Focus

La lumière sur un sujet musical particulier.

Portrait de compositrice : Imogen Holst

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La fille d’un compositeur honoré dans son pays peut-elle se créer une personnalité musicale reconnue ? C’est ce que nous allons découvrir en rencontrant Imogen Holst.

La Britannique Imogen Clare von Holst, connue sous le nom d’Imogen Holst, est une musicologue, compositrice, arrangeuse, cheffe d’orchestre et de chœur, enseignante, et auteure/éditrice qui a également été directrice artistique de festivals. Née le 12 avril 1907 à Richmond, dans le Surrey, elle est décédée le 9 mars 1984 à Aldeburgh, dans le Suffolk. Comme enseignante, elle a joué un rôle important dans l'éducation musicale britannique. 

Famille

Imogen est la fille unique de Gustavus Theodore von Holst, (Cheltenham, 21/09/1874 - Londres 25/05/1934) et d’Emily Isobel Harrisson (Londres 26/03/1876 - 16/04/1969). Les jeunes gens, connus comme Gustav Holst et Isobel Harrisson, se rencontrent lors d’un concert londonien organisé par l’Hammersmith Socialist Society. Gustav y dirige le Socialist Choir qu’a rejoint la jeune soprano Isobel. Le mariage a lieu à Londres au Fulham Register Office le 22 juin 1901, dès que la situation financière de Gustav le permet. Isobel se met à la couture pour qu’ils arrivent à assurer les fins de mois. 

Isobel Harrisson rejoint les « Independent-spirited women » et travaille, comme chauffeur volontaire, dans le Women’s Reserve Ambulance Corps venant en aide aux personnes dans le besoin pendant la guerre 14-18. En 1923, elle passe 2 mois en Amérique avec son mari et sa fille. Passionnée de décoration, elle préfère la vie à la campagne aux voyages lointains et rejoint plusieurs sociétés : l’English Folk Dance Society, l’Essex Society for Archaeology & History, l’Essex Agricultural Society, et supporte le British Women’s Institute et l’Eglise de Thaxed. Après son décès, le Times du 19 avril 1969 précise dans sa nécrologie qu’elle a été aimable et généreuse et qu’elle apporté, dans la vie de Gustav, grâce, aisance et confort

Gustavus Theodore von Holst (1874-1934), le père d’Imogen, est connu comme Gustav von Holst puis Gustav Holst parce que, en septembre 1918, il supprime officiellement le « von » trop germanique pour pouvoir participer à l’effort de guerre. Il est nommé organisateur musical pour la YMCA (Young Men's Christian Association) au Proche-Orient, basée à Thessalonique. 

Portait de compositrice : Tekla Bądarzewska

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Tekla Bądarzewska est une pianiste et compositrice polonaise ayant vécu de 1829 à 1861. Sa vie s’est déroulée dans ce qui est maintenant la République de Pologne. Un bref résumé de la situation politique de la Pologne, en particulier de Varsovie, semble indispensable pour comprendre son époque.

La République des Deux Nations, qui unit le Royaume de Pologne et le Grand-Duché de Lituanie en un seul état par l’Union scellée à Lublin le 1er juillet 1569, gouverne la région de 1569 à 1772 avec Cracovie comme capitale. Cracovie et Vilnius sont les sièges de deux Diètes (parlements) et de deux sénats. La Pologne et la Lituanie conservent leurs armées, leurs administrations et leurs lois propres. En 1596, le Roi Sigismond III (1566-1632), de la dynastie suédoise Vasa, déplace la capitale de la Pologne de Cracovie à Varsovie. 

Le Royaume de Pologne et le Grand-Duché de Lituanie sont liés par un monarque commun élu à vie par une Diète commune.

Stanislas August Poniatowski (Vowchyn 1732-Saint-Pétersbourg 1798), couronné en 1764, est le dernier Roi de la République des Deux Nations et Grand-Duc de Lituanie. Il entame des réformes mais son pouvoir est fragile. Son règne est marqué par une révolte de nobles contre l’ingérence de la Russie, ce qui provoque un premier partage de la République des Deux Nations. Le pays est amputé d’un tiers de son territoire et de sa population au profit de la Russie, de la Prusse et de l’Autriche à la suite d’un traité ratifié par la Diète polonaise en 1772. 

La promulgation de la Constitution (3 mai 1791) provoque une guerre russo-polonaise et aboutit, en janvier 1793, à un deuxième partage entre la Russie de Catherine II et la Prusse de Frédéric-Guillaume II, sans l’Autriche alors en guerre avec la France. Varsovie reste polonaise. Après l’échec de l’insurrection de 1794 contre les dominations russe et prussienne, commandée par l’officier polonais Tadeusz Kościuszko (qui avait pris part à la guerre d’indépendance des Etats-Unis), un troisième partage efface définitivement la République des Deux Nations en 1795. Varsovie est incorporée au Royaume de Prusse et devient le chef-lieu de la province de Prusse-Méridionale. Stanislas August Poniatowski abdique.

