Focus

La lumière sur un sujet musical particulier.

Maria Callas aurait cent ans 

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En décembre prochain, sera commémoré le centenaire de Maria Callas, car elle est née à New York le 2 ou le 3 décembre 1923 alors que Warner Classics publie un coffret anniversaire. Sa carrière en dents de scie a duré dix-huit ans, a connu son apogée entre 1950 et 1958 puis s’est prolongée par intermittences jusqu’en juillet 1965. La tentative de revenir en scène par une série de récitals en duo avec Giuseppe Di Stefano entre octobre 1973 et octobre 1975 s’est soldée par un succès public délirant mais, en fait, par un échec artistique retentissant. Deux ans plus tard, victime d’une crise cardiaque, elle s’éteindra le 16 septembre 1977 dans son appartement parisien.

Néanmoins, quarante-cinq ans après sa disparition, le mythe demeure intact. Pour le grand public, Maria Callas est ‘la’ voix, à l’instar d’un Karajan concrétisant l’image du chef d’orchestre ou Glenn Gould, celle du pianiste. 

Les innombrables photographies de ses rôles à la scène et les trop brèves captations en vidéo témoignent de son génie théâtral. Qui l’écoute est d’abord surpris par ce timbre sombre si particulier qui n’a rien d’agréable, car il laisse affleurer la superposition des registres que, par un travail acharné, l’artiste s’emploiera à unifier. Par contre, la qualité exceptionnelle de la diction contribue à mettre en exergue l’expression du texte. La vaste palette de coloris permet à la voix de traduire le changement de situation. Prenons pour exemple au finale de La Sonnambula de Bellini, le moment où Amina s’éveille après avoir négocié les mélismes du « Ah ! non credea mirarti » en un chant immaculé comme en un rêve. Elvino s’approche d’elle et lui repasse l’anneau au doigt. Aussitôt, Maria Callas modifie la couleur du son pour montrer qu’elle s’éveille en déclarant « A me t’appressi ? Oh gioia ! L’anello mio mi rechi ? » (Tu t’approches de moi ? Quelle joie ! Tu me rends mon anneau ?). Dans un registre plus dramatique, elle est la première à donner aux passaggi de coloratura les plus invraisemblables leur valeur expressive. L’exhumation de l’Armida de Rossini au Mai Musical Florentin de 1952 en donne la preuve : à l’acte III, les volatine ascendantes sur « Barbara tigre ircana » sont de véritables tratti di furore sur deux octaves culminant sur la cadenza échevelée suggérant le mot « crudeltà ». Donc Maria Callas possède ce génie si particulier de faire exister ses personnages par des moyens purement vocaux. Et, assurément, ce procédé tient davantage de l’intuition que d’une démarche intellectuelle. 

Otto Klemperer, tempêtes et objectivité

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Le chef d’orchestre Otto Klemperer s’est éteint il y a 50 ans. Figure majeure de la direction d’orchestre au XXe siècle et personnalité singulière, il a marqué son époque et son art. A l’occasion de l’anniversaire de son décès et alors que Warner remet en coffrets son legs, il est important de revenir sur les aspects de sa carrière et de sa personnalité. 

Klemperer est l'homme de tous les contrastes. Géant physique -il mesure près de deux mètres - il impose sa carrure et sa prestance au pupitre. Les témoignages vidéos qui nous sont parvenus, filmés alors qu’il était âgé et diminué par de graves ennuis de santé, présentent un aspect monolithique intimidant et une grande économie des gestes, mais Otto Klemperer fut au début de sa carrière un chef totalement engagé qui galvanise les artistes par son charisme, son magnétisme et son regard de braise ; un chef presque possédé qui tirait milles nuances des orchestres qu’il dirigeait, imposant des lectures reconnues comme très personnelles et objectives.

