Musiques en Pistes : Shéhérazade op. 35 de Rimsky-Korsakov

par

Nikolaï Rimsky-Korsakov et les Ecoles Nationales

S'il n'est certainement pas de bon ton de parler aujourd'hui de "Nationalisme", c'est pourtant bien de cela qu'il s'est agi dans les milieux musicaux au milieu du XIXe siècle, ce grand siècle du romantisme tout au long duquel s'était affirmé le "Je" de l'artiste confrontant aujourd'hui sa création à lui-même et non plus au plaisir du prince ou de l'église.

Cet éveil de l'individualisme s'est étendu à la Nation dont on cherche à faire revivre le folklore. Et il n'est pas innocent que ce courant soit né et perpétué dans les pays où, jusque là, la musique était placée depuis plus de deux siècles sous le joug italo-franco-germanique. Ce que l'on appellera les "Ecoles Nationales" verront le jour en Russie avec Mikhaïl Glinka (1804-1857), "le père de la musique russe", suivi par le Groupe des Cinq - Alexandre Borodine [1833-1887], César Cui [1835-1918], Milij Balakirev [1837-1910], Modeste Moussorgski [1839-1881] et Nikolaï Rimski-Korsakov [1844-1908].
Cet esprit national, on le retrouvera en Bohème avec Bedrich Smetana [1824-1884] et Antonin Dvorak [1841-1904]; en Norvège avec Edvard Grieg [1843-1907]; en Finlande avec Jean Sibélius [1865-1957]; au Danemark avec Niels Gade [1817-1890]; en Espagne avec Isaac Albeniz [1860-1909], Enrique Granados [1867-1916] et Manuel de Falla [1876-1946]; en Hongrie, où le terrain avait été préparé par Franz Liszt [1811-1886], avec Zoltan Kodaly [1882-1967] et Bela Bartok [1881-1945] et, plus près de nous encore, en Angleterre avec Ralph Vaughan-Williams (1872-1958).
Un siècle entier au cours duquel des musiciens allaient chercher les sources de leur langage dans le terreau qui les faisait vivre.

Arrêtons-nous ici pour écouter Shéhérazade, une des œuvres majeures du brillant orchestrateur, du magicien de la couleur, que fut Nikolaï Rimski-Korsakov, officier de marine et musicien amateur, comme tous les membres du Groupe des Cinq qui s'était formé en 1856.

Quelques éléments-clés dans le parcours de Nikolaï Rimsky-Korsakov

Il est né près de Novgorod, dans l'axe Saint-Pétersbourg/Moscou, plus près de Saint-Pétersbourg dont nous connaissons l'importance culturelle, le 18 mars 1844. C'est dans cette même région que naîtront Serge de Diaghilev en 1872 et Serge Rachmaninov en 1873. Il est mort près de Saint-Pétersbourg, où il s'était fixé depuis 1865, le 21 juin 1908. Sa Première Symphonie, première œuvre de cette forme de la main d'un compositeur russe, fut créée le 31 décembre 1865. En 1871, il est nommé professeur de composition et d'orchestration au Conservatoire de Saint-Pétersbourg et, deux années plus tard, il abandonne sa carrière navale où il était officier de marine pour se lancer dans la défense de la musique de son pays. En 1889, il dirige deux concerts de musique russe à l'Exposition Universelle de Paris et un autre à Bruxelles l'année suivante. En 1907, il revient à Paris pour diriger deux concerts russes organisés par Serge de Diaghilev et qui resteront historiques. Attentif à la création de ses amis compositeurs du Groupe des Cinq, il en révise de nombreuses œuvres -dont le célèbre Boris Godounov de Moussorgski- et contribue à la publication de nombre de celles-ci. Il publiera un célèbre Traité d'orchestration dans lequel il reprend uniquement ses propres exemples et un Traité d'harmonie pratique à Saint-Pétersbourg, en 1884. Il s'adonnera aux divers genres musicaux avec des opéras, trois Symphonies, de la musique de chambre, des oeuvres vocales avec orchestre, des chœurs a capella et des pièces pour piano.

