parfois des partitions oubliées de compositeurs connus. Nous avançons au fur et à mesure, au fil des recherches et des découvertes des musicologues de nos Universités. A chaque étape de ce travail, on se rend compte qu’il y a de belles choses à faire. Un autre trait rétrospectif est la continuité au fil des générations de musicologues qui se succèdent et ce passage de témoin nous permet de poursuivre le travail à l’inverse d’autres labels très liés à une personnalité et dont la survie est en jeu lors d’un événement de la vie comme un départ ou un décès. Un dernier point réside dans le plaisir que nous procure le travail et cet enthousiasme qui traverse toute l’équipe, des artistes aux graphistes en passant par les rédacteurs des notices. C’est une immense joie et un plaisir quotidien !  

Dans la première partie de son existence, Musique en Wallonie était associé à d’autres labels avant de devenir une structure indépendante. Qu’est-ce qui vous a motivé à cette transition ? 

Ce n’est pas tout à fait un changement car les productions sont devenues autonomes et lorsque nous travaillons avec d'autres labels, il y avait une répartition du travail, des coûts et des domaines de compétences. Cependant les dernières parutions en collaboration avaient tendance à masquer l'apport de Musique en Wallonie qui n’était pas assez visible au titre de porteur du projet. Il était indispensable que les choses soient plus claires et nous avons alors changé de cap.

Le Trio Spilliaert :  à propos de Désiré Pâque 

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Dans le cadre des célébrations de ses 30 ans, le label Cyprès fait paraître une intégrale des trios du compositeur liégeois Désiré Pâque, par les musiciens de Trio Spilliaert. Figure majeure de la musique, Désiré Pâque n’est que trop négligé, dès lors il est important de saluer cette parution. Cette dernière est l’occasion d’une interview en trio avec les artistes (Jean-Samuel Bez, violon, Guillaume Lagravière, violoncelle et Gauvain de Morant, piano).

Le nom de Désiré Pâque est désormais bien peu connu ; en dehors de mentions dans des ouvrages universitaires, il a presque complètement disparu. Qu’est ce qui a poussé le Trio Spilliaert à s’intéresser à ses Trios à clavier ? 

Jean-Samuel Bez : la rencontre avec le compositeur est un peu le fruit du hasard. Nous avons toujours beaucoup de plaisir à dénicher des trios oubliés et nous sommes tombés sur une biographie d'un dénommé Pâque mentionnant l’existence de trois trios. C'est Philippe Gilson, éminent musicologue et spécialiste de Pâque, qui nous a indiqué la présence des manuscrits autographes au Conservatoire de Liège et nous en a procuré une copie, sur laquelle nous jouons d'ailleurs toujours actuellement ! La première prise de contact avec le style inhabituel de Pâque nous a incité à programmer le premier de ces trios au festival Varga en France à l'été 2016. Le retour positif du public nous a alors donné envie de poursuivre la découverte des autres trios. Il y a toujours une certaine magie à faire revivre de la sorte une musique oubliée depuis presque un siècle ! Mais dans ce cas, c'est à vrai dire un langage à part qu'il nous aura fallu explorer et domestiquer, et voir évoluer en essayant de mieux comprendre le compositeur pendant les quatre années suivantes... redonner vie à une œuvre endormie est une vraie aventure ! 

Musique en Wallonie, 50 ans !

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50 ans ce n’est pas l’éternité, mais…
Un brin d’histoire.
En 1971, la Belgique se dotait de nouvelles institutions. Dans la foulée de la Communauté Culturelle Française comme s’appelait alors la Fédération Wallonie-Bruxelles, on créa le Festival de Wallonie.

Mais aussi…
Un nouveau label de musique classique naquit, Musique en Wallonie, dont la vocation a été dès le départ de valoriser le patrimoine musical de Wallonie, puis de Bruxelles.
Ce fut l’œuvre d’un notaire liégeois mélomane, Albert Jeghers. La programmation artistique était confiée à Carl De Nys, musicologue fameux, et les captations étaient régulièrement l’œuvre d’André Charlin, un magicien du son. Des partenariats furent noués avec Koch-Schwann, Philips, Astrée, Ricercar, Pavane, Cyprès. L’autonomie devint totale en 2000.

