Pierre Cao, une carrière musicale

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Le chef d'orchestre luxembourgeois Pierre Cao est lauréat d'un Special Achievement Award décerné par le jury  des International Classical Music Awards 2022. Guy Engels (radio 100,7/Luxembourg, membre du jury) a eu l'occasion de s'entretenir avec ce musicien qui est l’un des chefs de choeurs les plus importants de notre époque. 

Pierre Cao, vous êtes venu à la musique relativement tard, après avoir pris une autre voie professionnelle.

Je n'ai jamais été destiné à être musicien professionnel. Après avoir terminé mon cycle scolaire, j'ai travaillé dans une usine de machines à laver. Ce n'est que lorsque j'ai passé un long séjour dans un sanatorium en Suisse pour des raisons de santé que j'ai décidé de faire de la musique. Mes parents étaient d'accord, même si ce n'était pas facile pour eux car ils n'avaient pas les moyens financiers.

J'ai aussi eu du mal à m'adapter à ce nouveau monde pendant longtemps. Je manquais des bases d'études classiques et j'évoluais dans des cercles qui n'étaient pas mon univers. J'en ai beaucoup souffert. En tant que jeune chef d'orchestre, j'évitais autant que possible les rendez-vous officiels. Je me suis vite rendu compte que c'était le fonctionnaire plutôt que la personne qui était invité. Ce n'est que bien plus tard que j'ai vu cela plus calmement et que j'ai pu l'accepter.

Vous êtes ensuite devenu très tôt chef d'orchestre avec l'ancien orchestre symphonique de RTL - aujourd'hui l'Orchestre Philharmonique du Luxembourg.

En effet, mais je me suis vite rendu compte que ce poste n'était pas pour moi. Je manquais de répertoire et d'expérience. Pourtant, les conditions de travail étaient idéales. J'avais obtenu un contrat à vie, ce qui me mettait au même niveau qu'Herbert von Karajan. Cependant, je ne me sentais pas à l'aise dans ce qui se passait. Et comme j'ai toujours été honnête avec moi-même, j'ai décidé de démissionner en 1976. C'était la bonne décision. Il m'a ensuite fallu beaucoup de temps pour revenir à la direction d'orchestre. J'ai certainement commis de nombreuses erreurs dans ma carrière musicale, mais au final, j'ai aussi eu beaucoup de chance.

Vous dites que vous n'étiez pas vraiment prêt en tant que chef d'orchestre à l'époque. Quand avez-vous considéré être prêt à être chef d'orchestre ?

En fait, jamais. Dieu merci, à un moment donné, les affiches annonçant le concert sont imprimées, puis vous n'avez plus qu'à finir de répéter.

Plus tard, j'ai toujours conseillé à mes étudiants en cours de direction d'orchestre de ne choisir que le répertoire pour lequel ils se sentaient prêts et d'avancer pas à pas.

Pierre Cao est plus connu comme chef de chœur que comme chef d'orchestre. D'où vous est venue cette passion pour le chant choral ?

J'étais membre de la société chorale ouvrière de ma ville natale de Dudelange et j'ai ensuite dirigé des chœurs à maintes reprises, même si j'ai obtenu un diplôme de direction d'orchestre à Bruxelles.

J'aime tout simplement faire chanter les gens. J'ai dirigé d'énormes chœurs -par exemple un Carmina Burana avec 600 chanteurs à Barcelone.

Vous êtes le fondateur de chorales et d'institutions chorales telles que l'Institut Européen de Chant Choral.

Le projet initial qui m'a été proposé était un Centre polyphonique en Lorraine. Mais je voyais un tel institut pour la promotion du chant choral plutôt sur une large base européenne -une idée qui a rencontré un grand enthousiasme en France, a dû surmonter quelques obstacles au Luxembourg et a été accueillie plutôt avec prudence en Allemagne. Finalement, l'Institut Européen de Chant Choral (INECC) a été fondé en 1992.

J'avais déjà fondé l'Ensemble Vocal du Luxembourg en 1991. Le Luxembourg ne disposait pas d'un ensemble vocal professionnel. Avec cette initiative, je voulais combler cette lacune. Au début, le projet s'est très bien déroulé. Comme je dirigeais également la Psallette de Lorraine et le Chœur de Chambre de Namur à cette époque, nous avons même pu organiser des concerts communs.

Puis vint Arsys Bourgogne.

Arsys Bourgogne a été une aventure fantastique. Tout a commencé par un coup de téléphone de Bourgogne. On voulait créer un orchestre ou un chœur dans la région et on me demandait -pour une raison ou une autre- des conseils.

À un moment donné, j'ai acquis la conviction que ce projet pouvait être très intéressant, à deux conditions : je prendrais de bons chanteurs où je pourrais les trouver, c'est-à-dire pas exclusivement dans la région et la décision concernant le répertoire et les programmes devrait m'appartenir en propre.

C'est ainsi qu'a commencé Arsys Bourgogne, et beaucoup de choses sont devenues possibles parce que l'argent nécessaire était également disponible. Il en a été de même pour la création des Rencontres Musicales de Vézelay.

Dans ces années-là, j'ai souvent travaillé avec des ensembles spécialisés (Concerto Köln, entre autres) et j'ai moi-même beaucoup appris. Pendant mes études, je n'avais rien à voir avec la musique de la Renaissance ou du Baroque. J'ai dirigé ma première Passion selon saint Jean avec des instruments historiques à l'âge de 42 ans.

Pierre Cao a-t-il d'autres passions que la musique ?

 J'aime le football et je suis un grand fan de Pep Guardiola depuis que je suis professeur de direction chorale au Conservatoire catalan de musique de Barcelone.

Propos recueillis par Guy Engel

Crédits photographiques : DR

 

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