Né à Breslau en 1885, ville alors prussienne, il s’installe avec ses parents à Hambourg dans le quartier juif, où il reçoit ses premières leçons de musique. Assez doué, le jeune garçon décide de s’orienter vers la carrière de musicien professionnel avec en ligne de mire une carrière de pianiste. Il prend des cours à Hambourg, puis à Francfort et Berlin. Dans la capitale prussienne, il étudie la composition et la direction avec Hans Pfitzner avec lequel il entretiendra une étrange relation faite d'admiration et de rejet.  

En 1905, il rencontre Mahler, c’est l’événement majeur de sa jeune carrière. Ce dernier le recommande et le jeune homme peut ainsi décrocher un premier poste d’assistant kapellmeister à l’opéra allemand de Prague puis à Hambourg où il dirige les débuts de deux jeunes sopranos promises à un bel avenir : Lotte Lehmann et Elisabeth Schumann. Il entretient avec cette dernière une liaison qui met le mari de la musicienne en rage au point que celui-ci vient, lors d’une représentation de Lohengrin, tenter de lui casser la figure et en tombe dans la fosse ! Lors de ces années, il commence à être atteint de troubles maniaco-dépressif graves qui le contraindront à suivre des traitements en cliniques pendant de longs mois. Mais malgré des fonctions subalternes, Klemperer se fait rapidement remarquer par le soin dans la préparation des œuvres et la haute qualité de ses interprétations. Sa grande ambition et son caractère aussi impétueux qu’intransigeant, débouchent souvent sur des conflits avec ses supérieurs alors qu’il gourmande sans retenue solistes vocaux et instrumentistes dans un tourbillon de grossièretés.   

Adieu à Grace Bumbry, Eboli et Carmen de légende 

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A Vienne, dimanche dernier 7 mai, disparaissait, à l’âge de 86 ans, Grace Melzia Bumbry, l’une des personnalités majeures de l’art lyrique depuis les années soixante. Voix sombre, riche de texture dans le grave avec tendance à affiner le son dans l’aigu, elle possédait la tessiture large du véritable mezzo soprano. Artiste de fort tempérament, elle incarnait ses personnages avec une profonde conviction et une extraordinaire vitalité qui avait attiré l’attention dans les cérémonies religieuses de la communauté noire de Saint Louis dans le Missouri où elle avait vu le jour le 4 janvier 1937.

Sensibilisée au chant par l’exemple de Marian Anderson qu’elle avait entendue en concert, Grace décide de former sa voix à l’Université de Boston puis à la Northwestern University d’Evanstown où elle rencontre Lotte Lehmann lors d’une masterclass. Elle la suit à la Music Academy de Santa Barbara, en devenant à dix-huit ans son élève préférée et en se laissant orienter vers le domaine du lied. Après trois années d’intense labeur, elle se présente, durant le printemps de 1958, aux Auditions of the Air du Metropolitan Opera, décroche le premier prix ex aequo avec Martina Arroyo et obtient une bourse d’études de la Fondation John Whitney pour se rendre en Europe. A Paris, elle se perfectionne auprès de Pierre Bernac avant de gagner Rome et Vienne. Mais ses premiers récitals ne lui valent aucun engagement. La mort dans l’âme, elle revient aux Etats-Unis et opte pour la scène en assumant les seconds plans. Toutefois, à San Francisco, elle est entendue par Silvio Varviso qui l’engage pour la troupe de l’Opéra de Bâle à partir de l'automne 1960. Parallèlement, grâce au soutien de Jackie Kennedy et de l’Ambassade Américaine de Paris, elle auditionne à l’Opéra, y est engagée sur le champ et débute le 26 mars 1960 dans une Aida avec Suzanne Sarroca, Paul Finel et René Bianco dirigée par Louis Fourestier : à vingt-trois ans, elle s’empare de la redoutable Amneris et remporte un tel triomphe que lui est confiée aussitôt une Carmen qu’elle reprendra durant trois saisons et même lors d’une tournée au Japon. Néanmoins, dès l’automne de 1960, elle fait partie des membres permanents du théâtre bâlois pour quatre ans, ce qui lui permet d’ébaucher les grands rôles de mezzo tels qu’Orphée, Dalila, Fricka, Eboli, Azucena, et même le soprano dramatique de Lady Macbeth. Toutefois, ses succès parisiens ont attiré l’attention de Wieland Wagner qui cherche une Venus pour sa nouvelle production de Tannhäuser à Bayreuth. Engager une artiste noire pour le Festival de 1961 soulève autant de protestations que celle de faire venir Maurice Béjart et le Ballet du XXe siècle pour la Bacchanale de l’acte I. Mais Wieland tient bon… Et Grace finira par triompher aux côtés de Wolfgang Windgassen et Victoria de los Angeles sous la baguette de Wolfgang Sawallisch et reprendra son rôle la saison suivante. Son nom est sur toutes les lèvres et immédiatement, les grandes scènes se l’arrachent.

