Au Concert

Les concerts un peu partout en Europe. De grands solistes et d’autres moins connus, des découvertes.

Le concert des trois premiers lauréat clôture en beauté le Concours Reine Elisabeth 2025 

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Le concert de clôture qui met officiellement un terme au Concours Reine Elisabeth et permet au public du Palais des Beaux-Arts d’entendre les trois premiers lauréats à l’issue des cinq semaines de cette exceptionnelle joute musicale a toujours quelque chose de particulier, en ce sens que l’excitation du Concours n’est pas encore entièrement retombée mais qu’il est à présent possible d’entendre les pianistes que le jury a distingués pour occuper ces places si enviées se produire dans ce qui est maintenant un concert et non plus une compétition.

Accueilli par une salle comble et en présence du couple royal, c’est Valère Burnon qui pénètre en premier sur la scène de la salle Henry Le Boeuf où ont déjà pris place l’Antwerp Symphony Orchestra et le chef Marc Albrecht. Comme on pouvait s’y attendre, le pianiste belge est accueilli par une véritable ovation de la part d’un public qui l’accueille en héros. Si le pianiste de Marche-en-Famenne avait fait forte impression dans le Concerto n°3 de Rachmaninov en finale, il choisit ici de se produire dans le plus intimiste et certainement bien plus profond Concerto n°4 de Beethoven. Ce qui frappe dès l’entrée du soliste -et il ne faut pas bien longtemps pour se rendre compte que c’est un vrai musicien qui est à l’oeuvre- c’est la qualité de sa sonorité. Tout au long de l’oeuvre, on apprécie également sa technique extrêmement propre (gammes et  trilles absolument impeccables), le naturel de son jeu, sa réelle musicalité et la délicatesse de son toucher. La cadence du premier mouvement est magistrale quoique très généreusement pédalée. Dans l’Andante con moto central, Valère Burnon se montre plus poétique que sévèrement classique, alors qu’il réussit à bien mettre en évidence l’élément ludique qui parcourt le Finale. On  pourra reprocher à ce musicien incontestablement doué une dynamique assez restreinte (et il est difficile de dire ici s’il s’agit d’un choix voulu ou d’un manque de puissance physique) et aussi de ne pas encore avoir tout à fait trouvé ce rare équilibre entre rigueur et électricité qui fait les grands beethovéniens. 

Contrastes à Monte-Carlo

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Pour ce mois de juin, qui rime avec fin de saison, l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo a invité la légendaire Anne-Sophie Mutter en compagnie du violoncelliste Pablo Ferrandez, protégé et collaborateur de la grande violoniste depuis 2018.On les retrouve à Monaco pour une des plus belles œuvres de Brahms, le Double concerto pour violon et violoncelle.  Ce concerto est une œuvre de chambre à l'impact symphonique : une pièce construite sur le dialogue, au cœur de laquelle se trouve la plus belle expression d'amitié.

Mutter et Ferrandez, qui ont enregistré cette œuvre, en 2022 (Sony Classical), forment un excellent duo musical, uni par l'amitié, l'inspiration et le mentorat. Ils entretiennent une complémentarité exceptionnelle et font ressortir la joie et la turbulence de la conversation musicale de Brahms. Mutter et Ferrandez jouent avec la familiarité et l'aisance de partenaires musicaux de longue date. Équilibre, sensibilité et sens de l'aventure sont au rendez-vous. Mutter tire le meilleur parti de sa sonorité fine, chaude et dorée. Ferrandez fait preuve d'une maîtrise technique et musicale remarquable. Il fascine par son intonation profonde et ardente. Leur conversation musicale riche et variée est tantôt enflammée, tantôt douce. Un échange passionné se transforme en paisible unisson.  Le dernier mouvement se termine par une course effrénée d'une synchronicité impressionnante. Mutter possède un merveilleux violon Stradivarius, "l'Emiliani" de 1703 et  Ferrández joue sur un violoncelle Stradivarius "Archinto" de 1689 (prêt de la Stretton Society), le timbre des deux instruments réunis est somptueux.  L'OPMC sous la direction de Kazuki Yamada brille de mille feux. Le public réserve ensuite aux interprètes une ovation enthousiaste et de nombreux rappels.

