Help, help ! De la musique pour ‘FAUST’

par
Faust Genève

© Magali Dougados

Depuis avril 1995, donc depuis près de vingt-trois ans, le Grand-Théâtre de Genève n’avait pas remis à l’affiche le Faust de Charles Gounod. En ces jours-ci, l’Opéra des Nations en propose une nouvelle production en confiant la direction musicale à Michel Plasson, la mise en scène et les lumières à Georges Lavaudant, les décors et les costumes à Jean-Pierre Vergier.

Quelle pauvreté visuelle ! Voilà l’impression générale que me fait cette production, à moi qui ai découvert mon premier Faust à la Scala de Milan en avril 1977 dans la régie de Jean-Louis Barrault : homme de théâtre jusqu’au bout des ongles, il jouait la carte du dépouillement scénique pour privilégier l’efficacité de l’action.
Que voit-on ici ? En fond de plateau, l’on a affaire, comme souvent sur ce plateau, aux portes métalliques d’un hangar sordide surmontées d’un déambulatoire, tandis que, à l’avant, l’on aperçoit un bureau moderne avec lampe de travail pour permettre à Faust de décrypter ses textes anciens. La taverne d’Auerbach devient un lupanar immonde avec deux canapés roses tout aussi atroces où nombre de greluches arborant des robes à fleur aux teintes criardes attendent les clients en complet-veston. Au premier abord, l’acte du jardin paraît plus sobre jusqu’au moment où deux diablotins tirent une gigantesque boîte à souliers rouge contenant une inénarrable tenue de soirée, recouverte d’éclats de verre scintillants, dont Marguerite se parera avant de finir à la rue avec deux malheureuses filles-mères vêtues de noir poussant leur landau. Il va de soi que, lorsque les soldats proclament la gloire de la patrie, deux ou trois femmes de mauvaise vie défilent afin de titiller leur libido somnolente. Mais, après tant de fatras inutile, l’intérêt du spectateur est saisi par les deux derniers tableaux : dans l’église où la pauvre abandonnée prie pour son pardon, Méphisto se glisse dans la statue de cire d’un Christ flagellé pour lui interdire l’accès à la pénitence ; et, dans le finale, tandis que Marguerite est prostrée contre les barreaux de son cachot, le bourreau élève une hache maculée de sang ; mais à quoi sert cette réunion du Ku-klux klan se substituant aux anges de la rédemption ?
Heureusement, face à cette indigence théâtrale qui dégage un ennui mortel jusqu’à la fin du troisième acte, la musique sauve le spectacle de la débandade. Michel Plasson avait dirigé Faust au Grand-Théâtre en mars 1980 ; trente-huit ans plus tard, c’est lui qui, à près de quatre-vingt-cinq ans, revient au pupitre pour remplacer Jesus Lopez Cobos malade. Certes, par moments, sa direction un peu brouillonne rend imprécise les attaques de phrase de l’Orchestre de la Suisse Romande et du Chœur du Grand-Théâtre de Genève, remarquablement préparé par Alan Woodbridge ; mais sa maîtrise du style et son art de faire valoir le génie mélodique de la partition constituent le point fort de la représentation.
Aux rôles français de son répertoire tels que Léopold de ‘La Juive’, Jean de Leyde du ‘Prophète’ ou Tonio de ’La Fille du Régiment’, John Osborn ajoute celui de Faust qu’il ébauche avec un timbre clair légèrement nasalisant et une ampleur vocale limitée ; mais sa diction est d’aussi bonne qualité que son phrasé est nuancé, ce qui lui permet de filer le contre-ut au terme de sa cavatine. Marche dans le même sillage Jean-François Lapointe, dessinant un Valentin réservé qui paraît un peu raide dans son invocation avant de trouver sa juste grandeur dans le trio du duel et dans sa scène de mort, si émouvante. La soprano arménienne Ruzan Mantashyan prête à Marguerite un coloris plutôt sombre qui confère sobriété tant à la chanson gothique qu’à l’air des bijoux, livré sans afféterie ; mais lui manque singulièrement l’étoffe d’un grand lyrique, ce que démontre son étouffement dans la gradation en crescendo d’ « Anges purs, anges radieux ». Le rôle de Méphisto a connu autrefois les outrances d’un Chaliapine, d’un Boris Christoff : mais ce ne sont que des broutilles face à la grosse voix ‘inaudible’ d’un Adam Palka au sabir inintelligible. Le Siebel de Samantha Hankey est perçant comme une pie jacassante, tandis que, à l’opposé, Marina Viotti donne consistance au personnage souvent sacrifié de Dame Marthe, ce que l’on peut dire aussi du Wagner de Shea Owens. En résumé, une déception plutôt cruelle.
Paul-André Demierre
Genève, Opéra des Nations, première du 1er février 2018

2 commentaires

Laisser une réponse à LEVADOUX Annuler la réponse

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.