Pierre Bibault face à Steve Reich 

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Le guitariste Pierre Bibault fait l’évènement avec un album intégralement consacré à Steve Reich publié chez Indesens. Crescendo Magazine rencontre ce musicien  pour un entretien dédié à ce grand compositeur américain.   

Vous consacrez un album entier à des pièces de Steve Reich. Comment avez-vous découvert ce compositeur ? 

Je l’ai découvert sur le tard, je l’avoue, grâce à l’un de mes professeurs de musicologie à l’Université Paris 8, en 2003. Depuis, plus je l’écoute, plus je creuse, plus je suis impressionné par sa richesse. À bien des égards, je ne comprends pas qu’on ait pu qualifier sa musique de « minimaliste » ; bien au contraire, pour moi, c’est plutôt une musique « maximaliste ». Certes, le matériau musical de base, avec lequel Steve Reich compose, est minimal, mais la façon dont il le manie, et sans parler du résultat, est d’une richesse confondante, avec toutes ces couches sonores qui se superposent, légèrement décalées, selon des déphasages immédiats ou subreptices, faisant soudain émerger des rythmes, des textures…

Ce monstre sacré de la musique de notre temps vient de célébrer ses 85 ans. Alors que certaines musiques des avant-gardes de la seconde ½ du XXe siècle sonnent à nos oreilles de manière surannée et obsolète, la musique de Steve Reich continue de séduire toutes les générations. Qu’est-ce qui fait ce succès pour nos oreilles contemporaines, y compris les plus jeunes ? 

 Je pense que c’est lié à plusieurs facteurs.  Tout d’abord, je crois, parce que les oreilles contemporaines sont intimement liées à l’enregistrement, ce que n’étaient pas -de fait- les oreilles des siècles précédents. Or, la première période musicale de Steve Reich l’est aussi, avec son œuvre phare Come Out, de 1966, qui est une mise en boucle de bande magnétique. Cette œuvre n’existe pas sans l’enregistrement. Et l’on remarque que c’est aussi le cas de nombreux genres actuels, dont l’enregistrement est le principal support de création, et par extension, d’existence. La musique électronique, avec par exemple la French touch, en est, il me semble, une bonne illustration.

Ensuite, peut-être parce que Steve Reich a réussi dans sa musique à préserver l’équilibre entre une musique de son, d’exploration sonore, et une musique de notes. L’oreille peut alors se raccrocher à l’un ou à l’autre de ces paramètres -parmi tant d’autres. 

Enfin, je suis convaincu que c’est la place de l’interprète dans l’œuvre de Steve Reich qui transcende cet ensemble d’éléments. A la différence de la musique électronique actuelle que je citais à l’instant, où seule la machine est présente, Steve Reich confère encore une place centrale à l’instrumentiste. C’est une question extrêmement contemporaine, avec notamment les rapports entre l’Humain et  la Machine, et par extension aujourd’hui l’Intelligence Artificielle, qui a été questionnée par Steve Reich dès le dernier quart du XXe siècle. 

J’ai d’ailleurs voulu explorer ce concept au travers d’une nouvelle vidéo d’Electric Counterpoint, réalisée par Jean-Emmanuel Bibault (Post-Doc en A.I à l’Université de Stanford, en Californie), et dont les images ont été entièrement créées par une Intelligence Artificielle, exclusivement à partir de mots. 

Kent Nagano et Messiaen 

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Le chef d’orchestre Kent Nagano célèbre cette année ses 70 ans. A cette occasion, BR Klassik publie un coffret de captations radiophoniques consacrées à des oeuvres d’Olivier Messiaen, dont l’imposante Transfiguration de Notre Seigneur Jésus Christ dont le maestro est l’un des plus grands serviteurs. Crescendo-Magazine publie, en français, une interview réalisée par Remy Franck, Président du Jury des International Classical Music Awards, et publiée sur Pizzicato.lu

Comment avez-vous fait connaissance avec la musique de Messiaen et comment avez-vous pu entrer en contact et étudier avec lui ?