Portrait de compositrice : Juliette Folville

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La femme n’est que le gracieux perroquet des imaginations, des pensées, des paroles de l’homme, et le joli petit singe de ses goûts et de ses manies.

C’est notamment ainsi que le Français Edmond Huot de Goncourt (1822-1896), fondateur de l’Académie Goncourt, considère la « femme » dans son Journal, le 25 janvier 1890.

Juliette Folville est une preuve, parmi bien d’autres, de l’inanité de cette citation.

Eugénie Emilie Juliette Folville est née à Liège le 5 janvier 1870. Son père Jacques Hubert Louis Jules Folville, connu sous le prénom de Jules, est un avocat renommé né à Liège le 13 octobre 1827. Il y a épousé en 1868 la Liégeoise Emilie Joséphine Eugénie Ansiaux, née le 19 février 1835, connue sous le prénom d’Emilie, une musicienne de talent, mais « sans profession ». Son grand-père maternel, Emile Louis Ansiaux (1804-1874), un banquier nommé Chevalier de l’Ordre de Léopold, a été juge puis président du tribunal de commerce de Liège. Lors de la naissance de leur fille unique, les parents de Juliette étaient domiciliés 7, rue Lonhienne à Liège et la famille y a vécu, au moins jusqu’au décès de Jules (27 novembre 1890). 

Famille

Juliette, enfant unique, est élevée dans une famille de mélomanes, musiciens amateurs de haut niveau. Sa mère Emilie Ansiaux (1835-1929) chante très bien, notamment des œuvres de Jean-Théodore Radoux (1835-1911), directeur du Conservatoire Royal de Musique de Liège de 1872 à 1911. Son père, l’avocat Jules Folville (1827-1890), a suivi, au Conservatoire Royal de Liège, les cours de piano de l’excellent professeur Jules Jalheau (1798-1862), né à Bruxelles de parents liégeois. Ce dernier a été professeur de solfège au Conservatoire de Paris avant d’être appelé, dès 1827, à l’Ecole Royale de Musique et de Chant de Liège nouvellement fondée et qui deviendra le 10 novembre 1831, dès l’indépendance du pays, le premier Conservatoire Royal de Musique de Belgique. Ami de Franz Liszt et adepte de méthodes nouvelles, il y a contribué à la formation de pianistes de valeur comme César Frank (1822-1890). En 1860, il est devenu Chevalier de l’Ordre de Léopold.

Les Millésimes 2022 de Crescendo Magazine 

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Crescendo Magazine est heureux de vous présenter sa sélection de ses Millésimes 2022. Un panorama en 15 albums et DVD qui vous propose le meilleur du meilleur des parutions. 

Entre le 1/11/2021 et le 1/11/2022, Crescendo Magazine a publié 525 critiques d’enregistrements audio, déclinés en formats physiques et numériques ou en DVD et Blu-Ray.  Ce nombre de parutions continue de faire de notre média, l’un des plus réactifs sur les parutions avec une attention aux répertoires rares du baroque au contemporain et à toutes les publications qui apportent une plus value au marché de l’enregistrement. Cette marque de fabrique éditoriale est l’ADN de Crescendo Magazine depuis sa fondation, en 1993, par Bernadette Beyne et Michelle Debra. 

Depuis un an, nous avons décerné 108 Jokers, qu’ils soient déclinés en “Absolu”, “Découverte” ou ‘Patrimoine”. Les Millésimes représentent donc le meilleur du meilleur pour la rédaction de Crescendo Magazine. 

Découvrez cette sélection des Millésimes 2022 sur cette page et à travers notre plaquette : 

  • Enregistrement de l’année : 

French Trumpet Concertos.  Henri Tomasi (1901-1971) : Concerto pour trompette (avec la fin originale / premier enregistrement mondial). Betsy Jolas (1926) : Onze Lieder André Jolivet (1905-1974) :  Concertino pour trompette, orchestre à cordes et piano, IIe concerto pour trompette ; Florent Schmitt (1870-1958) : Suite pour trompette et orchestre  Håkan Hardenberger, Royal Stockholm Philharmonic Orchestra, Fabien Gabel. 2021.  BIS. Lire la chronique :  https://cutt.ly/gNGDNn7

  • Autres enregistrements primés :

Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) : Die Auferstehung und Himmelfahrt Jesu, Wq 240. Lore Binon, soprano. Kieran Carrel, ténor. Andreas Wolf, baryton. Vlaams Radiokoor ; Il Gardellino Baroque Orchestra, direction : Bart Van Reyn. 2021. Passacaille.  Lire la chronique : https://cutt.ly/iNGD7No

