Debussy et Murail, échos et résonances 

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Echos et résonances. Claude Debussy (1862-1919) : Préludes-Premier livre ; Tristan Murail (né en 1947) : Cloches d’adieu et un sourire, Territoires de l’oubli.  Martine Vialatte, piano. 2003 et 2018. Livret en français et anglais. 73’28’’. Ciar Classics. CC 003

La collection du label du Centre international Albert Roussel (CIAR) s’enrichit un superbe album qui met en perspective des compositeurs pour lesquels le travail sur le son est essentiel : Claude Debussy et Tristan Murail. La pianiste Martine Vialatte est la cheville ouvrière de cette confrontation. 

Dans Claude Debussy, la pianiste française livre une interprétation poétique et sensible. Dans une droite ligne de l’école française, elle contrôle l’éclat de la musique tout en préservant l’agogique des pièces. C’est une palette de couleurs subtile qui met en avant la modernité de l’écriture sans en rajouter dans les effets. On aime les contrastes marqués et la richesse des timbres. Il faut dire que Martine Vialatte a choisi d’enregistrer ces préludes avec l’Opus 102, un magnifique piano du facteur français Stephen Paulello. Ce superbe instrument est taillé sur mesure pour l'écriture de Debussy et il restitue au mieux les résonances des notes. Comme le dit justement le livret de présentation, sa sonorité restitue la sensualité capiteuse et mystérieuse de ce cycle majeur de la littérature pour piano. 

Face à ce monument musical, on trouve un autre jalon de la modernité : Territoires de l’oubli de Tristan Murail. Cette partition d’un peu moins d'une demi-heure est un complément naturel à Debussy tant le travail sur le matériau sonore rapproche les deux créateurs. Avec Murail, le piano se fait harpe éolienne et présente des couleurs irisées et extatiques, pas si éloignées de Messiaen qui fut le professeur de Murail. L’oreille se plaît à voyager dans un monde sonore inouï par la richesse des timbres et son pouvoir évocateur, comme si elle était plongée dans une immense toile de Rothko. Cette partition est un défi lisztien par la nécessité de construire une interprétation exigeante sur une telle durée. Composée, il y a près de 45 ans, cette partition est un immense chef d'œuvre. On se réjouit de l’entendre à nouveau au disque. 

Entre les Préludes et Territoires de l’oubli, Martine Vialatte propose le bref Cloches d’adieu et un sourire. Composée en 1992, cette partition est un hommage à Olivier Messiaen. Le ton des oiseaux est triste et leur chant se perd dans l’écriture pianiste, dans un festival de couleurs contrastées à la fois éclatantes mais sombres. 

Cet album, très bien enregistré, est un superbe parcours musical et sans nul doute un disque auquel on reviendra régulièrement. Un enregistrement passionnant qui sort des sentiers battus. 

Son 10 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 10

Pierre-Jean Tribot 

 

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