Création mondiale du Journal d’Hélène Berr de Bernard Foccroulle le 3 mai à Cherbourg

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2023 verra la création de deux œuvres de Bernard Foccroulle composées au cours des quatre dernières années : Le Journal d’Hélène Berr et l’opéra Cassandra.

Un monodrame lyrique pour voix, piano et quatuor à cordes, basé sur Le Journal d’Hélène Berr, sera créé en version de concert le 3 mai au Trident à Cherbourg. La mezzo-soprano Adèle Charvet y incarnera Hélène Berr aux côtés de Jeanne Bleuse, piano, et du Quatuor Béla. L’œuvre sera reprise le 8 juin à Coulommiersle 12 juin au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris et le 5 novembre au Méjean à Arles. À partir du 3 décembre, l’Opéra national du Rhin en présentera une version scénique, signée Mathieu Cruciani, à Colmar, Strasbourg, Mulhouse et en tournée. Le Mémorial de la Shoah, la Médiathèque Hélène Berr, le Crif et la nièce de l’autrice seront associés à ce projet artistique étoffé d’événements, rencontres et ateliers autour des œuvres dérivées du Journal.

Hélène Berr, étudiante juive parisienne, écrivit les premières lignes de son Journal au printemps 1942. Celui-ci s’interrompt tragiquement deux ans plus tard : déportée à Auschwitz en mars 1944 et transférée trois semaines plus tard au camp de Bergen-Belsen, la jeune femme y perdra la vie cinq jours avant la libération du camp, à l’âge de 23 ans. Demeuré inédit durant 63 ans, le précieux manuscrit, conservé au Mémorial de la Shoah, fut édité par les éditions Tallandier en 2008. Profondément ému à la lecture de ce témoignage, Bernard Foccroulle en tira un livret, achevé en 2020. 

Portrait de compositrice : Clémence de Grandval

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Marie-Félicie-Clémence de Reiset, future Vicomtesse de Grandval, née le 21 janvier 1828 au Château de la Cour du Bois, à Saint-Rémy-des-Monts, dans la Sarthe et décédée à Paris le 15 janvier 1907, a épousé à Paris, le 12 mars 1851, Charles-Grégoire-Amable Enlart, Vicomte de Grandval. 

Au XIXe siècle, la ségrégation dans la vie musicale constituait un obstacle considérable pour les personnes de classes sociales dites inférieures et pour les femmes, quelles que soient leurs origines sociales. Leur statut les liait officiellement au rôle de musiciens amateurs, même si, comme la Vicomtesse de Grandval, elles publiaient régulièrement leurs compositions sur le marché libre. Les qualités d’interprétation des femmes ne sont pas mises en question. Il en va autrement de la création, où elles rencontrent de grandes difficultés à asseoir leur légitimité. Camille Saint-Saëns a écrit, en évoquant les mélodies de Clémence de Grandval pour chant avec accompagnement de piano, qu’il trouve exquises : « Elles seraient certainement célèbres si leur auteur n'avait le tort, irrémédiable auprès de bien des gens, d'être femme ».