 

 

J.S. Bach & Beyond : A Well-Tempered Conversation.   Julien Libeer,  piano. 2022. Harmonia Mundi.  Lire la chronique : https://cutt.ly/aNGFb8C

 

 

 

 

Johannes Brahms (1833-1897) : Intégrale des symphonies. Danish Chambre Orchestra, direction :  Ádám Fischer. 2021 et 2022. Naxos. Lire la chronique : https://cutt.ly/gNGFRoY 

 

 

 

Olivier Messiaen (1908-1992) : Des Canyons aux étoiles. Jean-Frédéric Neuburger, piano ;  Takénori Némoto, cor ; Adélaïde Ferrière, Xylorimba ; Florent Jodelet, Glockenspiel ; Orchestre de chambre Nouvelle-Aquitaine, Jean-François Heisser. 2021. Mirare.    Lire la chronique : https://cutt.ly/tNGFAXu 

 

 

Anthony Cheung (né en 1892) : Live Ear Emission! ; Tōru Takemitsu (1930-1996) : Rain Tree Sketch II ; Tristan Murail (né en 1947) : Cloches d'adieu et un sourire ; Olivier Messiaen (1908-1992) : Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus ; György Kurtág (né en 1926) : …humble regards sur Olivier Messiaen… Jonathan Harvey (1939-2012) : Tombeau de Messiaen. Bertrand Chamayou, piano.  2021 et 2022.  Erato.Lire la chronique : https://cutt.ly/zNGFKc6 

 

George Frideric Handel (1685-1759) : Sémélé, oratorio profane en trois actes, HWV 58. Ana Maria Labin (Sémélé), Matthew Newlin (Jupiter, Apollon), Dara Savinova (Ino, Junon), Dara Savinova (Iris), Lawrence Zazzo (Athamas), Andreas Wolf (Cadmus, Somnus, Grand Prêtre), Gwendoline Blondeel (Cupidon) ; Chœur de Chambre de Namur ; Millenium Orchestra, direction Leonardo García Alarcón. 2021. Ricercar.  Lire la chronique : https://cutt.ly/sNGFNZZ  

 

Nikolay Rimsky-Korsakov (1844-1908) : Le Coq d’or, opéra en trois actes. Dmitry Ulyanov (Le Tsar Dodon), Nina Minasyan (La Reine Shemakha), Andrey Popov (L’Astrologue), Margarita Nekrasova (Amelfa, l’intendante royale), Mischa Schelomianski (le Général Polkan), Andrey Zhilikhovsky (Le Prince Afron), Vasily Efimov (Le Prince Guidon), Maria Nazarova ( La voix du Coq d’or), Wilfried Gonon (Le Coq d’or, comédien), Stéphane Arestan-Orré, Rémi Benard, Vivien Letarnec et Christophe West (danseurs) ; Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Lyon, direction Daniele Rustioni. 2021. DVD Naxos.  Lire la chronique : https://cutt.ly/PNGF8tj  

 

Jeanine Tesori (née en 1961) : Blue, opéra en deux actes. Livret de Tazewell Thompson. Kenneth Kellogg, The Father ; Briana Hunter, The Mother ; Aaron Crouch, The Son ; Gordon Hawkins, The Reverend ; Ariana Wher, Girlfriend 1/Congregant 1/Nurse ; Katerina Burton, Girlfriend 2/Congregant 2 ; Rehanna Thelwell, Girlfriend 3/Congregant 3 ; Joshua Blue, Policeman 1 / Male Congregant 1 ; Martin Luther Clark,  Policeman 2 / Male Congregant 2 ; Christian Simmons,  Policeman 3 / Male Congregant 3. The Washington National Opera Orchestra, Roderick Cox. 2021. Pentatone. Lire la chronique : https://cutt.ly/JNGGiYQ  

 

Louis Vierne (1870-1937) : Suite bourguignonne, Op.17 ; Deux pièces pour piano Op.7 ; Douze Préludes, Op.36 ; Le Glas, Poème des cloches funèbres, op.36, n°2. Laurent Wagschal, piano. 2021. Calliope. Lire la chronique : https://cutt.ly/0NGGfjV  

 

 

 

Iannis Xenakis (1922-2001) : Pléiades (Mélanges, Claviers, Métaux, Peaux) ;  Persephassa. Les Percussions de Strasbourg. 2022.   Les Percussions de Strasbourg.Lire la chronique : https://cutt.ly/oNGGzSD/ 

 

 

 

