Rencontre avec Kaija Saariaho et Jean-Baptiste Barrière
27 mai 2019, Maison des Musiques à Bruxelles. Le pluriel est de mise. Ce n’est, en effet, pas un, mais deux compositeurs que je m’apprête à rencontrer. Figure de proue de la musique spectrale depuis le milieu des années 1980, elle est sans doute la compositrice la plus en vue actuellement sur la scène internationale. Lui règne en maître sur le monde esthétique des « concerts visuels ». L’Histoire de la musique offre peu d’exemples de couples de compositeurs dont l’art et les talents s’épanouissent de manière harmonieuse au contact l’un de l’autre. Mais eux font exception.
Kaija Saariaho est née en 1952. Enfant, déjà, la musique se bousculait dans sa tête. Pensant qu’elle sortait de son oreiller, elle demandait à sa mère de l’éteindre. De 1976 à 1981, elle étudie la composition avec Paavo Heininen -un ancien élève de Bernt Aloïs Zimmermann- à l’Académie Sibelius d’Helsinki. Dès 1977, elle fonde « Korvat auki » (« Ouvrez vos oreilles ») avec Magnus Lindberg, Jouni Kaipainen, Esa-Pekka Salonen et d’autres compositeurs, musiciens et musicologues finlandais, en vue de jouer et rendre publique leur propre musique, mais aussi d’ouvrir la Finlande aux avant-gardes musicales et européennes et de contrer le conservatisme ambiant de la vie musicale finlandaise à cette époque. En 1980, elle suit les cours d’été de Darmstadt où elle rencontre Tristan Murail et Gérard Grisey et connaît sa première expérience de la musique spectrale. En 1981, elle s’installe à Paris. De 1981 à 1983, elle étudie la composition auprès de Klaus Huber et de Brian Ferneyhough à la Musikhochschule de Fribourg-en-Brisgau.
Jean-Baptiste Barrière est né en 1958 à Paris. Il étudie la musique, la philosophie et la logique. De 1981 à 1998, il occupe différentes fonctions en qualité de chercheur et de compositeur à l’Ircam. Il y assiste, entre autres, Morton Subotnick, Gérard Grisey, Jonathan Harvey et Harrison Birtwistle dans la réalisation de leurs œuvres. En janvier 1982, alors qu’il est responsable d’un stage d’Informatique musicale, il accueille dans sa classe Kaija Saariaho. Ils se marient deux ans plus tard. Depuis 1998, Barrière se consacre à sa pratique artistique, principalement centrée sur les interactions entre musique et image, et réalise des « concerts visuels » autour de sa propre musique et des œuvres de son épouse -il a notamment imaginé et réalisé la partie visuelle de l’opéra L’Amour de loin présenté à Berlin et au Théâtre du Châtelet en mars 2006. Il conçoit également des montages visuels pour L’Enfant et les Sortilèges de Ravel (Orchestre Symphonique de Montréal, dir. Kent Nagano), Saint François d’Assise de Messiaen (Orchestre Philharmonique de Radio France, dir. Myung Whun Chung) et Wozzek de Berg (Royal Festival Hall de Londres, Philharmonia Orchestra, dir. Esa-Pekka Salonen). On lui doit également le CD-Rom Prisma, consacré à l’univers musical de sa femme (lauréat en 2000 du Grand Prix Multimédia de l’Académie Charles Cros).
Kaija Saariaho et Jean-Baptiste Barrière nous ont donc reçu, avec une extrême amabilité, le 27 mars dernier, suite à la parution chez Cypres du très beau coffret Ekstatis – commenté par ailleurs sur ce site.