Shéhérazade, Suite symphonique opus 35

Shéhérazade est une belle et sage princesse persane, fille d'un vizir, qui parvint à distraire le roi Shahriyar en lui faisant le récit de toute la série des contes anonymes arabes connus sous les titre des Mille et une Nuits. Voulant mettre fin à la sanglante coutume que le roi avait instaurée, suite à la conviction de l'infidélité de son épouse, de faire mourir chaque matin la femme avec laquelle il avait passé la nuit, Shahrazàd s'offrit volontairement à partager la couche royale. Grâce à son talent de conteuse, elle parvint à tenir le roi en haleine jusqu'à la nuit suivante, et cela dura Mille et une Nuits. Finalement très attaché à Shéhérazade qui, entretemps lui avait donné trois fils, le roi se départit de sa cruauté et la nomma reine. Quelques lignes seulement sont consacrées à Shéhérazade dans le prologue des Mille et une Nuits; son nom revient ensuite, de manière monotone et fugitive, au début et à la fin de chaque nuit, en guise d'interruption et de reprise du récit. Depuis, Shéhérazade est devenue le symbole de l'Orient musulman, fantastique et voluptueux, tel que se l'est imaginé l'Europe moderne après la lecture du célèbre recueil dont on retrouve les traces dès le IXe siècle et qui fut traduit pour la première fois en français par Antoine Galland (1646-1715); sans doute était-il parvenu jusqu'à nous lors des Croisades.

L'Orient, qui constituait une grande part de sa patrie, avait déjà inspiré Rimski Korsakov dans sa deuxième symphonie, Antar, suite symphonique op. 9 en 1868 mais aussi Balakirev avec Islamey et Glinka déjà dans son opéra Russlan et Ludmilla seize années plus tôt, mais c'est au sujet de Shéhérazade qu'André Lischke parle du "plus important monument oriental de toute la musique du XIXe siècle". Composée entre février et juillet 1888, la Suite symphonique Shéhérazade fut créée à Saint Pétersbourg l'année suivante. D'inspiration libre, l'œuvre évoque divers épisodes des Contes des Mille et une Nuits et, ne tenant pas à donner aux différents mouvements de la Suite un programme trop précis, le compositeur enleva les sous-titres qu'il leur avait primitivement donnés pour ne garder que les indications de mouvement et il inséra simplement une notice dans la partition pour en donner le climat général: outre l'histoire de Shéhérazade et du Sultan reprise en quelques lignes, il ajoute "Bien des merveilles furent racontées à Schahriar par la sultane Shéhérazade. Pour ses récits, la sultane empruntait, aux poètes leurs vers, aux chansons populaires leurs paroles, et elle intercalait les récits et les aventures les uns dans les autres". Dans l'Histoire de sa vie, le compositeur insiste pour nous dire qu'il n'utilise pas ses thèmes récurrents comme des "leitmotives"* mais qu'ils constituent des matériaux musicaux, des motifs de développement symphonique; ils interviennent dans des situations différentes, dans des tableaux différents, comme dans les Contes des Mille et une Nuits où les histoires sont intriquées les unes dans les autres. Toujours dans "Histoire de ma vie", Rimski écrit: "Le Caprice espagnol, Shéhérazade et l'Ouverture dominicale terminent la période de mon activité à la fin de laquelle mon orchestration a atteint un degré sensible de virtuosité et de sonorité, en dehors de l'influence wagnérienne et limitée à la composition d'un orchestre ordinaire de Glinka".

Pour garder quelques points de repère, nous garderons ici les sous-titres primitivement donnés par Rimski-Korsakov.

Année de composition : 1888.

Constitution de l'orchestre : 3 flûtes (dont piccolo), 2 hautbois (dont cor anglais), 2 clarinettes, 2 bassons ; 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, 1 tuba ; timbales et batterie (dont caisse claire, grosse caisse et tambour de basque) ; harpe ; les cordes.