FR2. Georg Philipp Telemann (1681-1767) : Sonate en sol mineur (TWV 33).Cancionero d’Uppsala (1556) : Primus tonus, Quinto tono, Sexto tono. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Toccata & Fugue BWV 565. Ralph Vaughan Williams (1872-1958) : Suite for two pipes. Llibre Vermell de Montserrat (c1400) : Stella splendens. Cantigas de Santa Maria (c 1270) ; A que por mui gran Fremosura. Rhia Parker (*1987) : Cantigas I. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Mus. Ms. 260 (c1540) : Agnus Dei (Pierre de la Rue, Antoine Brumel, Matheus Gascogne, anonyme). Glen Shannon (*1966) : Slingshot. Sören Sieg (*1966) : The Dervisch and the Devil. Giuseppe Sammartini (1695-1750) : Sonate Op 6/III. Stefan Franz (1785-c1850) : Grand Duo. Marc Mellits (*1966) : Black. Tom Beets, Joris Van Goethem, flûtes à bec.  2020.  Aeolus. Lire la chronique : https://cutt.ly/eNGGnYQ  

 

Miscellanea. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sonate en ré majeur Kv. 448. Thomas Arne (1710-1778) : Sonate no 2 des Eight Sonatas or Lessons. Siegfried Schmiedt(c1756-1799) : Fantaisie en la mineur ; Sonate no 4 en fa majeur des Sechs kleine und leichte Sonaten. Johann Wilhelm Hässler (1747-1822) : Sonate no 4 en ut mineur des Sechs leichte Sonaten. Georg Simon Löhlein (1725-1781) : Sonate no 2 en ré mineur des Sei Sonate con Variate Repetizioni Op. 2. Johann Christoph Kellner (1736-1803) : Fugue no 2 en ré mineur des Zwei Fügen mit vier Händen. George Berg (c1730-c1770) : Voluntary XX en sol majeur. Johann Friedrich Reichardt (1752-1814) : Fantasie für den Flügel en ut majeur. Georg Christoph Wagenseil (1715-1777) : Das Glockengeläut zu Rom in dem Vatikan en ut mineur. Johann Ludwig Stanzen (fl. XVIIIe s.) : Sonate en ut majeur Op. 2. Hugo Franz Reichsfreiherr von Kerpen (1749-1802) : Une Sonate à quatre mains en fa majeur Op. 4. Christian Friedrich Gottlieb Schwenke (1767-1822) : Sonate no 1 en si bémol majeur des Drey Sonaten. Goffredo Weber (1779-1839) : Sonata per gravicembalo en ut majeur Op. 15. / + en téléchargement : Carolus Antonius Fodor (1768-1846) ; Johann Gottfried Pratsch (c1750-c1818) ; Leopold Kozeluch (1747-1818) ; Johann Gottfried Wilhelm Palschau (1741-1815) ; Hinrich Conrad Kreising (c1700-1771) ; Christian Gottlob Saupe (1763-1819). Artem Belogurov, Menno van Delft, clavicorde, pianoforte, clavecin, orgue.  2019. TRPTK. Lire la chronique : https://cutt.ly/VNGGUsj 

 

Ingrid Haebler, The Philips Legacy. Oeuvres de Johann Sebastian Bach (1685-1750), Johann Christian Bach (1735-1782), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Ludwig van Beethoven (1770-1827), Joseph Haydn (1732-1809), Franz Schubert (1797-1828), Frédéric Chopin (1810-1949), Robert Schumann (1810-1856), César Franck (1822-1890). 1953-1979. Decca.  Lire la chronique : https://cutt.ly/TNGGAYh  

 

Igor Stravinsky (1882-1971) :Petrouchka, Burlesque en 4 scènes.  Evgeny Svetlanov (1928-2002) : Poème pour violon (à la mémoire de David Oistrakh). Vadim Repin, violon ; Orchestre philharmonique de Radio-France,  Evgeny Svetlanov. 1999 et 2001. Warner Classics. Lire la chronique : https://cutt.ly/ENGGLjl 

 

Edita Gruberova, une Zerbinetta inégalable

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« Grossmächtige Prinzessin, wer verstünde nicht »… Il suffit de ces quelques mots sentencieux prononcés par la pimpante Zerbinetta d’Ariadne auf Naxos pour entendre immédiatement la voix d’Edita Gruberova, celle qui en sera à jamais la plus grande interprète. Car elle n’avait rien du rossignol mécanique qui produisait trilles, notes piquées et suraigus sans valeur expressive. Par le biais d’une technique chevronnée, elle hypnotisait son auditoire par la ‘messa di voce’ lui permettant d’augmenter et de diminuer le son sur une note. L’appui sur le souffle lui faisait atteindre l’aigu sans l’amoindrir, lui donnant au contraire une ampleur qui ne compromettait ni la beauté du timbre, ni la perfection de l’intonation.

