Dans les égouts : Salomé à l'Opéra de Paris

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Avec cette nouvelle production de Salomé composée par Richard Strauss en 1905, la direction de l’Opéra de Paris anticipait un succès de scandale. Effectivement, la perspective d’accéder, le temps d’une soirée, à un « Pornoland » sado masochiste pouvait séduire le bourgeois dûment averti du « caractère violent et/ou sexuel explicite » de la mise en scène confiée à Lydia Steier, américaine formée en Allemagne.

SI cette nouvelle production ne se distinguait « que » par sa laideur, son indigence, son conformisme, elle relèverait de l’insignifiance. Si elle ne contredisait « que » la partition de Richard Strauss et les pulsions qui s’y affrontent sans jamais se vaincre, elle en éteindrait le chatoiement, les reliefs, la délicatesse. Ce qui est le cas. Mais tout cela reste dans le domaine artistique.

Plus grave : l’inacceptable atteinte portée à la dignité de la femme. .

Comment assister sans réagir aux atteintes sexuelles « vécues » sur le plateau sous les yeux d’une salle entière ? Ce que demande la metteure en scène à l’excellente soprano sud-africaine Elza van der Heever, de faire et de subir en public, n’a rien à voir avec les exigences du rôle -actes d’une autre nature que les excentricités (trapèze volant, contorsions diverses) habituelles.

Rien ni personne ne devrait obliger une chanteuse à se livrer à un long simulacre de masturbation, subir les attouchements « réels » de ses partenaires, s’offrir et participer à de vrais contacts sexuels (lors de pantomimes d’inceste, viols collectifs) qui se terminent dans un bain de sang explicite.

Quant à l’esthétique -mille fois vus, des spasmes vaguement sadiques flottent mollement dans un bocal suspendu : la cour dépravée d’Hérode (John Daszak, débraillé) et d’Herodias (Karita Mattila qui fut une grande Salomé, ici mère maquerelle aux faux seins percés). L’éclairage est glauque, les costumes crapoteux. Le prophète chante sous une dalle de béton. Des éboueurs- liquidateurs engoncés dans des combinaisons jaunes vont et viennent transportant les cadavres démembrés de l’orgie précitée. Le tout sous la surveillance de gardes à kalachnikov. La danse des sept voiles devient une interminable copulation... 

 Comme la photo de sacs poubelles illustrant le programme, les poncifs freudiens-marxistes s’écoulent, fétides, émasculant au passage le poème d’Oscar Wilde comme la partition de Richard Strauss sous prétexte de subversion. Parfois, Simone Young à la tête de l’Orchestre de l’Opéra, brassant les masses sonores sans en rechercher la subtilité, dégage un fragment de beauté. Il semble irréel comme le chant d’Elza van den Heever, splendide interprète straussienne.

A l’heure de «Me Too», l’absence de garde-fous (des politiques, mécènes, public...) interroge : comment une mise en scène d’un tel niveau de médiocrité et d’une facture aussi contestable a -t elle pu accéder à l’une des plus belles scènes lyriques du monde  ? 

La réponse ne fait honneur à personne.

Paris, Opéra National, Salle  Bastille, le 15 octobre 2022

Bénédicte Palaux-Simonnet

Crédits photographiques :  Agathe Poupeney / Opéra national de Paris

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