Version d'écoute : New York Philharmonic Orchestra, dir.: Leonard Bernstein 1959 (Sony 47 805)

1. LA MER ET LE BATEAU DE SINDBAD

Forme d'ensemble : A - TRANSITION - A'

Largo e maestoso, double-forte, mi mineur et pesante, Shéhérazade s'ouvre par un thème de quatre mesures, celui du Sultan (A)
A. 

qui se clôt, fait inhabituel sur une seconde augmentée*, indiquant déjà que nous naviguons ailleurs que dans notre Occident. Grandes pauses avant que n'entrent à [0'16'' - Mes. 8] un accord des flûtes, clarinettes et bassons auxquels vient se joindre le cor [0'45" - Mes.14].
En solo, le violon entonne le fameux thème de Shéhérazade (B), très inspiré de Thamar, poème symphonique de Balakirev (1867 - 1882)
B. 

de couleur toute orientale, espressivo, se tortillonnant en triolets* de doubles croches sur un arpège* de harpe.

Ces deux thèmes uniront tous les mouvements et serviront de matrice à d'autres thèmes.

[1'27" - Mes. 20] Signe d'ouverture, nous passons dans le mode majeur (mi majeur). Le tableau s'ouvre sur le balancement de la mer. Un motif, dérivé de celui du Sultan (C)
C. 

sur de larges arpèges des cordes graves qui ne nous quitteront pas tout le temps du morceau.

A partir de [1'42'' - Mes. 25], ce motif se jouent en progression mélodique* (montée ici par tons), le motif se resserre et s'élargit à nouveau, et on poursuit gentiment le balancement sur les flots, le motif se resserre et s'élargit encore car ils ne sont pas encore déchaînés mais point immobiles.

[3'33" - Mes. 70], "Tranquillo", montée d'accords des clarinettes (D)
D. 

qui les portent aux flûtes; le balancement des cordes graves s'est interrompu le temps de quatre mesures.

[3'49" - Mes. 83], Un dialogue s'installe entre le cor sur la tête du motif du Sultan et les divers bois qui lui répondent sur un doux motif mélodique (E)
E. 

à la flûte solo suivie du hautbois et de la clarinette ensuite.enfin.

[4'32" - Mes. 94] retour du thème de Shéhérazade auquel répond la clarinette sur la petite formule de la fin de ce thème
F.

qui va dès lors prendre de l'ampleur et se développer dans la pièce.

[4'52" - Mes. 102] le motif évoqué, légèrement modifié (F')

 

se développe en figurations* par l'ensemble des bois et affiche nettement son lien avec le thème de Shéhérazade par sa rythmique en triolets de doubles croches tandis que le balancement de la mer ne nous a toujours pas quittés.

Ces figurations et cet amas de notes annoncent la tempête subite qui éclate à [5'19'' - Mes. 114] lorsque les trombones et le tuba entonnent la tête du motif du Sultan A en valeurs accélérées et en progression mélodique, procédé propre à cette pièce.

Les différents motifs se superposent : le motif C repart aux cordes, les figurations F aux flûtes dont la piccolo qui se détache de l'ensemble des bois et les trompettes entrent en forte avec la tête du motif du Sultan en progression mélodique; le balancement de la mer ne nous a toujours pas quittés.

[6'43" - Mes. 149] TRANSITION entre les deux parties de la pièce (A – A') avec le retour de la montée des accords D, aux violons cette fois.

[7'00" - Mes. 155] Comme c'était le cas avec le cor à 3'49 - Mes. 83, le dialogue s'engage sur les mêmes motifs que tout à l'heure (la tête du motif du Sultan (A) et E) mais, cette fois, entre le violoncelle et les bois: clarinette solo d'abord, puis les hautbois et ensuite les flûtes.

Ce dialogue nous amène, à [7'44" - Mes. 173], au retour du Thème de Shéhérazade (B) auquel répond la tête du motif des figurations (F) qui se développe ensuite à partir de [8'03'' - Mes. 181] avec une descente chromatique* en forte aux trompettes et trombones à nouveau selon le procédé de la progression mélodique montante par ton, ces mêmes instruments reprenant le motif de la tête du thème du Sultan à [8'29" - Mes. 193] qui se superposera aux figurations F.