Comment imaginer aujourd’hui qu’il lui faudra attendre près de dix ans pour parvenir à la gloire ? Née à Raca, un quartier de Bratislava, le 23 décembre 1946, fille d’une mère hongroise et d’un père d’ascendance allemande qui ne s’intéressent pas à la musique, elle doit à sa maîtresse d’école d’être incorporée dans une chorale puis d’être inscrite, dès l’âge de quinze ans, au Conservatoire de Bratislava où elle étudie le piano et le chant dans la classe de Maria Medvecka. En 1967, elle débute au Théâtre de la ville en incarnant Rosina dans un Barbiere di Siviglia produit par ses camarades de l’académie. Elle prend part à un concours à Toulouse, voudrait se rendre en Italie pour se perfectionner, mais éclate le Printemps de Prague avec la répression russe. Plutôt que d’accepter un stage à Leningrad, elle préfère s’engager dans un obscur théâtre de province, à Banska Bystricka, où elle passe de La Traviata aux quatre rôles féminins des Contes d’Hoffmann et à My Fair Lady. Durant l’automne de 1969, elle se rend à Vienne, y trouve un professeur remarquable, Ruthilde Boesch, auditionne à la Staatsoper et y débute le 7 février 1970 avec une Reine de la Nuit qui ne soulève aucune réaction, pas plus que la poupée Olympia qu’elle présente cinq jours plus tard. Néanmoins, le 25 octobre 1970, l’on prête attention à son page Tebaldo dans la nouvelle production de Don Carlos qui a pour têtes d’affiche Franco Corelli, Gundula Janowitz et Nicolai Ghiaurov. Mais l’effet est sans lendemain puisque, entre décembre 1970 et août 1973, elle doit se contenter de quinze rôles secondaires. Bernard Haitink fait inviter, au Festival de Glyndebourne, sa Reine de la Nuit qu’Herbert von Karajan ne présentera au Festival de Salzbourg que le seul soir du 26 juillet 1974. Alors que Graz découvre une première Konstanze dans Die Entführung aus dem Serail et que Vienne ne prête aucune attention à sa première Zerbinetta, ses Poussette de Manon, Glauce de Medea, Oscar du Ballo in Maschera, Oiseau de la forêt de Siegfried, Rosina et Sophie de Der Rosenkavalier, elle tente la formule du récital dans la capitale autrichienne.

Furtwängler compositeur

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Alors que Warner fait paraître l'intégrale des enregistrements studio de Wilhelm Furtwängler, Crescendo Magazine vous propose de relire un texte de Bruno d'Heudières sur l'art de compositeur du maestro. 

Un parcours paradoxal

"Je tiens à dire que j'ai commencé comme compositeur bien avant de diriger, et toute ma vie je me suis considéré comme un compositeur qui dirige mais jamais comme un d'orchestre".

Cette profession de foi de Wilhelm Furtwängler illustre bien la place que tenait dans sa vie son activité de créateur. Celle-ci se trouvera favorisée par des dispositions précoces. En effet, il compose son opus 1 à l'âge de 7 ans. A douze ans, alors qu'il a déjà écrit des pièces pour piano, des Lieder et des oeuvres de musique de chambre, il achève La première nuit de Walpurgis pour chanteurs solistes, deux choeurs et orchestre. Deux ans plus tard, en 1900, le compositeur Josef Rheinberger lui enseigne les règles du contrepoint ; puis c'est enfin Max Von Schillings qui achèvera la formation musicale du jeune compositeur. De la musique de chambre, des essais symphoniques et des oeuvres vocales constituent ainsi l'essentiel de sa production de jeunesse qui s'achève en 1909 avec l'imposant Te Deum pour chanteurs solistes, choeur et orchestre. A cette date, Furtwängler alors âgé de 23 ans délaisse quelque peu la composition au profit de la direction d'orchestre, pour entreprendre le parcours légendaire que l'on connaît. Singulièrement, ce sont des "nécessités alimentaires" qui l'orientent dans cette voie. Il confessera en ce sens : "La direction d'orchestre a été le refuge qui m'a sauvé la vie car j'étais sur le point de périr compositeur".

