Première gravure mondiale  de trois concertos pour violon d’Andreas Romberg

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Andreas Romberg (1767-1821) : Concertos pour violon et orchestre n° 4 en do majeur ; n° 9 en la majeur et n° 12 en sol mineur. Chouchane Siranossian, violon ; Capriccio Barockorchester. 2018. Notice en allemand, en anglais et en français. 76.50. Alpha 452.

Au début du mois d’avril 2020, nous avions octroyé à Chouchane Siranossian un Joker absolu pour un autre disque Alpha, dédié à Tartini, qui nous avait tout à fait conquis. Aujourd’hui, si le miracle ne se répète pas en termes de valeur musicale des partitions, c’est à une intéressante découverte que la soliste d’origine arménienne vivant en Suisse nous invite, dans un répertoire inédit proposé en première gravure mondiale. Il s’agit de trois concertos pour violon parmi les vingt composés par Andreas Romberg, dont la plupart des partitions autographes sont conservées à la Bibliothèque municipale et universitaire de Hambourg.

Enfant prodige, Andreas Romberg, né près de Münster, est au service du prince local avec son cousin violoncelliste, Bernhard Heinrich Romberg, qui a le même âge que lui et lui survivra vingt ans. Les deux jeunes virtuoses partent en tournée avec leurs pères jusqu’à Paris avant d’être engagés en 1790 par le Prince Maximilien-François à la Cour de Bonn où ils font la connaissance de Beethoven qui y officie alors comme organiste. Les cousins doivent se réfugier à Hambourg trois ans plus tard suite à la guerre contre les révolutionnaires français. On les retrouve ensuite en Italie, en Autriche (rencontre à Vienne avec Haydn qui facilite l’accès aux meilleurs lieux) et même en Angleterre, puis dans la capitale française. Andreas Romberg ne trouve pas la réussite à Paris et décide de s’installer à nouveau à Hambourg où il va connaître le succès avec la création d’une cantate, Das Lied von der Glocke, sur un texte de Schiller. Suite à des difficultés financières, il aboutit à Gotha comme Maître de Chapelle de la Cour ; il meurt dans cette cité thuringienne. Son répertoire se compose d’opéras, de musique pour orchestre (dont dix symphonies) et de musique de chambre. Ses vingt concertos pour violon ont été composés entre 1784 et 1812.

Bien soutenue par le brillant Barockorchester, fondé en 1999 et emmené par son premier violon Dominik Kiefer, Chouchane Siranossian dessine toute la virtuosité et toute la finesse des partitions choisies avec chaleur, ivresse sonore et ductilité, dans une interprétation historiquement informée. La notice du CD précise que les concertos de Romberg ont été peu diffusés car il les conservait pour son propre usage et que, face à lui, commençait à se dresser une concurrence qui ne devait pas tarder à l’éclipser : Louis Spohr, bientôt Rodolphe Kreutzer ou Pierre Rode, Romberg passant alors au second plan. Sans doute faut-il voir dans cette désaffection le motif pour lequel le compositeur se concentra plus sur la musique vocale et chambriste au cours des dernières années de sa vie.

Les trois partitions du programme se révèlent des plus agréables à l’audition, mais on ne parlera pas ici de chefs-d’œuvre. Elles ne sont pas novatrices et s’inscrivent dans la ligne d’un classicisme de bon aloi, chaque fois dans une structure en trois mouvements. Elles témoignent de l’art de Romberg sur près d’une trentaine d’années, celui d’un habile ciseleur de sons, inscrit dans l’air de son temps. Dans le n° 4 qui date de 1786 (le créateur n’a pas encore vingt ans) et dans le n° 9 de 1795, on retrouve l’esprit des maîtres de l’époque, Mozart et Haydn, à travers le chant d’un violon agile, lumineux et inventif, avec une utilisation subtile de l’orchestre, agrémenté de belles nuances instrumentales qui démontrent le métier du compositeur. Quant au n° 12, composé en 1800, on pense à ce que fera bientôt Beethoven dont Romberg ne possède pas la puissance imaginative. Chouchane Siranossian arrive, par la finesse de son archet, à compenser les quelques chutes de tension d’inspiration que l’on ressent de temps à autre, en particulier dans les Allegros initiaux qui peuvent se révéler un peu bavards. Le charme agit cependant, grâce à l’élégance du geste, à la fraîcheur de l’expressivité et à une poésie discrète. Un disque non prioritaire, mais utile pour découvrir, dans les meilleures conditions possibles, un créateur qu’il serait malgré tout dommage de ne pas prendre en considération. L’image sonore est bien rendue dans cet enregistrement effectué en Suisse en avril 2018, dans le Radiostudio Zürich-Brunnenhof.  

Son : 9  Livret : 9  Répertoire : 7,5  Interprétation : 10

Jean Lacroix

 

 

 

 

 

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