Clémence de Grandval souffre d’un double handicap : elle est femme et aristocrate. Toute sa vie, ce sera un souci pour celle qui dira un jour : « On ne veut pas de moi, mon nom est un crime ». Du fait de son statut de femme du monde qui la dessert, elle utilise parfois des pseudonymes, Clémence Valgrand, Caroline Blangy, Maria Felicita de Reiset, Maria Reiset de Tesier, Maria Reiset de Tesier et Jasper… pour ses publications.

La Vicomtesse de Grandval est devenue l’un des membres les plus actifs de la jeune école française mais, selon le critique musical Arthur Pougin (1834-1921), elle a toujours été vue comme un «amateur» en raison de sa fortune et de sa position sociale.

La famille

Son père, le Baron Léonard Jean Népomucène de Reiset de Chavanatte, portant parfois le prénom d’Edouard à la place de Léonard, est issu d’une petite noblesse lorraine installée dans le sud de l’Alsace dès le XVe siècle. Il est né le 27 septembre 1784 à Delle (département du Territoire de Belfort) et décédé à Paris le 29 janvier 1857. Il est militaire durant une période compliquée de l’histoire de France, Premier Empire (1804-1814), Première Restauration de la dynastie des Bourbons (1814 Louis XVIII), Période des Cent-Jours jours avec Napoléon 1er (20 mars-8 juillet 1815), Seconde Restauration, Louis XVIII et Charles IX (1815-1830)... 

Léonard de Reiset est sous-lieutenant en Guadeloupe au début du Premier Empire. Il revient en métropole en 1807 puis participe à la guerre d’Espagne où il est blessé et fait prisonnier. Ayant pris la défense du Général Pierre Antoine, Comte Dupont de l’Etang (1765-1840) qui avait signé la capitulation avec le Général espagnol Castaños (22 juillet 1808, à Baylen), il tombe en disgrâce auprès de Napoléon 1er. Libéré en 1812, il devient officier d’ordonnance du Roi Jérôme de Westphalie puis aide-de-camp du Maréchal Ney et fait la campagne de Russie au côté de ce dernier. C’est grâce au passeport du chef de bataillon de Reiset, et donc sous le nom de ce dernier, que Ney proscrit put quitter Paris, avant d’être arrêté le 5 août 1815. Passé au service de Louis XVIII, de Reiset est promu lieutenant-colonel de cavalerie et obtient le titre de Baron héréditaire par lettres patentes du 16 juin 1818. Il est promu Officier de la Légion d’honneur et Chevalier de Saint-Louis et de l’Ordre de la Couronne de Westphalie. Officier des Hussards, il a été Chef d’escadron au régiment de Hussards du Bas Rhin, à Chartres (département d'Eure-et-Loir). Il devait aussi être pianiste amateur.

Sa mère, Anne Louise Adèle du Temple de Mézières (1796-1853), a reçu une éducation très soignée. Le Château de la Cour du Bois, qu’elle a occupé de 1804 à 1853, était situé dans un superbe domaine. Adèle épousa le Baron de Reiset, Léonard Jean Népomucène (1784-1857) à Chartres, le 5 avril 1818. Devenue ainsi Baronne de Reiset, elle tenait salon à la Cour du Bois où elle recevait fréquemment des hommes politiques et des artistes, comme la poétesse Marceline Desbordes-Valmore (Douai 1786-Paris 1859). Elle a écrit divers ouvrages, parfois inspirés de causeries de salon ou de ses souvenirs de l’époque révolutionnaire : La Folle de Pirna, ensemble d’anecdotes ; Iolande ou l’orgueil au 15e siècle. Galerie du Moyen-Age (1834) ; Atale de Mombard ou ma campagne d’Alger ; Nathalie ou les cinq âges de la femme (trois tomes) ; Emérance ou Chronique du temps de Charles Martel (1847) Certaines de ses œuvres sont publiées sous son nom, Adèle Baronne de Reiset. Pour d’autres, elle utilise des pseudonymes comme Madame Adèle de Ravenstein, Adèle du Temple… 