Son activité au pupitre qui s'intensifie jusqu'au début des années '30 ne lui interdit pas quelques incursions dans le domaine de la composition puisqu'on peut relever une allusion au futur Quintette avec piano en ut majeur dans une lettre qu'il écrit en 1915. En outre, le Concerto symphonique pour piano et orchestre en si mineur est très vraisemblablement en gestation dans les années '20. Quoi qu'il en soit, dès 1932, Furtwängler se remet au travail avec assiduité. Une des périodes les plus difficiles de sa vie commence alors, au moment où le nouveau régime se met en place en Allemagne. En 1935, le compositeur achève son Quintette avec piano. A cette date, ayant démissionné de ses fonctions par hostilité contre les autorités nazies, il compose sa Première sonate pour violon et piano en ré mineur, négligeant ainsi ses oeuvres de jeunesse. C'est donc à 49 ans que Furtwängler entame une nouvelle période créatrice, assurément la plus significative. Il termine la première version de son Concerto symphonique pour piano et orchestre en 1936 et écrit sa Deuxième sonate pour violon et piano en ré majeur trois ans plus tard. Dès lors, c'est exclusivement le répertoire symphonique qu'il abordera, des années de guerre jusqu'à sa mort. Il achève sa Première symphonie en si mineur en 1941, et entame en 1943 l'élaboration de la suivante. Il y travaille lorsque Himmler le soupçonne d'avoir été complice de l'attentat contre Hitler en juillet 1944. Furtwängler se réfugie en Suisse en 1945 pour y achever l'orchestration de sa Deuxième Symphonie en mi mineur. Agé de 60 ans, il commence alors à concevoir sa Troisième Symphonie en Ut dièse mineur, en 1946. Les quatre mouvements sont terminés en 1953. Mais lorsque le compositeur s'éteint le 30 novembre 1954, s'il a pu mettre un terme à la seconde version du Concerto symphonique, il n'a pas parachevé l'allegro assai final de son ultime symphonie.

Furtwängler, un mystère de la musique

par

Alors que Warner fait paraître l'intégrale des enregistrements studio de Wilhelm Furtwängler, Crescendo Magazine vous propose de relire un texte de Stéphane Topakian, cheville ouvrière de ce coffret,  sur l'art du grand chef. 

Misère du chef d'orchestre ! cela devrait être un art, et c'est une exhibition, une comédie... Wilhelm Furtwängler, 1926, Carnets, Ed. Georg.

Le 30 novembre 1954, à Baden-Baden, s'éteint Wilhelm Furtwängler, l'un des plus grands musiciens de notre siècle. Quarante ans après, il demeure étonnamment présent.

Ses enregistrements figurent toujours aux catalogues, pris et repris sous tous les labels, des "majors" aux "pirates" ; ses écrits sont publiés ; son nom cité comme une référence. Pourquoi ? D'autres chefs de sa génération ont marqué de leur génie l'interprétation musicale : Toscanini, Walter, Mengelberg, pour évoquer les plus connus... D'autres interprètes ont parlé haut et fort ou ont écrit : Ansermet, Celibidache. Alors pourquoi Furtwängler représente-t-il un pôle si attractif ? Pourquoi, par-delà les chapelles, les écoles, les tendances nationales, est-il l'archétype du chef d'orchestre et plus encore du musicien interprète ? Voilà bien un mystère que nous n'avons pas la prétention de percer, mais seulement d'approcher, livrant au lecteur les contours d'une vie, d'un style, d'un caractère aussi, lui permettant de cerner ce qui constitue un destin assez exceptionnel, et peut-être de s'interroger sur ce qu'est la musique.

Vuillermoz, dans son histoire de la musique et parlant de Beethoven, remarquait que le public s'attendait à une vie aux détours compliqués vécue par un homme simple, alors que les vies sont souvent banales et les hommes -les âmes- complexes. Furtwängler n'échappe pas à ce trait. Sa vie, son "cursus", est une succession d'épisodes où la volonté personnelle le dispute à l'incidence des événements du monde, et ils furent parfois tragiques, mais, au fond, n'a rien d'extraordinaire, s'il n'y avait au premier plan un être très compliqué, bourré de contradictions, qui s'efforça toute sa vie, et par-delà les contingences, de mettre en pratique des aspirations très profondes et qu'il voulait universelles.

Il y crut toute sa vie durant, gardant le plus souvent par-devers lui -ses carnets les plus intimes ne furent publiés que bien après sa mort- ce qui à ses yeux constituait l'essentiel : l'art au service de l'homme, l'interprète au service de l'art, médiateur entre ce qu'il y a d'éternel dans l'oeuvre d'art et ce qu'il y a de divin en chacun de nous. Peut-être, au soir de sa vie, s'aperçut-il du côté trop idéaliste et illusoire d'une telle démarche, mais pour constater que, s'il y avait divorce, les torts étaient à la charge d'une époque consommatrice de stars (qu'aurait-il pensé aujourd'hui ?) et plus préoccupée de matérialisme que d'idéal artistique. L'homme était dans le siècle, mais ce siècle n'était plus le sien. Il préféra disparaître, presque discrètement, pour ne pas avoir à compromettre. Sans se rendre compte que légion étaient ceux, alors comme aujourd'hui, et sans doute comme demain, qui avaient un besoin de se reconnaître dans cette attitude, de s'identifier à cette démarche esthétique.

Toscanini : la légende et le paradoxe (VI)

par

Crescendo-Magazine reprend en quatre parties un dossier Toscanini rédigé par Bernard Postiau et publié dans ses numéros papiers. 

