Jacqueline Fontyn, par elle-même et par les autres

par

Jacqueline Fontyn
Nulla Dies Sine Nota
Combien d'oeuvres la compositrice belge a-t-elle composées en 77 ans de carrière ? Je suis certaine que peu d'entre vous peuvent répondre à cette question. A quels genres s'est-elle adonnée ? Même certitude de ma part. Je vous donne les réponses :

Jacqueline Fontyn a composé 129 opus, et dans les genres les plus variés : oeuvres symphoniques, oeuvres pour orchestre de chambre ou orchestre à cordes, oeuvres pour soliste et orchestre, un opéra, de la musique vocale, des oeuvres pour piano solo ou en duo, pour violon solo ou en duo, pour violon et piano et autres instruments, une oeuvre pour violon à cinq cordes, pour violoncelle solo, deux pour violoncelle et piano, une pour violoncelle et guitare, une pour violoncelle et harpe, des oeuvres pour harpe solo et duo, pour trios, quatuors, quintettes, septuors, treize instruments,... bref... on s'étonne de ne pas trouver ici d'oratorio !
Mais qui est-elle au fond cette dame qui a parcouru le monde où l'on joue ses oeuvres, qui participe à des colloques, a rencontré les plus grands musiciens de la seconde moitié du siècle dernier, que ses disciples au Conservatoire de Bruxelles ne cessent d'apprécier, qui traverse la vie avec humour et cultive sa joie de vivre au contact de la nature qu'elle aime tant dans le Brabant Wallon ?
Dans cet ouvrage de près de 300 pages, elle se raconte avant de se laisser interroger par Bruno Peeters, Thilting Bräm et d'autres dont sont repris les meilleurs moments, et de nous offrir les témoignages de Jacques Tchamkerten, musicographe et responsable de la Bibliothèque du Conservatoire de Genève, du compositeur Alain Féron, de mélomanes pour qui la musique d'aujourd'hui a retrouvé à son écoute. L'ouvrage ne serait pas complet si ne s'y ajoutaient une série d'annexes : brève biographie, prix de composition, catalogue chronologique des oeuvres, catalogue sélectif par genren bibliographie sélective, discographie, notes sur les auteurs des interviews et témoignages, index des noms propres.
Jacqueline Fontyn est née dans une famille bourgeoise, mais intelligente surtout, d'Anvers : un père qui préféra la finance au piano, une mère qui avait étudié le chant, tous deux suffisamment sensibles à la musique pour découvrir les dons de la fillette qui commença le piano avec Igor Bolotine, un juif russe émigré, une personnalité qui n'échappa pas aux atrocités de la guerre. Mais celui qui, bien malgré lui, joua sans doute le plus grand rôle de la musicienne qui troquera bientôt l'instrument pour la plume, ce fut Joseph Jongen, directeur du Conservatoire de Bruxelles. Lorsque Jacqueline, accompagnée de son père, vint lui présenter une petite composition, il décréta : « Pas de conservatoire ». Une chance ! Sa formation se fera par des rencontres, et non les moindres : Robert Casadesus, Marcel Maas, Denijs Dille, Daniel Sternefeld, Marcel Quinet, Darius Milhaud, Camille Schmit -qui deviendra son mari-, Max Deutsch, Hans Swarowski, Henri Dutilleux,... Elle rentre à la Chapelle Musicale, parcourt l'Europe, Moscou, la Grèce, Rome, Venise, plus tard les Etats-Unis,... de chacun, de partout, elle tire la substantifique moëlle tandis que, partout aussi, on la joue. Si Jacqueline Fontyn connaît le langage radical, elle n'en n'est pas une adepte, elle se forge son propre langage, sa propre écriture signifiante d'elle-même, messagère de son coeur et de sa pensée. C'est ce qui en fait le prix.
Bernadette Beyne
2014, Editions Aedam Musicae, 287 pages, 25 € - www.musicae.fr

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