De l’Opéra au Palais Richelieu, l’éblouissant itinéraire des Expositions Molière

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Dans ces rues de la capitale où tout parle de lui, deux expositions institutionnelles honorent (enfin) Molière. Distants d’une centaine de mètres, l’Opéra, la BNF et la Comédie française ont uni leurs forces et leurs talents pour rassembler  des pièces rarissimes sorties des réserves et des collections privées.

La Bibliothèque-musée du Palais Garnier rappelle d’abord un élément trop souvent passé sous silence : dès sa prime enfance, l’auteur du Malade imaginaire fut plongé dans la musique où brillait sa lignée maternelle. Très vite il associa la puissance expressive des sons à l’art de la scène, les estimant  indissociables comme il l’écrivit en tête de L’Amour médecin.

A côté des portraits de Molière figure ainsi celui d’un Lully jeune plein de prestance -encore jamais exposé à notre connaissance ! Autre document rare : les paraphes sur l’acte de prêt consenti par Jean-Baptiste Poquelin au surintendant. Ils  touchent d’autant plus que les signatures d’actes officiels sont les seules traces écrites autographes qui nous restent d’eux.

A la naissance de la comédie ballet, illustrée par de somptueuses gravures, ouvrages et partitions, succèdent les musiciens qui ont révisé (Saint-Saëns), composé (de Charpentier à Henri Sauguet) inventé, souvent sur commande (de Louis Jouvet à Jean-Louis Barrrault), à partir ou autour des pièces et divertissements du dramaturge. On regrettera incidemment que le rôle et l’implication personnelle du Roi ne soit qu’effleuré. Quant à la contribution du fantasque compositeur- poète  Coypeau d’Assoucy, elle est passée à la trappe comme la symbiose créatrice opérée avec Lully ou encore la prégnance du baroque…

Du 96 rue Saint-Honoré, lieu de sa naissance, au 40 rue de Richelieu où il mourut en passant par la Fontaine éponyme voisine de ses théâtres, Molière est enfin célébré dans le site Richelieu de la BN. Après plus de dix ans de travaux se dévoile l’admirable cour d’honneur du Palais Mazarin. Plantée d’espèces végétales propres à la fabrication du papier, elle permet d’accéder aux salles mythiques. Passant à côté du siège de Dagobert, de l’échiquier de Charlemagne ou des Pensées de Pascal, on découvre la Galerie Mansart située en-dessous de la Galerie Mazarine et que le Cardinal destinait à sa collection de sculptures antiques. Décorée de stucs et peintures sur une hauteur de plus de six mètres, les espaces scénographiques s’y déploient de manière fluide jusqu’à la Rotonde consacrée au sulfureux Don Juan. Comédie française et Centre National du Costume de scène situé à Moulins présentent ainsi parmi gravures, objets, costumes, le précieux registre de La Grange. Ils restituent surtout à l’auteur des Fourberies de Scapin une place et une importance que les fantaisies romantiques avaient  passablement édulcorées. L’unique portrait en pied (Sganarelle) comme l’ensemble des tableaux et statues laissent néanmoins à prudente distance cabales, amitiés et philosophie.

Finalement, l’énigme de l’homme et du génie résiste encore et toujours, si bien qu’elle excite une curiosité renouvelée, ici, subtilement exploitée.

 Le jeu « du vrai du faux » permet de mettre en pièces quelques « fake news » (- Non, Molière n’est pas mort sur scène ! - Non Corneille n’a pas écrit les pièces de Molière, etc... ) et s’amuse à les démonter une à une. Les efforts de recherche de ces dernières décennies contribuent à ébaucher une perception bien plus attachante, décapante et passionnante que celle des manuels scolaires. Une place de choix est réservée aux arts du spectacle : maquettes, costumes de légende, réalisations de metteurs en scène ou cinéastes -Ariane Mnouchkine, Roger Planchon, Louis de Funès parmi d’autres. Tout démontre la séduction, la vitalité -toujours incandescente- de l’auteur du Misanthrope .

Dans un coin, un petit cahier manuscrit attire l’attention. Il est intitulé « Spectres, mes compagnons ». La déportée Charlotte Delbo y raconte comment Alceste l’accompagna dans le train d’Auschwitz mais n’eut pas la force d’en franchir  les portes avec elle.

«  Marre de Molière ? » comme l’écrit l’homme de théâtre Franck Delorme ? Ces expositions lui apportent un démenti éclatant.

Bénédicte Palaux Simonnet

« Molière en musiques » site Opéra Garnier, Bibliothèque-musée

« Molière, le jeu du vrai et du faux » site BNF Richelieu

du 27 septembre 2022 au 15 janvier 2023

 



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