L’homme et la politique

Intransigeant en musique, l’homme le fut aussi en politique. Dès les années de la première guerre mondiale, il avait soutenu de tout son coeur son pays dans sa lutte contre l’Austro-Hongrois. Dans cette période où les nationalismes furent exacerbés au dernier point, cependant, on comprit parfois mal qu’un patriote si ardent puisse, dans le même temps, défendre la musique du pays ennemi. C’est ainsi qu’au cours d’un concert donné à Rome pendant cette période, il fut pris à partie par le public pour avoir programmé de la musique allemande (en l’occurence Wagner). Devant le chahut, Toscanini quitta la salle et annula les concerts suivants. Quelques jours plus tard, un décret paraissait qui bannissait de Rome la musique allemande jusqu’à la fin de la guerre ; Toscanini bouda la capitale jusqu’en 1920. Son patriotisme n’était pourtant pas en cause comme il le prouva de façon tout à fait spectaculaire en s’exposant au feu – et ses musiciens avec lui – à la bataille de Monte-Santo, en 1917. Après la guerre, devant la misère persistante d’un pays qui, pour avoir été du côté des vainqueurs, n’en avait pas été pour autant exempté de tous les malheurs de la guerre et avait été mis au tapis sur le plan économique, on peut imaginer le succès qu’eut le programme du parti fasciste, né d’un mouvement fondé en 1919. A vrai dire, le programme initial de ce nouveau prétendant politique, très influencé par le socialisme, avait de quoi séduire un pays laissé exsangue : création d’une assemblée constituante et proclamation de la République, droit de vote pour les femmes, abolition des titres de noblesse et du service militaire obligatoire, élection démocratique des juges, restriction du capital privé, participation des syndicats à la direction des industries, des transports et des services publics, etc. Toscanini, comme beaucoup de ses compatriotes, virent dans ces réformes le coup de balai nécessaire pour relever le pays et s’engagea dans le mouvement avec sa fougue habituelle. Pourtant, Mussolini évolua rapidement vers une attitude autoritaire et infléchit de manière irréversible le courant de sa politique. Lorsque, en 1922, il marcha sur Rome après avoir provoqué des troubles un peu partout et qu’il eut obtenu les pleins pouvoirs d’un roi Victor-Emmanuel III particulièrement docile et conciliant, Toscanini réalisa enfin la vraie nature du Duce et se fit dès lors un ennemi personnel du dictateur, aussi rapidement et totalement qu’il s’en était fait le défenseur. « Si j’étais capable de tuer un homme, je tuerais Mussolini » dira-t-il plus tard. Les heurts n’allaient d’ailleurs pas tarder à surgir, notamment à l’occasion de l’exigence de groupements fascistes qui réclamèrent, avant tout concert, l’exécution de Giovinezza (« jeunesse »), l’hymne fasciste. La première fois que pareil incident se produisit, la réaction de Toscanini fut on ne peut plus claire et typique du personnage en proclamant devant sa troupe : « [les artistes] ne chanteront pas cette pantalonnade ; les artistes de la Scala ne sont pas des artistes de vaudeville. Ouste, à vos loges ! », réaction qui fut tout d’abord mal perçue car Mussolini passait encore, au yeux de beaucoup en cette fin de 1922, comme le sauveur providentiel qu’attendait toujours le pays. Les indécrottables optimistes furent rendus à la réalité en 1924 lorsque Mussolini fit assassiner son principal opposant, le secrétaire général du parti socialiste italien, Giacomo Matteotti, geste qui scandalisa l’opinion et, on l’imagine, Toscanini. Dès lors, aucun moyen, aucun coup d’éclat ne furent négligés pour montrer de façon ostentatoire son opposition au régime : refus d’afficher les portraits de Mussolini sur les murs des salles de concert, d’interpréter Giovinezza le jour de la nouvelle fête nationale instaurée par les fascistes, résistance répétée aux provocations de la presse fasciste. Cette lutte verbale eut un dénouement plus dramatique : au cours de la tournée européenne de 1931, le maestro fut pris à partie par des bandes de fascistes fanatiques qui le molestèrent assez que pour le blesser assez sérieusement. A cette date, Toscanini avait déjà quitté l’Italie en acceptant, en 1929, la direction de l’Orchestre philharmonique de New York, décision sans aucun doute dictée avant tout par son impossibilité de vivre dans un pays placé sous la botte d’une autorité ennemie de la liberté d’expression. Lorsque, en 1943 à New York, il apprit, en plein concert, la destitution de Mussolini, « il se rua », nous dit Harvey Sachs, « sur la scène, croisa les mains et leva les yeux en un geste d’action de grâces, tandis que le public – transporté lui aussi – applaudissait, éclatait en hurlements, et manquait mettre le studio (n.d.l.r. : le studio 8H de la NBC) en pièces. » Tout en reconnaissant que l’opposition de Toscanini à tous les totalitarismes (le sien excepté !) fut patente et spectaculaire, il est cependant injuste et, pour tout dire, incongru de vouloir opposer le courage et la juste lutte de Toscanini à l’attitude de Furtwängler qui, lui, décida de rester dans son pays. Bien des pages ont déjà été écrites sur ce sujet et je n’y reviendrai donc pas mais il ne faut jamais perdre de vue que le régime mussolinien, malgré sa violence et son injustice, resta – très relativement – moins inhumain et expéditif que le nazisme. Ces deux destinées si différentes et opposées, sont, en réalité, impossibles à mettre en parallèle car la situation vécue fut très différente et d’ailleurs bien plus précaire et dangereuse pour l’Allemand que pour l’Italien.