A Genève, Lorenzo Viotti embrase l’OSR

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Pour achever la saison 2024-2025, l’Orchestre de la Suisse Romande invite au pupitre pour la première fois le chef Lorenzo Viotti. L’on a beaucoup parlé de la carrière météorique de ce Lausannois de 35 ans, fils du regretté Marcello Viotti et frère de la mezzo Marina Viotti, qui, après des études à Lyon et à Vienne, est devenu à la fois chef principal de l’Orchestre Philharmonique et de l’Orchestre de Chambre des Pays-Bas ainsi que de l’Opéra National Néerlandais. 

Pour deux concerts donnés à Genève le 4 juin, à Lausanne le lendemain, Lorenzo Viotti opte pour un programme Brahms – Dvořák en commençant par la Troisième Symphonie en fa majeur op.90 du premier cité. Il en aborde l’Allegro con brio avec une indomptable énergie qui suscite un discours ample que l’acoustique si particulière du Victoria Hall rend broussailleux. Mais il utilise habilement les contrastes de phrasé pour laisser se répandre le flux sonore en profitant du dialogue des bois pour contrebalancer les élans fougueux du tutti. L’Andante est empreint d’une ferveur méditative que les cordes graves innerveront de tendresse, alors que le Poco Allegretto successif développe sous un suave legato le cantabile des violoncelles que les bois agrémenteront de touches badines. Par contre, le Final laisse sourdre l’angoisse de la fluidité des cordes bousculée par d’incisifs tutti. Le développement est emporté par un souffle tragique que finira par apaiser le choral des vents s’appuyant sur un canevas de cordes en pianissimo particulièrement saisissant.

Strauss, Mozart et Moussorgski avec l'ONL au « Sébasto »

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Le vaste « Nouveau Siècle », résidence habituelle de l’Orchestre national de Lille étant en travaux pour une quinzaine de mois, la formation s’est mise en mode nomade le temps qu’il faudra. Pour son dernier concert de la saison l’orchestre a trouvé un chaleureux accueil au Théâtre Sébastopol autre lieu Lillois emblématique, construit dans l’urgence en 1903 suite à l’incendie du Théâtre Lequeux (précurseur de l’actuel opéra).

Considéré à l’époque comme provisoire le « Sébasto » très populaire dans le cœur des lillois et des nordistes a fait les beaux jours et les dimanches après-midi de l’opérette et continue vaillamment à offrir ses 1350 places aux mélomanes et amateurs de théâtre.   

 Pour ce concert d’un soir de juin 2025 c’est Richard Strauss qui ouvre le bal avec la Suite de valses n°1 de son opéra le Chevalier à la Rose, une belle façon en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire de s’immerger dans cette atmosphère Viennoise du 18eme siècle, fiévreuse, enivrante où le ridicule pompeux le dispute à la malice sensuelle et passionnée le tout sous la baguette singulièrement alerte et avisée du chef Belge invité David Reiland.

S’ensuivra le Double concerto pour flûte et harpe composé par Mozart lors d’un séjour Parisien en 1778 ; un délicat dialogue, ciselé, habilement mis en valeur par la maîtrise virtuose du flûtiste Clément Dufour et de la harpiste Anne Le Roy Petit, tous deux instrumentistes solos au sein de l’Orchestre national de Lille. Cerise sur le gâteau nos deux solistes ont interprété en bis une petite pépite de Jacques Ibert « entr’acte » aux pétillants accents hispaniques.

La seconde partie nous a conduits sur le chemin pittoresque des Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski. Ces dix pièces pour piano du compositeur Russe en hommage et à partir de dessins et aquarelles de son compatriote et ami Viktor Hartmann sont mondialement connues et principalement jouées dans l’orchestration de Maurice Ravel. 

Hélène Grimaud en récital à Monte-Carlo

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Hélène Grimaud revient à Monte-Carlo pour un récital réunissant Beethoven, Brahms et Bach dans un arrangement de Busoni.

Son attirance particulière pour le répertoire allemand reflète à merveille le choix des œuvres. La densité de son jeu s'accorde à merveille à ce programme germanique, à la fois monumental et fiévreux.

Le récital commence avec la Sonate n°30 op.109 de Beethoven. Grimaud joue ce chef-d'œuvre avec énergie, perfection et tendresse. Elle alterne les émotions qui passent de la sérénité au tumulte. Mais son interprétation n'a pas le feu auquel elle nous avait habitués dans le passé.