L’orgue Contius de Louvain à l’honneur dès le 21 avril : 2172 tuyaux pour la paix, une bouffée d’air pour le climat 

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Louvain. Cité universitaire chargée d’Histoire, carrefour culturel, terreau où fourmillent des personnalités inestimables et les talents de demain. Éprouvette en ébullition où se bousculent les projets les plus hétérocliques, ambitieux et rafraîchissants. Dont ceux portés par la Fondation Contius, qui nous réserve de belles surprises dès le 21 avril. Avec trois moments forts au programme: 24 heures de musique d’orgue les 21 et 22 avril, la deuxième édition du Festival International Contius-Bach et une Académie d’été du 7 au 15 juillet.

C’est que le président du conseil artistique de la Fondation a plus d’une corde à son arc : organiste, compositeur, ancien directeur général de La Monnaie et du festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, président de la session 2023 du Concours Reine Elisabeth,… Bernard Foccroulle est un homme à tout faire. Ses rares temps libres, il les passe à raviver la flamme vascillante du patrimoine organistique.  

Un nouvel orgue exceptionnel au coeur de la Sint-Michiel Vredeskerk

L’aurions-nous oublié ? Louvain est actuellement la seule ville en Belgique dotée d’une politique ciblée ayant pour ambition de sauvegarder ce patrimoine. C’est à cette fin que, en 2012, elle a élevé Luc Ponet, Professeur au Leuven University College of Arts, au rang de ‘stadsorganist’. Elle aurait eu tort de s’en priver : ‘Leuven Orgel Stad’ accueille en effet en son sein pas moins d’une quinzaine d’orgues de toute beauté. Parmi lesquels un nouveau venu, et non des moindres !

L’orgue Contius de l’église Saint-Michel de Louvain est une réplique historiquement exacte, réalisée sous la direction de la Fondation Contius, de l’orgue de l’église de la Sainte-Trinité de Liepāja en Lettonie, construit par Heinrich Andreas Contius entre 1774 et 1779. Avec celui de l’église Saint-André à Abbenrode (Allemagne), l’orgue de Liepāja est le seul instrument du facteur d’orgues originaire de Halle en Allemagne qui nous soit parvenu. Ceci explique sans doute pourquoi H.A. Contius demeure aujourd’hui dans l’ombre des grandes figures de la facture d’orgue du 19e siècle en Allemagne centrale -Gottfried Silbermann, Zacharius Hildebrandt et Heinrich Gottfried Trost. 

Johann Sebastian Bach tenait pourtant Heinrich Andreas Contius, ainsi que son père Christoph, en haute estime. Entre 1713 et 1716, le futur Cantor de Leipzig suivit de près la construction d’un orgue réalisé par Christoph Contius en l’église Notre-Dame de Halle. En 1749, il n’hésita pas à recommander à Johann Gottlieb Graun les services d’Heinrich Andreas, qu’il jugeait plus habile encore que Zacharias Hildebrand (l’un des meilleurs facteurs d’orgues de l’époque) en vue de la construction d’un nouvel instrument dans l’Unterkirche à Francfort-sur-l’Oder. Quelques années plus tard, le Cantor remit à Heinrich Andreas une lettre de recommandation assurant que « Le travail de Monsieur Contius sur les orgues et les instruments est si bon et constant qu’il n’y a rien à y redire et rien à souhaiter de plus que tous les travaux de ce genre soient réalisés avec autant de compétence, afin que les maisons de Dieu et tous les autres amateurs d’instruments de musique de ce type ne soient plus bernés par des incapables. »

En 1761, Heinrich Andreas s’installa dans les Pays baltes, où il construisit plusieurs orgues à Riga, Reval (aujourd’hui Tallinn en Estonie) et Libau (aujourd’hui Liepāja en Lettonie). L’instrument qu’il réalisa à Libau à partir de 1774, serti dans le buffet d’un orgue érigé un quart de siècle plus tôt par Johann Heinrich Joachim, comprenait 38 jeux, deux claviers et un pédalier. Il fut ultérieurement agrandi par Carl Alexander Herrmann (1877) et Barnim Grüneeberg (1885) ; ainsi modifié, il comptait 131 jeux et était à l’époque le plus grand orgue mécanique du monde. 

