Deux solistes d’exception pour un Concert de l’an

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Pour son Concert de l’An 2018, l’Orchestre de la Suisse Romande invite deux solistes de prestige, la soprano Diana Damrau et le harpiste Xavier de Maistre, habitués à se produire conjointement, ainsi que le chef français Alexandre Bloch.

Idée géniale pour une formule ô combien éculée, le programme commence par le Concerto pour harpe d’Alberto Ginastera, musicien argentin enterré à Genève au Cimetière des Rois mais rarement joué ici. Ecrite pour la harpiste américaine Edna Philips entre 1956 et 1964, l’œuvre fut créée finalement en février 1965 par Nicanor Zabaleta et l’Orchestre de Philadelphie dirigé par Eugene Ormandy. Sous une baguette énergique qui veut exploiter la densité de coloris du canevas orchestral, Xavier de Maistre nous surprend d’emblée par une sonorité qui a acquis une ampleur notoire par rapport à celle à laquelle il nous a accoutumés, magnifiant dans l’Allegro giusto un style rhapsodique où la mélancolie se dissout devant des rythmes endiablés scandés par la main de l’exécutant frappant la table d’harmonie. Le Molto moderato médian est voilé d’une mystérieuse tristesse que dissipe une cadence échevelée, accumulant ‘glissandi’ et notes pincées imitant la guitare, qui débouche sur un finale tonitruant où le soliste se fraie son bonhomme de chemin face à une percussion envahissante.
Est présentée ensuite La Valse de Ravel dont la baguette d’Alexandre Bloch recherche d’abord la netteté des lignes en s’appuyant sur les registres graves ; et l’usage du rubato dessine avec précision le motif de danse. Mais le développement des deux sections enchaînant les ‘crescendi’ n’est plus qu’un tintamarre fatigant où règne l’exagération des dynamiques.
En seconde partie seront proposées deux ouvertures célèbres de Rossini : celle pour Guillaume Tell est irradiée d’abord par un remarquable solo de violoncelle dialoguant avec ses collègues de registre et les contrebasses, auquel répondra, après un orage modérément violent, un cor anglais tout aussi évocateur. Et l’Allegro vivace conclusif est poussé à l’extrême en ne se souciant guère de la cohésion de l’ensemble. Quant à la sinfonia pour Il Signor Bruschino, l’indication col legno qui enjoint de tambouriner sur le lutrin avec l’archet, autorise-t-elle le n’importe quoi avec le toussotement en cadence émis par une partie de la formation et le natel du chef qui se met à sonner : était-ce, d’outre-tombe, la voix du pauvre Gioacchino se plaignant d’être maltraité une fois de plus ?
Mais, heureusement, cette partie de programme est galvanisée par la présence radieuse de Diana Damrau nous offrant trois pages de Meyerbeer qu’elle vient d’immortaliser par le disque. Au sommet de ses moyens, la voix a acquis, au fil des ans, une rondeur et une grandeur notoires, alors que la personnalité a conservé cette bonhommie sympathique qui lui fait livrer avec humour les saluts du page Urbain au premier acte des Huguenots, quitte à étirer vers le haut la tessiture plutôt centrale du rôle. Puis elle se montre absolument magistrale dans le grand air d’Isabelle au quatrième acte de Robert le Diable en liant les coloris les plus subtils dans un phrasé ailé où tout aigu est filé. Elle conclut avec la valse au deuxième acte du Pardon de Ploërmel en jouant des contrastes de phrasé pour suggérer le dialogue entre Dinorah et son ombre avec une maîtrise technique ahurissante. En guise de bis, Xavier de Maistre la rejoint pour un ineffable « Oh quante volte » dans I Capuleti e i Montecchi de Bellini. Sublime !
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 10 janvier 2018

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