[9'04" - Mes. 206] Apaisement. Le Thème du Sultan (A), adouci et en formule conclusive, est chanté, dolce, à la flûte solo, au hautbois et aux violons.

[10'10'' - Mes. 226] Conclusion sur les montées d'accords (D) dans la nuance piano avec six seconds violons* solos auxquels répondent les six premiers violons et les flûtes pianissimo.

Le balancement de la mer ne nous a pratiquement pas quittés. Ses larges arpèges sont maintenant mises à nu avant de conclure sur des pizzicati, des points d'orgues et des silences durant trois mesures.

2. LE RECIT DU PRINCE KALENDER

Lento, le second volet de Shéhérazade débute par son thème (B) au violon solo et son accompagnement arpégé de harpe.

[0'38" - Mes. 5] Andantino* auquel Rimski Korsakov ajoute Capriccioso, quasi recitando. Le basson développe le thème G

G.

issu de celui de Shéhérazade, mais sous un autre visage: il est plus rythmé, moins sophistiqué, plus joyeux et prend des allures de thème populaire, sur une pédale tenue* des contrebasses.

A [1'19" - mes. 26], le thème G est repris au hautbois solo sur des accords arpégés de la harpe; sur sa fin, le thème annonce par ses triolets ce qui deviendra le thème H avec ses triolets tournoyants d'allure orientalisante.
H.

L'amorce annoncée à la fin du thème se précise ici, en forte et accelerando, aux violons secondés par les violoncelles avant que le thème G soit joué en accords par l'ensemble des bois avec des roulements de timbales.

[2'54" - Mes. 85] l'alternance G et H commence, d'abord aux violoncelles auxquels répond le hautbois solo et puis au cor. Et, subitement, arrive en pizzicato aux violoncelles et contrebasses, le rendant inquiétant, le Thème du Sultan avec, en contrepoint, le motif H.

[3'20" - Mes. 96] Brusque changement d'atmosphère: changement de mesure, de tonalité, annonce de l'appel du trombone solo (I)
I.

aux cordes basses et basson.

[3'37" - Mes. 104] con forza au trombone, à la trompette ensuite.

Cet appel alterne avec le thème "du Sultan" en triolets et forte risoluto; la partie s'engage entre trombones et trompettes avec multiplication des appels sur des battues de triolets aux cordes et aux vents préparant un épisode guerrier, tumulte qui se répand à tout l'orchestre sur un mode de fanfare.

[4'56" - Mes. 162] Moderato assai. Une longue phrase ad libitum, comme improvisée, issue de H est jouée à la clarinette sur des répétitions obstinées de doubles croches en pizzicato aux cordes. Cette phrase est interrompue à [5'28" - Mes. 165] par l'appel de la trompette.

Cet appel est happé par les flûtes dont la piccolo qui annonce le Vivace scherzando à [5'34" - Mes. 173]: un bref épisode pp qui n'est pas sans évoquer le Scherzo du Songe d'une Nuit d'Eté de Mendelssohn (1826) [5'38'' - Mes. 185]; des traits rapides de flûtes et puis les flûtes piccolos en tierces ponctuées par de petits coups de triangle, même trait rapide à la clarinette évoquant le passage de l'Oiseau Roch, cet oiseau gigantesque à la force colossale de la mythologie persane que l'on retrouve dans les Contes de Mille et une Nuit.

Les violoncelles en pizzicato* jouent la tête du motif du Sultan.

A [5'55" - Mes. 220], les cors battent le rappel, et puis les trompettes. La rythmique pointée de I est remplacée par des notes de même durée aux violoncelles, une astuce pour imposer maintenant l'appel qui se fait fanfare de marche à tout l'orchestre.

A [6'26'' - Mes. 264], elle sera menée par les bois en tierces, égaillées ensuite par les flûtes piccolos ponctuées des petits coups de triangles; la marche continue bon train et les trombones perdent ici leur accent d'appel inquiétant pour se joindre à la bande jusqu'à

[7'07'' - Mes. 322]. Recitativo. Les bois annoncent du neuf. Ce sera la reprise de la phrase issue de H ad libitum (cfr. 4'56'')  sur répétition obstinée de doubles croches aux cordes (cfr. 4'56") au basson, issu du thème G sorti tout droit du Thème de Shéhérazade (B).