Brahms est un de ses compositeurs favoris. Sa version des Trois Intermezzi op.117 est de toute beauté. Un mélange de lyrisme doux-amer et de turbulences fulgurantes.  Elle exécute les deux premiers mouvements avec une fluidité limpide, tandis que le final mystérieux se déroule avec une touche mélancolique, pleine de retenue et de grâce.  Les voix sont époustouflantes dans l'ampleur de leur narration. C'est une interprétation profonde et émouvante.Après l'entracte elle donne une performance fascinante des Sept fantaisies op.116. 

À Angers, une soirée « Titanesque »

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C’est sous ce titre accrocheur que l’Orchestre National des Pays de la Loire convoquait son public pour son dernier concert d’abonnement dans un programme d’une densité peu commune. Les créations se suivent sans se ressembler à l’ONPL. Après Un Français à New York, parodie très réussie de Paul Lay d’après Gershwin créée il y a à peine une quinzaine de jours, voilà une autre commande avec Lo(i)re, brève pièce du compositeur français Aurélien Dumont, ex pensionnaire de la Villa Médicis à Rome et professeur de composition au CNSM de Lyon. Chanceux, le compositeur avait à sa disposition l’immense effectif orchestral exigé par la Première Symphonie de Mahler jouée après l’entracte. 

La musique de cet ancien élève de Gérard Pesson avant des études à l’IRCAM de Paris, intègre toutes sortes de modes de jeu dans un souci quasi naturaliste induisant une réflexion liée à l’écologie et « la problématique de l’Homme et de son environnement. » Lo(i)re, c’est bien sûr le fleuve majestueux dont la course s’achève à l’estuaire de Saint-Nazaire après un crochet à quelques kilomètres d’Angers, puis à Nantes, les deux ports d’attache de l’ONPL qui lui a commandé sa nouvelle partition. Quant à la parenthèse sur le « i », elle provient du terme « lore », un mot nouveau dérivé de « folklore », définissant l’histoire et les traditions autour d’un univers de fiction. Imaginant une histoire autour du fleuve sauvage qu’est la Loire, Aurélien Dumont a tissé un univers sonore fascinant utilisant l’orchestre traditionnel au grand complet avec une abondante percussion et des micro-polyphonies générées par des crépitements produits par le crin des archets, mais aussi avec l’emploi d’appeaux, créant une atmosphère de lever du jour (sans liens harmoniques et esthétiques avec celui de Ravel !) dans lequel surgit Fafner, le grotesque dragon wagnérien, figuré par un tuba. Cette courte pièce, suggestive et chatoyante par ses multiples bruissements, est des plus séduisantes. En présentant son oeuvre au public, Aurélien Dumont n’a pas manqué de rappeler la situation précaire de la culture dans notre monde tourmenté, particulièrement dans le département de Maine et Loire où les subventions ont été dramatiquement rabotées, créant un fâcheux modèle faisant peu à peu tâche d’huile sur le plan national.

Le festival Pianopolis à Angers : des générations d’âmes au clavier 

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Le festival Pianopolis a eu lieu du 27 mai au 1er juin. Pour cette troisième édition, deux temps particulièrement forts ont été offerts par deux femmes appartenant à deux générations éloignées : Elisso Virsaladze et Arielle Beck.

