Jos van Immerseel joue des sonates de Beethoven sur un instrument d’époque

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Le récital de Jos van Immerseel le 26 octobre au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris est devenu par la suite l’un des derniers concerts avant le reconfinement général en France.
La scène entourée de murs aux décors bruts, le théâtre des Bouffes du Nord possède l’une des plus belles acoustiques en France et en Europe pour la musique de chambre. La proximité avec le public, installé presque au même niveau que l’artiste, favorise l’atmosphère intimiste et crée une complicité évidente entre les deux parties. À travers les quatre sonates de Beethoven écrites dans sa jeunesse (op. 14 n° 1 et 2, op. 13 « Pathétique » et op. 27 n° 2 « Clair de lune »), Jos van Immerseel propose, sur un pianoforte viennois, un visage considérablement différent des œuvres du Maître de Bonn jouées sur des pianos modernes sonores et puissants. En effet, cet Anversois pionnier de l’ « interprétation historiquement informée » vient avec son instrument, le fac-similé minutieusement réalisé en France par Christopher Clarke (1988) d’après un pianoforte d’Anton Walter (vers 1800). Sa sonorité confidentielle mais chaleureuse, perlée et cuivrée, se marie idéalement avec l’espace ; les auditeurs apprécient la subtilité de la mécanique, certes délicate mais qui n’empêche pas d’offrir une multitude de possibilités en matière de dynamique et de nuance.

Ces possibilités, pourtant limitées par rapport à un Steinway ou un Yamaha, deviennent quelque chose d’original pour nos oreilles modernes, et plus encore dans une acoustique magique comme celle des Bouffes du Nord, même pour les habitués des instruments anciens. Jos van Immerseel explique d’ailleurs, en guise d’entracte -qui n’existe plus à cause de contraintes sanitaires- les caractéristiques de l’instrument, insérant une anecdote qui illustre la méconnaissance organologique de certains « spécialistes »… Pour adapter son jeu à ces caractéristiques mais aussi pour mieux faire ressortir les qualités de Walter, le claviériste ne cherche ni la virtuosité ni la perfection technique ; les notes sont parfois inégales, rappelant certains jeux au clavecin. Son tempo est généralement posé, ce qui surprend parfois pour les mouvements rapides (Allegro du premier mouvement de la « Pathétique » ou le dernier de la « Clair de lune ») e,t à l’intérieure de ce tempo, il module des valeurs de notes jusqu’à une sensation de tangage (premier mouvement des 9e et 8e sonates, ainsi que le finale de cette dernière). L’interprète accorde à la mélodie principale et à tout ce qui l’entoure un rapport plus équitable, effaçant la hiérarchie entre eux et rendant par conséquent plus évidente la notion polyphonique que recèle la partition. Quant au premier mouvement du « Clair de la lune » où les notes pointées surgissent des accords brisés en triolet, l’instrument fait merveille, créant un brouillard nocturne extraordinaire, tout à fait fantastique voire fantomatique. L’utilisation très appropriée de la genouillère (équivalent de la pédale) « céleste » y apporte aussi un effet sonore que le piano moderne a perdu, éclairant l’œuvre sous un angle « nouveau »… enfin, ancien !

Après un tel récital, une interrogation s’impose : Quelle était l’intention de Beethoven ? Des interprétations sur instrument d’époque nous permettront de fournir de précieuses informations.

Victoria Okada

Crédits photographiques : DR

 

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