Dario Müller dans une revue du Paris de la fin du XIXe siècle

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Paris Boulevard (musique pour piano Fin-de-siècle) : Pièces d’Erik Satie, Reynaldo Hahn, Ruggero Leoncavallo, Henri Sauguet, Georges Auric, Claude Debussy, Maurice Ravel, Francis Poulenc, Alfredo Casella, Germaine Tailleferre, Jean Wiéner, Vincent Scotto, Alexandre Tansman, Darius Milhaud, Kurt Weill et Joseph Kosma.    Dario Müller, piano.  1981 et 2019. 56’19. Livret en italien et en anglais. Dymanic CDS 7877.


Voilà un CD a priori plutôt appétissant. Sur la pochette, Boulevard Montmartre, Effet de nuit, la seule scène de nuit de la série de tableaux que Camille Pissarro a peints depuis sa fenêtre du Grand Hôtel de Russie en 1897, et qui ont tous le même point de vue ; celui-ci est, paradoxalement parce que c’est la nuit, le plus coloré, mais aussi le plus lumineux, car ce sont des lumières artificielles de la vie nocturne, une vie que l’on imagine aussi grouillante que les scènes de jour des autres tableaux. Le titre du CD est « Paris Boulevard », sous-titré « Fin-de-siècle Piano Music », et le pianiste est Dario Müller. À l’intérieur, vingt-trois courtes pièces, parmi celles que l’on pouvait entendre à Paris, dans des lieux plus populaires que les sérieuses salles de concert, pendant ce quart de siècle qui a suivi 1880. 

Erik Satie occupe plus d’un tiers du CD, avec la Deuxième Gymnopédie, la valse Je te veux, la marche Le Piccadilly, les trois morceaux des Descriptions automatiques (Sur un vaisseau, Sur une lanterne et Sur un casque), la série de danses Le Piège de Méduse, et Rag-time du paquebot (extrait de Parade). On trouve d’autres valses : la Valse N° 5 « À l'ombre rêveuse de Chopin » extraite des Premières valses de Reynaldo Hahn, Papillon de Ruggero Leoncavallo (sous-titré « Scherzo, tempo di valzer »), la Valse de Francis Poulenc et la Valse lente extraite de Paris-Magie de Germaine Tailleferre. Et puis, d’autres danses : le Galop extrait du ballet Les forains d’Henri Sauguet, le cake-walk Le petit nègre de Claude Debussy, Five o'clock fox-trot extrait de L'enfant et les sortilèges de Maurice Ravel, le shimmy Cocktail's dance d’Alfredo Casella, le Tango des Fratellini de Darius Milhaud, et Tango-Habanera extrait de Marie Galante de Kurt Weill. À noter que plusieurs de ces titres ont un lien direct avec le cirque. Le cinéma est aussi représenté, avec la Chanson du Moulin Rouge (également connue sous les noms It's April Again ou Where Is Your Heart, du film Moulin Rouge) de Georges Auric et Le grisbi (du film Touchez pas au grisbi) de Jean Wiéner. Le Blues extrait des Novelettes d’Alexandre Tansman, et ldeux chansons (J'ai deux amours, mon pays et Paris de Vincent Scotto et Les feuilles mortes de Joseph Kosma pour conclure) complètent ce panorama plaisamment varié.

Dario Müller joue tout cela avec beaucoup de sensibilité, d’élégance et de finesse. Cela sonne très bien ; la pédale est maîtrisée, les registres sont équilibrés. Indéniablement, il a les moyens techniques de réaliser ses choix. Mais l’ensemble est relativement uniforme, volontiers feutré et discret. On dirait que le pianiste, jouant pour des gens affairés à autre chose, craint de les déranger. Si cette approche nous émeut dans les pièces les plus intérieures (encore qu’elles soient souvent bien lentes), d’autres manquent de relief. Il n’y a guère que dans quelques pages d’Erik Satie (Descriptions automatiques, Le Piège de Méduse) que Dario Müller semble vouloir s’imposer. En regardant de près les crédits, l’on s’aperçoit qu’il s’agit, avec Le Piccadilly du même Erik Satie, des seules pièces enregistrées en 1981. Toutes les autres datent de 2019. La fougue de la jeunesse aurait-elle fait place à la retenue de la maturité ?

Regrettons pour finir qu’il n’y ait pas de traduction française du texte de présentation, par ailleurs plutôt bien renseigné. Pour un enregistrement consacré à de la musique que l’on pouvait entendre à Paris, c’est assez dommage. Et le CD ne semble pas figurer dans la base de données CDDB, qui permet aux titres de s’afficher lors de la lecture. C’est ici, avec vingt-trois plages qui obligent à consulter la pochette toutes les deux ou trois minutes, particulièrement préjudiciable.

Un enregistrement qui ne manque pas d’attraits, et que certains écouteront peut-être souvent pour le bien-être qu’ils en ressentiront, mais qui pourra sembler par trop monotone à d’autres.

Son : 9 – Livret : 8 – Répertoire : 8 – Interprétation : 7

Pierre Carrive 

 

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