La première rencontre a eu lieu dans le cadre de mes études à l’Université. La musique de Messiaen faisait partie du programme de tous les étudiants des cours de composition ainsi que de ceux de théorie et d'analyse tandis que, parallèlement, j'ai connu ses œuvres pour clavier (orgue et piano) par le truchement de mon professeur de piano. Ce n'est que quelques années plus tard que j'ai découvert la profondeur de son œuvre compositionnelle, en découvrant ses œuvres rassemblées dans les collections de la bibliothèque.

L'étude et la fascination qui en ont résulté m'ont amené à programmer un cycle complet de ses œuvres au Berkeley Symphony, mon premier poste de directeur musical, ce qui a conduit au début d'une intense correspondance avec le Maître lui-même.  Les enregistrements de chaque œuvre lui étaient envoyés et il me faisait part de ses critiques et commentaires détaillés. Cela nous a servi de guide pour préparer les œuvres suivantes du cycle. Après un certain temps, il a suggéré que nous nous rencontrions car il souhaitait me voir travailler en direct, et aussi qu'Yvonne Loriod participe en tant que soliste. Ils sont venus en Californie et ils ont collaboré à notre interprétation de La Transfiguration de Notre Seigneur Jesus Christ et Des Canyons Aux Etoiles -Olivier Messiaen m'a ensuite invité à participer à la première de Saint François d'Assise à Paris et, pendant l'année qui a précédé, à vivre et étudier avec lui et avec sa femme.

Quelles sont les choses les plus importantes que vous avez apprises de Messiaen ?

L'importance, en tant qu'interprète, de pouvoir séparer le compositeur en tant que tel de sa personnalité, c'est-à-dire se concentrer sur sa composition seule. À plusieurs reprises, on a demandé à Messiaen s'il fallait être religieux pour comprendre sa musique, et sa réponse a toujours été la même. Il était évident que son inspiration créatrice provenait de sa dévotion et de sa foi catholique chrétienne, et il a beaucoup écrit sur cette relation importante. Mais il explique que la création qui en résulte est autonome : elle n'est plus liée ou contrôlée par le compositeur et elle est destinée à être vécue par les gens à travers leurs propres expériences de vie.

Cyril Guillotin, musiques et poésies

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Le pianiste Cyril Guillotin propose un album qui met en relief le Livre 1 des Préludes de Debussy et 4 des Préludes de la compositrice contemporaine Françoise Choveaux. Mais ce double album Calliope met en miroir ces œuvres de Debussy avec une belle sélection de poèmes énoncés par le comédien François Marthouret. 

Vous proposez un album qui propose le Livre 1 des Préludes de Debussy et 4 des Préludes de la compositrice contemporaine Françoise Choveaux. Pourquoi une telle confrontation musicale ?

À la place de confrontation, je parlerais plutôt de filiation et de continuité dans la manière d'appréhender la substance sonore "palpable" et "impalpable". Comme beaucoup de monde, je connais la musique des Préludes de Debussy depuis mon enfance, avec des présentations interprétatives variées et de grande qualité, mais cependant ne me rassasiant pas en totalité, souvent par une conception à mon goût uniforme, trop unitaire, concrète, matérielle, normative de chaque prélude. Pour moi, pour une raison que je ne m'explique pas, cette musique a toujours représenté un monde empruntant à l'impalpable, au translucide, à l'immatériel, de l'ordre de l'idée et de la sensation, plutôt que de l'acte émotif. J'ai retrouvé ces similitudes conceptuelles dans la musique de Françoise Choveaux.

 Si on connaît très bien les Préludes de Debussy, on connaît mal les œuvres de Françoise Choveaux. Comment pouvez-vous définir sa musique ?

 La musique de Françoise Choveaux gagne à être connue, tant par sa variété que son étendue, et sa qualité bien sûr. C'est une musique faite de lumières, d'odeurs, éprise de nature, mais aussi tellurique parfois, et toujours profondément authentique. Elle touche au cœur avec franchise, et c'est ce qui me plaît ! Ayant été une brillante pianiste elle-même, Françoise Choveaux sait comment exploiter toutes les ressources de notre piano moderne, tout comme Debussy avant elle. Dès les premières notes de musique, on est transporté dans l'univers choisi, pas de chichi ni de blabla inutile, le message est tout de suite captable. C'est une musique qui s'écoute, mais surtout qui se vit.