[8'02" - Mes. 329] Motif en triolets toujours (comme le thème de Shéhérazade, les thèmes G et H) au hautbois solo, suivi de la flûte, de la clarinette, du basson et puis des cordes accompagnées des clarinettes.

[8'45'' - Mes. 373] Reprise du début (thème G).

[9'13" - Mes. 392] Le motif H est repris en accords aux cordes et aux hautbois en staccato*.

[9'27'' - Mes. 406] La fin (coda*) débute sur le motif G, les violons mettent leur sourdine* pour évoquer le motif H. Aux cors est écrit morendo (en se mourant). La harpe, si précieuse dans cette évocation de l'Orient adopte un autre accord et déploie ses arpèges à [9'43" - Mes. 416].

[10'12'' - Mes. 424] Les divers motifs sont désormais évoqués en souvenir, dolce à la flûte solo sur tremolo des cordes. Le cor évoque H, les violons le thème G qui sera repris par le violoncelle solo.

[11'20'' - Mes. 449] On part maintenant en accélérant jusqu'à la fin et le Thème du Sultan ne se fait pas oublier lorsqu'il est entonné "arco"* par les violoncelles et contrebasses [10'45"], doublés ensuite par les tubas.

Accord final par tout l'orchestre (en si mineur) avec les violons en tutti pour le motif H qui tient à clôturer la pièce.

3. LE JEUNE PRINCE ET LA PRINCESSE

Andantino quasi allegretto
Le troisième mouvement de la Suite Shéhérazade est dominé par deux thèmes emplis de charme :

celui du Prince qui débute le mouvement.
K.

celui de la Princesse qui apparaîtra à la clarinette solo à 3'47 -Mes. 71
L.

Mesure 6/8 tout au long de la pièce, lui donnant ce doux balancement de Sicilienne*, thèmes orientalisants par leur caractère modal* et l'arrivée des petites percussions (timbales, triangle, tambourin, tambour et cymbales) qui accompagnent le thème de la Princesse.

Ce mouvement commence donc par le Thème du Prince, en sol majeur, exposé par le violon, dans lequel viendront s'entrelarder des mélismes* en fusées, à la clarinette solo [1'09" - Mes. 21], à la flûte [2'30" - Mes. 45], aux violons [2'46" - Mes. 50], aux deux clarinette et deux flûtes enfin [3'06'' - Mes. 64] sur balancement du rythme noire-croche-noire-croche en 6/8, ce balancement de la mer qui visitait toute la première partie de Shéhérazade.

Mais écoutons combien l'orchestration de Rimski Korsakov joue sur les couleurs: au début, le thème est joué aux violons avec indications "sur la corde de ré" ensuite "sur la corde de sol", soit la corde grave de l'instrument, ce qui donne une couleur particulière au timbre de l'instrument. A [1'20" - Mes. 24], nouveau jeu de timbres avec le thème joué aux violoncelles et aux deux hautbois et, ensuite, aux violoncelles et au cor anglais avec son timbre nasillard.

A [3'43" - Mes. 69], changement d'atmosphère, changement de couleur, changement de tonalité (on passe en si bémol majeur); les petites percussions font leur entrée pour accueillir le Thème de la Princesse (L). "Pochissimo più mosso", ppp grazioso note Rimski. Le rythme est le même que celui du Thème du prince mais travaillé autrement, il prend une tout autre allure: enjouée, dynamique, orientale par les tambourins jouant en pianissimo et puis, bientôt rejoint par les timbales, le triangle et tambour de basque.

[4'22" - Mes. 87], à nouveau changement de couleur, le Thème de la Princesse (L) passe en mode mineur (fa mineur).

[4'56" - Mes. 103], comme une pause: le thème s'arrête un court moment, à deux reprises sur un sforzando*
M.

avant que ne reparte la ronde [5'08" - Mes. 106] menée par les clarinettes à intervalle d'octave et la flûte piccolo. Reprise de la formule de pause M à [5'42" - Mes. 122].

