Le beau Mozart d’un vrai duo

par

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sonates pour piano et violon N° 24, K. 376; N° 27, K. 379; N° 35, K. 526. Amandine Savary (piano), Vineta Sareika (violon). 2020-DDD-64’37-Textes de présentation en français, anglais et allemand- Muso mu.041

Artistes à présent au mieux de leur jeune encore maturité (elles sont au milieu de la trentaine), la pianiste française Amandine Savary et la violoniste lettonne Vineta Sareika (par ailleurs premier violon du Quatuor Artemis) dont les prestations en duo ont déjà été saluées dans ces colonnes nous reviennent avec un enregistrement de trois sonates de Mozart, très justement annoncées sur la pochette -et comme le veut d’ailleurs la partition- pour piano et violon (la partie de violon des deux premières est d’ailleurs en principe facultative, mais ils serait vraiment dommage de s’en passer).

On sait que Mozart est un juge de paix impitoyable, mais il ne faut pas longtemps pour comprendre que les deux interprètes ont réellement quelque chose à nous dire tout en se montrant d’excellentes stylistes. Dès les premières mesures de la Sonate en fa majeur, K. 376 abordée avec un bel élan, on apprécie fortement le fait d’avoir affaire à un véritable duo démontrant une belle unité de pensée et une vraie joie de jouer. Vineta Sareika a très probablement écouté les légendaires enregistrements d’Arthur Grumiaux, car on retrouve chez elle bonne part de ce qui faisait le prix des interprétations mozartiennes du grand violoniste belge, à savoir cet alliage d’une franchise sans brutalité et d’une délicatesse sans chichis. Le piano d’Amandine Savary est affirmatif sans lourdeur, la pianiste faisant par ailleurs constamment preuve d’une très belle technique et d’une réelle élégance. Dans l’Andante, elle égrène délicieusement les traits (avec en plus de très beaux trilles) et se montre sereine sans superficialité. Quant à sa partenaire, elle sait quand il le faut adopter un ton de confidence et une sonorité voilée comme elle sait être brillante.  

On apprécie également le classicisme souverain des interprètes dans cette manière qu’elles ont de n’en faire jamais trop dans une musique qui ne supporte aucun excès.

Les mêmes qualités sont en évidence dans la Sonate en sol majeur, K. 379 où Amandine Savary roule dès le début de superbes arpèges sur le très beau Steinway choisi pour cet enregistrement. Cependant, tout au long de l’écoute, on se demande s’il s’agit véritablement de l’instrument le plus indiqué dans ce répertoire. En effet, si rien ne s’opposerait au choix d’un tel piano dans des oeuvres de Mozart pour piano seul ou avec orchestre, on ne doit pas être un fanatique de l’interprétation historiquement informée pour rêver d’entendre -par rapport à un violon dont les modifications depuis l’époque classique ont été bien moindres que celles du piano de concert moderne devenu une véritable machine infiniment plus puissante que le clavecin prévu pour les deux premières sonates ou le pianoforte que demande la K. 526- un clavier dont les basses seraient moins lourdes et ronflantes (elles grommellent véritablement par moments). En dépit des aigus cristallins de l’instrument utilisé, on se prend à se demander ce qu’aurait donné un beau Pleyel ou un Erard du début du XXe siècle, un piano certes déjà moderne mais aux aigus transparents et légèrement percussifs et, surtout, aux basses infiniment plus légères et transparentes que ce qu’on entend ici. Ces remarques n’enlèvent bien sûr rien aux mérites des interprètes qui nous donnent de l’Allegro une version passionnante, ferme et dramatique. Le deuxième et dernier mouvement est un Thème et variations où le lyrisme aisé et sincère des interprètes convainc sans peine. Rien n’est jamais sentimental ni apprêté dans le Mozart intelligent et sensible qu’elles nous offrent avec tant de talent. 

Les mêmes remarques valent pour la grande Sonate en la majeur, K. 526 où on apprécie aussi bien la façon qu’ont les interprètes d’irrésistiblement propulser la musique vers l’avant dans les mouvements rapides que le subtil parfum de pudique nostalgie que le duo trouve dans l’Andante.

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10- Interprétation 9

Patrice Lieberman

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.