Récirtal d’Elisso Virsaladze : une leçon de piano

Le vendredi 30 mai, Elisso Virsaladze, née en 1942, qui a joué dans les salles les plus prestigieuses du monde, donnait son premier récital aux Greniers Saint-Jean d’Angers. Son art, unique, est tout un monde et impose le respect. Tout au long de la soirée en compagnie de Chopin, nous sommes frappés par ses rubatos extrêmement ondoyants, dans des mesures qui restent absolument rigoureuses. Ces mouvements subtils surprennent parfois par leurs originalités rythmiques ; ils sont si prodigieux qu’on se dit sans réserve qu’elle est peut-être la seule capable de produire de telles merveilles. Deuxième miracle : le son compact. À l’intérieur d’une dynamique très restreinte, elle exprime toutes les nuances que la partition exige. Ainsi, une montée vers une nouvelle section — notamment vers le début de la longue coda dans la Polonaise-Fantaisie ou de la Sonate n° 3 — ne débouche pas sur une explosion libératrice, mais la musique reste retenue en un certain sens, laissant à l’auditeur le soin d’entendre sa propre nuance. Dans la Troisième Sonate, sous ses doigts, plusieurs voix s’entrelacent et tissent une polyphonie aussi parfaite que celle de Bach, notamment dans la partie médiane du scherzo. Il s’agit d’une élaboration constante de la musique qui se déroule en direct, comme si elle se créait à nos oreilles. Les Nocturnes, Mazurkas et Valses suscitent la même sensation, avec un rubato encore plus mis en évidence. Les « refrains » de la Grande Valse op. 42 sont prodigieux d’agilité, de légèreté et de nuances. Chez elle, aucun pathos, aucun romantisme exacerbé, et pourtant, chacun les ressent intérieurement, guidé par la force de la musique — celle de Chopin, mais aussi celle qu’Elisso Virsaladze nous transmet à travers lui. Quelle leçon de piano !

Arielle Beck, jeunesse et maturité

Le lendemain, en fin d’après-midi, Arielle Beck, 16 ans, nous confirme que la maturité musicale n’est pas une question d’âge. Son programme — la Suite anglaise n° 2 de Bach, la Sonate en la mineur D. 784 de Schubert, la Première Sonate en fa dièse mineur op. 11 de Schumann — exige un sens de la construction et de la synthèse dont elle fait preuve avec une efficacité redoutable. Chaque pièce de la Suite anglaise est parfaitement bien cadrée dans son propre style, interprétée avec une rigueur admirable, même si elle ne laisse pas encore beaucoup de place à la fantaisie. Son Schubert est tout aussi solidement construit, chaque mouvement étant joué dans un tempo adéquat. Si l’expression de l’éternité et de l’intériorité propres à la musique du compositeur est encore à venir, Beck sait déjà mettre en avant la notion de temps suspendu, et celle du chant, si essentiels chez Schubert. À travers la Sonate de Schumann, elle fait montre d’une rigueur d’architecte. Telle une façade ou un intérieur contrasté par des éléments variés savamment introduits, elle exprime la douceur ici, la passion là, où l'inquiétude à un autre endroit. Bref, elle entre aisément dans le langage schumannien, fait d’oscillations d’humeur. Après un tel programme, la pianiste joue en bis les Variations sérieuses de Mendelssohn, avec une maîtrise ahurissante de précision et de structure. Là encore, son sens de la construction fait merveille : la longue montée vers la fin, avec une accalmie chorale au milieu, puis le retombé final, exprimant une sorte d’introspection après tant d’agitation… Tout y est mis en place avec une intelligence stupéfiante, rendant cette œuvre le sommet de la soirée.

Somptueuse Staatskapelle de Dresde, Sol Gabetta incandescente et Tugan Sokhiev magistral

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La Staatskapelle de Dresde n’est peut-être pas aussi connue du grand public européen que les Philharmonies de Berlin et de Vienne, ou que le Concertgebouw d’Amsterdam. Et pourtant... Fondé en 1548, il est peut-être le plus ancien orchestre encore en activité au monde. Il est absolument splendide, avec, en particulier, des cordes qui peuvent rivaliser avec les meilleures formations de tous les continents par leur profondeur et leur chaleur.

Au programme de ce concert à la Philharmonie de Paris, le Premier Concerto pour violoncelle de Chostakovitch (avec Sol Gabetta), et la Septième Symphonie de Bruckner, sous la direction de Tugan Sokhiev.

Le public toulousain connaît bien ce chef d'orchestre russe, qui avait succédé à Michel Plasson, et donné à l’Orchestre du Capitole, qu’il a dirigé pendant presque vingt ans, une dimension réellement internationale.

Quant à Sol Gabetta, on ne la présente plus. Depuis plusieurs années, elle enthousiasme régulièrement le public parisien de ses interprétations à la fois très personnelles et respectueuses du texte. L’une de ses caractéristiques est la variété de son vibrato, autant dans son intensité que dans sa constance. Et puis, avec son violoncelle de Matteo Gofriller (1725), elle trouve des sonorités étonnantes. Par moments, on se demande quel instrument on entend...