[5'53" - Mes. 127] Voici revenir le Prince (K) accompagné de son rythme de balancement (noire-croche-noire-croche) suivi des fusées aux violons seuls cette fois.
[6'34'' - Mes. 138], le hautbois, solo et a piacere* déploie une descente en triolets de doubles croches, rythme qui annonce l'arrivée du thème de Shéhérazade (B) du premier tableau [6'49" - Mes. 142] et les arpèges de harpes, motif comme improvisé du violon repris au 2e tableau [7'17" - Mes. 145].

[7'29" - Mes. 146] reprise de la partie conclusive du thème du Prince (K) aux hautbois auxquels répond le cor anglais, sur de larges arpèges du violon qui se chante "cantabile con forza" à [7'01"] et conclut dans la nuance forte à tout l'orchestre.

A la harpe maintenant de déployer ses larges arpèges en glissando [8'39" - Mes. 162].

[8'49" - Mes. 165]: au cor, thème du Prince (K) légèrement varié.

[9'26" - Mes. 173]: retour du thème de la Princesse (L) pochissimo più animato. Celui-ci s'amplifie sur des progressions mélodiques ascendantes et descendantes de la tête du thème. Et la pièce s'éteint sur des triolets de doubles croches, le balancement (noire-croche-noire-croche) et des pizzicati enluminés par les petites percussions.

4. LA FÊTE A BAGDAD - LA MER - NAUFRAGE DU BATEAU SUR LES ROCHERS

Allegro molto
Allegro molto, fortissimo, le Thème du Sultan [A] ouvre le quatrième mouvement, suivi de celui de Shéhérazade [B] [0'10" - Mes. 8] en périlleux accords pour le violon solo et son accompagnement arpégé de la harpe [0'29'' - Mes. 9]

[0'33" - Mes. 10] allegro molto et frenetico, le Thème du Sultan [A] revient et se poursuit en progressions mélodiques descendantes sur ses deux dernières notes et puis des tremolos* des bois.

[0'49'' - Mes. 29] tout se tait à nouveau pour entendre le chant de Shéhérazade [B], en accords, "con forza".

[1'05" - Mes. 30] Vivo. La fête commence sur une rythmique rapide et tournoyante animée par tout l'orchestre qui va aller crescendo pendant plus de six minutes pour atteindre la transe collective, celle des derviches tourneurs.

[1'09" - Mes. 38] se détache à la flûte le thème principal, tournoyant, de ce mouvement [N]
N.

[1'30" - Mes. 70] la rythmique de croche-double-croche sera monnayée* en triolets de doubles croches en forte à l'ensemble des violons, tandis que les bois poursuivent le thème avec son rythme initial.

[1'39" - Mes. 85] les trompettes et les cors se joignent à la bande avec des lancées appuyant le rythme incessant et inducteur de la transe.

[1'50" - Mes. 106] un nouveau motif, P, fait son entrée aux violons, un poco pesante.
P.

[2'01" - Mes. 118] le mouvement tournoyant reprend de plus belle.

[2'15" - Mes. 141] Thème de la Princesse [L] aux flûtes et aux clarinettes tandis que les tambourins continuent à poursuivent la rythmique lancinante.

[2'27" - Mes. 157] ce Thème de la Princesse [L] est repris aux violons, à la flûte piccolo, aux flûtes et au hautbois.

[2'39" - Mes. 174] le mouvement tournoyant reprend encore de plus belle, aux premiers violons puis à la clarinette solo ponctué par des pizzicati des violons, et puis, entrée des trompettes, trombones, tuba sur la tête de P.
O.

 ponctué par des coups de cymbales, forte. L'orchestre est déchaîné. La tempête bat son plein.

[3'45" - Mes. 274] retour du Thème du Sultan [A], con forza, au cor et en sa version monnayée en triolets de doubles croches aux violons.