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L’orgue de l’église de la Sainte-Trinité à Liepāja. Source: Wikipedia

Portrait de compositrice : Imogen Holst

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La fille d’un compositeur honoré dans son pays peut-elle se créer une personnalité musicale reconnue ? C’est ce que nous allons découvrir en rencontrant Imogen Holst.

La Britannique Imogen Clare von Holst, connue sous le nom d’Imogen Holst, est une musicologue, compositrice, arrangeuse, cheffe d’orchestre et de chœur, enseignante, et auteure/éditrice qui a également été directrice artistique de festivals. Née le 12 avril 1907 à Richmond, dans le Surrey, elle est décédée le 9 mars 1984 à Aldeburgh, dans le Suffolk. Comme enseignante, elle a joué un rôle important dans l'éducation musicale britannique. 

Famille

Imogen est la fille unique de Gustavus Theodore von Holst, (Cheltenham, 21/09/1874 - Londres 25/05/1934) et d’Emily Isobel Harrisson (Londres 26/03/1876 - 16/04/1969). Les jeunes gens, connus comme Gustav Holst et Isobel Harrisson, se rencontrent lors d’un concert londonien organisé par l’Hammersmith Socialist Society. Gustav y dirige le Socialist Choir qu’a rejoint la jeune soprano Isobel. Le mariage a lieu à Londres au Fulham Register Office le 22 juin 1901, dès que la situation financière de Gustav le permet. Isobel se met à la couture pour qu’ils arrivent à assurer les fins de mois. 

Isobel Harrisson rejoint les « Independent-spirited women » et travaille, comme chauffeur volontaire, dans le Women’s Reserve Ambulance Corps venant en aide aux personnes dans le besoin pendant la guerre 14-18. En 1923, elle passe 2 mois en Amérique avec son mari et sa fille. Passionnée de décoration, elle préfère la vie à la campagne aux voyages lointains et rejoint plusieurs sociétés : l’English Folk Dance Society, l’Essex Society for Archaeology & History, l’Essex Agricultural Society, et supporte le British Women’s Institute et l’Eglise de Thaxed. Après son décès, le Times du 19 avril 1969 précise dans sa nécrologie qu’elle a été aimable et généreuse et qu’elle apporté, dans la vie de Gustav, grâce, aisance et confort

Gustavus Theodore von Holst (1874-1934), le père d’Imogen, est connu comme Gustav von Holst puis Gustav Holst parce que, en septembre 1918, il supprime officiellement le « von » trop germanique pour pouvoir participer à l’effort de guerre. Il est nommé organisateur musical pour la YMCA (Young Men's Christian Association) au Proche-Orient, basée à Thessalonique. 

Portait de compositrice : Tekla Bądarzewska

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Tekla Bądarzewska est une pianiste et compositrice polonaise ayant vécu de 1829 à 1861. Sa vie s’est déroulée dans ce qui est maintenant la République de Pologne. Un bref résumé de la situation politique de la Pologne, en particulier de Varsovie, semble indispensable pour comprendre son époque.

La République des Deux Nations, qui unit le Royaume de Pologne et le Grand-Duché de Lituanie en un seul état par l’Union scellée à Lublin le 1er juillet 1569, gouverne la région de 1569 à 1772 avec Cracovie comme capitale. Cracovie et Vilnius sont les sièges de deux Diètes (parlements) et de deux sénats. La Pologne et la Lituanie conservent leurs armées, leurs administrations et leurs lois propres. En 1596, le Roi Sigismond III (1566-1632), de la dynastie suédoise Vasa, déplace la capitale de la Pologne de Cracovie à Varsovie. 