Dmitri Chostakovitch a écrit son Premier Concerto pour violoncelle en 1959, pour et avec Mstislav Rostropovitch. Il est l’une de ses œuvres les plus populaires (plus que le Deuxième, ce qui est tout à fait injuste pour celui-ci), et porte sa signature dans tous les sens du terme : du point de vue artistique, parce qu’il est très caractéristique de ce compositeur, et sur un plan beaucoup plus concret, puisqu’il utilise, en de nombreux passages, son fameux motif ré-mi bémol-do-si, c'est-à-dire, en langage musical, D-S-C-H, soit, en notation allemande, les initiales de Dmitri SCHostakowitsch.

Dans l’Allegretto qui sert d’introduction aux trois mouvements suivants, qui seront enchaînés, les bois de la Staatskapelle de Dresde sont incisifs, presque acides. Le cor, seul cuivre de l’effectif instrumental pour toute l’œuvre, ne cherche pas non plus le beau son. Tout cela sert idéalement le propos du compositeur, et avec le jeu incandescent de Sol Gabetta (ce qui n’est pas une surprise), l’ensemble est tendu à craquer.

Le Lundi musical avec Marianne Crebassa : un récital empli d’émotion

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Pour son dernier Lundi musical de la saison, le Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet (Paris) accueillait la mezzo-soprano Marianne Crebassa et le pianiste Alphonse Cemin. Leur programme, empli d’élégance et de profondeur, a enchanté le public.

Compagnons musicaux de longue date, Marianne Crebassa et Alphonse Cemin se produisaient pour la première fois ensemble sur la scène du théâtre de l’Athénée, à Paris. Dans cet écrin à la fois intime et chaleureux, ils ont déroulé, avec talent et inspiration, un programme varié dans les esthétiques mais composé d’œuvres toutes écrites à la charnière du 19e et du 20e siècle. L’occasion pour le public d’entendre et d’apprécier l’ampleur du registre vocal, dramatique et sensible d’une Marianne Crebassa décidément très en forme. 

On peut presque parler de démonstration, tant ce récital fut réussi, généreux dans l’engagement des artistes et qualitatif dans le rendu des œuvres interprétées. Démarré par les délicates et précises Chansons de Bilitis, de Claude Debussy, il s’est poursuivi par les -ô combien- dramatiques Kindertotenlieder (Chants des enfants morts) de Gustav Mahler, auxquels ont succédé les cinq mélodies, étranges et oniriques, de Combat del somni (Le combat du rêve) du Catalan Federico Mompou puis les Cinq mélodies populaires grecques de Maurice Ravel, imprégnées de folklore.

Entre la finesse impressionniste française à laquelle répondait la densité post-romantique austro-allemande ou encore la difficulté de la diction du Catalan, le registre d’expressions était large à couvrir, tant vocalement que scéniquement. Heureusement, Crebassa est dotée de métier et de moyens et elle a pu compter sur un Alphonse Cemin particulièrement inspiré, ayant chaque partition « bien dans les doigts » et dosant parfaitement l’énergie à distiller pour soutenir et véritablement accompagner la soliste.

Les Variations Goldberg à l’Arsenal de Metz avec Benjamin Alard

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Le 27 mai dernier, le claveciniste Benjamin Alard interpréta les Variations Goldberg de Bach à l’Arsenal de Metz. Ce monument de la littérature pour clavier montre comme les Suites pour violoncelle,  le génie que Bach pouvait atteindre.

Commençant par une aria très moderne durant laquelle les mains de l’interprète cherchent à communiquer, avant de s’harmoniser avec la première variation et de finir par celle-ci riches de leurs dialogues, les Variations Goldberg sont un chef d’œuvre d’architecture, d’harmonie et de tout ce qui définit la musique. Les mains de Benjamin Alard, collaboraient dans cette magnifique arche, où les voix se trament harmonieusement, jusqu’à se retrouver dans l’aria initiale, riche de l’apport des 32 variations traversées. La riche palette de textures, d’émotions et d’atmosphère dans lesquelles sont amenés les auditeurs, passant de la joie à un sentiment quasi de piété et de religiosité, ne se racontent pas, elle se vit. C’est ce voyage intérieur que le claveciniste offrit avec une sorte de modestie, - modeste comme le clavecin sur la scène, l’homme dans le monde et l’humanité devant dieu sans doute -, lui permettant de découvrir des zones inconnues de son intériorité, plus grande qu’il ne se croyait lui-même.