[4'04" - Mes. 302] un motif secondaire, tournoyant lui aussi aux flûtes et aux violons, sur la corde grave de sol, le motif O.

[4'15" - Mes. 318] surgit le motif I du 2e tableau aux trompettes suivies du cor solo. Les tambourins poursuivent la rythmique incessante.

[4'24" Mes. 334], retour de N qui, peu après va être travaillé en progression mélodique. Grand renfort des percussions. Les cors et trompettes en forte poursuivent la rythmique.

[5'06" - Mes. 399] retour de un poco pesante par les violons.

[5'29" - Mes. 435], retour en dolce du Thème de la Princesse [L] aux flûtes qui passeront la main aux violoncelles et aux clarinettes avec, à partir de [5'48" - Mes. 459], une descente chromatique sur l'extrême aigu des violons. Le mouvement tournoyant se combine ensuite à des pizzicati de violons et au mouvement de balancement qui avait occupé tout le premier mouvement.

[6'14" - Mes. 496], più stretto (plus serré) sur le motif N aux violoncelles et contrebasses.

[6'39" - Mes. 540] le motif principal de ce quatrième mouvement, N, sera joué "spiritoso" à l'aide de tout l'orchestre.

[6'58" - Mes. 568] appel rythmique des trompettes à grand renfort de percussions très actives durant tout ce tableau.

C'est la fête qui aura occupé la plus grande partie de ce mouvement et c'est seulement après un déferlement de tout l'orchestre que Rimski-Korsakov nous fera arriver à la mer, en double forte, et son balancement [7'06 - Mes. 587], pour tout de suite faire entendre aux trombones et tubas le Thème du Sultan [A] [7'10 - Mes. 588], maestoso, annonçant de mauvais présages. Le naufrage approche.

[7'19" - Mes. 591], motif F aux bois aigus sur des glissandi de harpe et puis, à [7'47" - Mes. 599], le Thème du Sultan [A] aux trompettes sera contrepointé par des montées chromatiques des flûtes et des clarinettes, tel le sifflement du vent dans cette mer infernale.

[8'46" - Mes. 625] grand coup de gong (tam-tam) sur le motif I aux clarinette et aux trompettes. Le bateau s'est échoué.

Restent les souvenirs.

[8'50" - Mes. 623] Deux longs accords immobiles aux flûtes, clarinettes et bassons sur des sons harmoniques* de la harpe. Le temps s'est immobilisé.

Le balancement de la mer peut ensuite se poursuivre; le Thème du Sultan [A] revient, revisité, dolce, poco più tranquillo.

[9'28'' - Mes. 635], réminiscence du motif D du premier mouvement.

[9'52" - Mes. 641], réminiscence du Thème de Shéhérazade [B] qui aboutit sur l'extrême aigu du violon tandis qu'enchaîne, à [10'45'' - Mes. 642], le Thème du Sultan [A], pianissimo, en valeurs lentes, aux cordes graves, les violoncelles et les contrebasses.

[11'32" - Mes. 655] accords immobiles des bois sur le son harmonique mi, la fondamentale de la tonalité de mi majeur sur laquelle se termine Shéhérazade.

[11'50" - Mes. 660] le Thème de Shéhérazade [A] revient une dernière fois avec son accompagnement de harpe pour s'éteindre dans l'extrême aigu du violon.

Après Shéhérazade, le Caprice espagnol et la Grande Pâque russe datant de ces mêmes années 1887-1888, Rimsky Korsakov se consacrera à l'Opéra. De ses douze opéras, de Mlada (1892) au Coq d'Or (1909), Kitège (1907) est peut-être le plus abouti dans sa dimension mystique, fondamentalement russe, et sa force dramatique. Si cette dernière n'est pas le point fort des opéras du compositeur, ils nous touchent cependant par leur féérie chatoyante, leur jeu de marionnettes fantastiques, la magie d'un monde irréel qui infiltre le réel. Un style qui se transmettra à deux générations de compositeurs russes, de Liadov (1855-1914) et Glazounov (1865-1936) à Stravinski (1882-1971) et Prokofiev (1891-1953) qui, tous, furent ses élèves.

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