Le Royaume de Pologne et le Grand-Duché de Lituanie sont liés par un monarque commun élu à vie par une Diète commune.

Stanislas August Poniatowski (Vowchyn 1732-Saint-Pétersbourg 1798), couronné en 1764, est le dernier Roi de la République des Deux Nations et Grand-Duc de Lituanie. Il entame des réformes mais son pouvoir est fragile. Son règne est marqué par une révolte de nobles contre l’ingérence de la Russie, ce qui provoque un premier partage de la République des Deux Nations. Le pays est amputé d’un tiers de son territoire et de sa population au profit de la Russie, de la Prusse et de l’Autriche à la suite d’un traité ratifié par la Diète polonaise en 1772. 

La promulgation de la Constitution (3 mai 1791) provoque une guerre russo-polonaise et aboutit, en janvier 1793, à un deuxième partage entre la Russie de Catherine II et la Prusse de Frédéric-Guillaume II, sans l’Autriche alors en guerre avec la France. Varsovie reste polonaise. Après l’échec de l’insurrection de 1794 contre les dominations russe et prussienne, commandée par l’officier polonais Tadeusz Kościuszko (qui avait pris part à la guerre d’indépendance des Etats-Unis), un troisième partage efface définitivement la République des Deux Nations en 1795. Varsovie est incorporée au Royaume de Prusse et devient le chef-lieu de la province de Prusse-Méridionale. Stanislas August Poniatowski abdique.

Portrait de compositrice : Juliette Folville

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La femme n’est que le gracieux perroquet des imaginations, des pensées, des paroles de l’homme, et le joli petit singe de ses goûts et de ses manies.

C’est notamment ainsi que le Français Edmond Huot de Goncourt (1822-1896), fondateur de l’Académie Goncourt, considère la « femme » dans son Journal, le 25 janvier 1890.

Juliette Folville est une preuve, parmi bien d’autres, de l’inanité de cette citation.

Eugénie Emilie Juliette Folville est née à Liège le 5 janvier 1870. Son père Jacques Hubert Louis Jules Folville, connu sous le prénom de Jules, est un avocat renommé né à Liège le 13 octobre 1827. Il y a épousé en 1868 la Liégeoise Emilie Joséphine Eugénie Ansiaux, née le 19 février 1835, connue sous le prénom d’Emilie, une musicienne de talent, mais « sans profession ». Son grand-père maternel, Emile Louis Ansiaux (1804-1874), un banquier nommé Chevalier de l’Ordre de Léopold, a été juge puis président du tribunal de commerce de Liège. Lors de la naissance de leur fille unique, les parents de Juliette étaient domiciliés 7, rue Lonhienne à Liège et la famille y a vécu, au moins jusqu’au décès de Jules (27 novembre 1890). 

Famille

Juliette, enfant unique, est élevée dans une famille de mélomanes, musiciens amateurs de haut niveau. Sa mère Emilie Ansiaux (1835-1929) chante très bien, notamment des œuvres de Jean-Théodore Radoux (1835-1911), directeur du Conservatoire Royal de Musique de Liège de 1872 à 1911. Son père, l’avocat Jules Folville (1827-1890), a suivi, au Conservatoire Royal de Liège, les cours de piano de l’excellent professeur Jules Jalheau (1798-1862), né à Bruxelles de parents liégeois. Ce dernier a été professeur de solfège au Conservatoire de Paris avant d’être appelé, dès 1827, à l’Ecole Royale de Musique et de Chant de Liège nouvellement fondée et qui deviendra le 10 novembre 1831, dès l’indépendance du pays, le premier Conservatoire Royal de Musique de Belgique. Ami de Franz Liszt et adepte de méthodes nouvelles, il y a contribué à la formation de pianistes de valeur comme César Frank (1822-1890). En 1860, il est devenu Chevalier de l’Ordre de Léopold.