Partitions de Jadin et Sacre chez Symétrie

par

Hyacinthe Jadin,  Concerto pour piano et orchestre nº 2 en Ré mineur. Éditions Symétrie, 2020. ISMN 979-0-2318-0365-5

Hyacinthe Jadin (1769 - 1802) fut l'un des premiers professeurs de piano à l'Institut National de Musique devenu Conservatoire de Paris en 1795, peu après la révolution. Son père, Jean B. fut musicien à la Cour des Habsbourg à Bruxelles et ensuite à Versailles. Son frère, Louis Emmanuel, fit aussi une carrière de pianiste et de compositeur comparable au moins à celle de Hyacinthe, talent précoce qui disparut bien trop jeune. Mozart écrivit ses Concerti entre 1767 et 1791. Jadin présente celui-ci en 1797, mais l'on remarquera la sagesse de l'instrumentation : les cordes seules accompagnent le clavier et ce n'est qu'exceptionnellement qu'un basson soutient une longue pédale, les interventions de l'octuor à vent classique se réduisant aux tutti. Ce qui tend à prouver que les pianoforte Stein dont disposait Mozart devaient produire une sonorité plus riche et chantante que les premiers Erard dont Jadin disposait probablement à Paris, car son orchestration est beaucoup plus élaborée et ne craint pas les tutti avec piano. Lors de la création du premier concerto, les journaux de l’époque remarquaient déjà le peu de sonorité de l'instrument utilisé... sans mentionner son facteur. L'on sent aussi le Jadin virtuose à l'étroit dans les cinq octaves du registre que les facteurs étendront quelques années plus tard. Car de la virtuosité, il y en a à revendre : le rondo final est truffé de tous les feux d'artifice que les nouveaux pianofortes permettaient, exploitant à souhait les registres extrêmes et la vélocité d'exécution, sur des motifs dansants du plus bel effet. Le mouvement initial, de forme sonate, bien construit et très personnel, n'est cependant pas aussi inspiré que l'Adagio, dont le cantabile et les cadences créent une atmosphère intime et tendre, fruit d'une envolée admirable où l'on peut ressentir la source de ce qui deviendra peu après la musique romantique.

Les éditions Symétrie proposent ici tout le matériel d'exécution, les parties séparées, la partie de piano et conducteur avec leur panache et leur précision habituels. Une excellente initiative qui permettra de revitaliser une musique que les bouleversements de la période révolutionnaire et l'éclosion romantique ultérieure ont vouée à un injuste oubli. En guise de préface à la partition, un article biographique très pertinent et complet est signé par Jérôme Dorival et traduit aussi en anglais.

Guy Sacre, Huit Petits Poèmes de Max Jacob. Pour Chant et Piano. Éditions Symétrie, 2020. ISMN 979-0-2318-0788-2

Guy Sacre est un auteur prolifique… de littérature sur la Musique. Son ouvrage fondamental sur le répertoire pianistique est une référence absolue par la pertinence de ses avis sur les plus de 4.000 oeuvres citées, dont on sait qu'il les a lues à peu près intégralement. L’ouvrage équivalent, en allemand, de Peter Hollfelder est sans doute plus étendu, mais il se borne à des courtes biographies et à signaler les pièces les plus remarquables d'innombrables compositeurs... en ignorant précisément Guy Sacre. Car l’homme compositeur est bien moins connu que ses programmes pour la Radio Suisse Romande.

Le critique amateur d'étiquettes se verra contraint à l'abandon : aucune case ne correspond à son esthétique si personnelle, si originale non par la créativité du style mais bien par son efficacité. Le piano sonne admirablement, la recherche d'effets sonores n'obéit pas à un besoin de jalonner une quelconque singularité tout en y parvenant. Oui, il y a là des bribes de polytonalité ou de la « nouvelle » consonance. Et la candeur de telle mélodie ou certains zestes d'humour rappelleraient Poulenc, tel contrepoint Hindemith... tout étant si peu prétentieux que le résultat en devient plaisant.
La mise en musique des textes de ces Huit Petits Poèmes de Max Jacob, écrits en 1979 dans la suite de ceux consacrés à Cocteau, Verlaine, Apollinaire et autres, va aussi dans ce sens : c'est simple, ça met en valeur les paroles sans heurts ni fanfares, et c'est facile à chanter (enfin, relativement...). Et la délicieuse ambiguïté des poèmes jaillit comme une source de fraîcheur. 

Le travail de l'éditeur lyonnais « Symétrie » est remarquable : un catalogue riche de découvertes, dont, par exemple, des œuvres trop longtemps oubliés de Massenet. Il met un point d'honneur à bien faire les choses : présentation, détails, qualité du papier et de la mise en page contribuent à rendre précieuses des œuvres auxquelles on ne prêterait peut-être qu'une attention distraite. Ce qui serait trop dommage !

Xavier Rivera

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