Martin Helmchen clôt une vivifiante intégrale des concertos de Beethoven

par

Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour piano N° 3* ; Triple Concerto**. Martin Helmchen, piano – Antje Weithaas, violon** – Marie-Elisabeth Hecker, violoncelle** – Orchestre symphonique allemand de Berlin – Andrew Manze, direction*. 2019-2020. 70’02. Livret en allemand, en anglais et en français. 1 CD Alpha 642.

Ce troisième CD, après les 2e et 5e, puis les 1er et 4e, clôt l’intégrale des concertos pour piano de Beethoven par Martin Helmchen et l’Orchestre symphonique allemand de Berlin sous la direction d’Andrew Manze.

Le CD commence par le Troisième Concerto. Dans l’Allegro con brio, la direction d’Andrew Manze est volontiers vigoureuse, avec un petit côté chaloupé qui permet d’alléger le propos, tandis que Martin Helmchen donne l’impression d’être à l’affût des moments où la musique se fait plus intérieure. Il peut alors laisser s’épanouir sa délicatesse, qui, alliée à la vivacité de son toucher, va de l’avant sans s’épancher. Sous ses doigts, la cadence est à elle seule un mini drame de grande intensité. Et dans le Largo, il nous enchante de douceur tantôt fragile, tantôt dramatique, semblant découvrir en même temps que nous l’histoire que Beethoven raconte. Le Rondo s’enchaîne alors, nerveux et jubilatoire. Si l’orchestre est parfois à la limite de la dureté, le soliste reste toujours limpide, léger, et même rêveur à l’occasion.

Les deux œuvres de ce CD sonnent très différemment. Tout comme dans les deux volumes précédents, elles ont été enregistrées dans deux lieux berlinois différents : à la Philharmonie pour le Troisième Concerto, et au studio Teldex pour le Triple. Et puis, les effectifs orchestraux ne sont pas du tout les mêmes : alors qu’il y avait 48 instrumentistes à cordes pour le Troisième Concerto, ils ne sont plus que 27 dans le Triple. Et enfin, différence de taille : ce n’est plus Andrew Manze à la baguette. La pochette n’indiquant pas que ce soit l’un des solistes qui ait pris la relève, nous pouvons imaginer que l’orchestre soit dirigé par son premier violon. 

Cela fait donc des changements conséquents entre les deux concertos. Et en effet, l’orchestre sonne beaucoup moins agréablement dans le Triple que dans le Troisième, qui bénéficiait de la légendaire acoustique de la Philharmonie. Là, bien qu’allégé il semble plus compact, les timbres sont plus agressifs, moins bien définis. D’une manière générale, la prise de son est nettement en-deçà.

Mais la volonté d’alterner douceur et véhémence est toujours là, évidente dès le début de l’Allegro. Les mêmes solistes (qui ont enregistré pour le même label un Trio en mi bémol de Schubert qui avait frappé Aline Masset par « sa justesse et son équilibre ») avaient, dans ce même Triple Concerto de Beethoven, enchanté Carlo Schreiber lors d’un concert à Monte-Carlo : « Les musiciens varient les atmosphères et les couleurs et chantent tous les trois en une ample respiration. » Leur jeu est en effet d’une riche palette d’ambiances. Nous sommes même parfois à la limite de la surenchère, en particulier du côté de Marie-Elisabeth Hecker au violoncelle, qui réussit cependant à nous tenir continuellement en haleine. Antje Weithaas, au violon, est toujours aussi pétillante et fluide, au diapason avec Martin Helmchen ; leurs sonorités aérées se marient idéalement. Malheureusement, l’orchestre sonne décidément bien brutalement dans les tutti, ce qui rompt quelque peu le charme. Le Largo est superbe instrumentalement, d’une sensibilité à fleur de peau qui a la pudeur de ne jamais déborder. Quant au Rondo alla Pollaca, on sent les interprètes s’en donner à cœur joie ; ils réussissent à donner un relief constant, même dans les passages qui, il faut bien l’avouer, ne sont pas du plus grand Beethoven, et rivalisent de gaieté, d’entrain, toujours ludiques et élégants.

Son : 7 – Livret : 8 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9

Pierre Carrive

 

 

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