Toscanini : la légende et le paradoxe (III)

par

Crescendo-Magazine reprend en quatre parties un dossier Toscanini rédigé par Bernard Postiau et publié dans ses numéros papiers. 

Le répertoire

Parce qu’il ne dirigea pas beaucoup de musique « contemporaine », on entend souvent aujourd’hui que le répertoire de Toscanini était limité. C’est qu’on oublie une chose : les musiciens contemporains de Toscanini, ce sont Verdi, Puccini, Boito, Mascagni, Mahler, Martucci, Richard Strauss. Et, hormis Mahler, il les défendit abondamment et avec la même conviction que Beethoven ou Brahms. Un Richard Strauss ne paraît plus « moderne » aujourd’hui mais il faut se souvenir que Toscanini avait déjà 38 ans quand fut créée Salomé – qu’il voulut représenter pratiquement dès sa création, un projet laissé hélas sans suite –, pour ne rien dire de ses ouvrages de la maturité, une musique après tout aux antipodes de la sensibilité de l’Italien. Le répertoire de Toscanini, ce fut un total impressionnant, que son exceptionnelle longévité n’explique pas entièrement, de 117 opéras de 53 compositeurs et environ 480 oeuvres orchestrales de 175 compositeurs, soit près de 600 oeuvres de 190 compositeurs différents, selon les chiffres de Mortimer H. Frank. Le premier musicien qui compta fut bien sûr Verdi, celui, peut-être, qui le convainquit de consacrer sa vie à la musique. Ce fut ensuite Wagner, qu’il vénéra toute sa vie ; Beethoven, Verdi et Wagner sont probablement les trois musiciens qu’il servit le plus. Pourtant, son très large répertoire témoigne d’un curiosité presque sans bornes : dès le tout début des années 1900, il mit à son répertoire des oeuvres aussi récentes – alors – que la  Symphonie n°2 de Martucci, En Saga de Sibelius, Mort et Transfiguration de Richard Strauss, les Variations Enigma de Elgar, le Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy. Il exécra Mahler pour des raisons, au moins en partie, très personnelles et indépendantes de la musique mais n’eut jamais d’attrait véritable pour Tchaikovskï ou Dvořák  dont il joua pourtant des pages à l’époque peu connues, comme la Symphonie Manfred du premier ou les Variations symphoniques du second. Diriger Pelléas et Mélisande fut l’un des grands rêves de sa vie à une époque où cette musique si neuve provoquait de violentes levées de bouclier. Il prépara l’ouvrage avec la bénédiction de Debussy à défaut de sa présence, qui lui écrivit : « Je remets le destin de Pelléas entre vos mains, sûr que je suis de ne pouvoir souhaiter personne de plus loyal ni de plus compétent. Voilà aussi pourquoi j’aurais aimé travailler dessus avec vous ; c’est une joie que l’on ne rencontre pas souvent sur les sentiers de notre art. » L’influence de Toscanini fut fondamentale dans la redécouverte, en Italie, d’un répertoire bien oublié. Son attache avec des créateurs comme Boïto, par exemple, fut également profonde et il tint à créer personnellement l’oeuvre ultime de son ami : Nerone, dont la première eut lieu six ans après la mort du compositeur, le 1er mai 1924. Pour finir, une simple énumération, presque au hasard, de tant de compositeurs et d’oeuvres « inattendus » en disent plus que bien des commentaires et relativisent le soi-disant éclectisme de bien des chefs d’aujourd’hui : d’Indy (Istar), Raff (3e Symphonie), Bloch (Trois poèmes juifs), Roussel (Le festin de l’araignée), Roger-Ducasse (Sarabande), De Sabata (Juventus), Stravinsky (Feux d’artifice, Petrouchka), et encore Bruckner, Atterberg, Vaughan Williams, Wolf Ferrari, Kalinnikov, Liadov, Gershwin, Copland, Creston, Gould, Loeffler, etc., etc.