Un Mahler Chamber Orchestra soyeux

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Dans le cadre de sa saison symphonique, le Service Culturel Migros accueille pour la première fois le Mahler Chamber Orchestra qui, en l’espace de trois soirs, se produit à Lucerne, Zürich et Genève. A lire le site web de l’ensemble, une formule surprend : « Si les musiciens sont pris dans la routine, rejouant inlassablement les mêmes notes, où est le cœur, la joie, l’excitation ? … Partant du silence, nous écoutons, interagissons, nous fondant dans un tout, dans une sonorité unique pour vous offrir un moment précieux ». Et c’est bien la première impression que produit ce programme Schumann – Beethoven dirigé par Daniele Gatti, le conseiller artistique de l’ensemble.
Pour ma part, n’appréciant guère ce chef lorsque, au théâtre, il dirige l’opéra italien, notamment Rossini et Verdi, je le trouve bien plus intéressant dans la musique allemande. Preuve en est donnée d’emblée par l’ouverture du seul ouvrage lyrique de Robert Schumann, ‘Genoveva’, op.81, présentée dans une sonorité chatoyante qui exploite les contrastes de climat sonore afin de donner libre cours à un allegro au caractère chevaleresque dont le lyrisme est magnifié par le dialogue entre la clarinette et les cordes.
Est proposée ensuite la Quatrième Symphonie en si bémol majeur op.60 de Beethoven dont l’introduction se pare d’étrangeté par la tenue des bois et le murmure neutre des cordes que zèbrent de brefs ‘sforzati’ ; l’Allegro vivace est ensuite buriné à la pointe sèche pour en ouvrir les phrasés. Sur le ‘portando’ des seconds violons, l’Adagio avance afin de laisser à la clarinette le temps d’exprimer sa mélancolie. Avec la volonté de laisser affleurer les demi-teintes, le Scherzo évite tout dynamisme tonitruant, tandis que le Finale laisse apparaître une effervescence racée grâce aux accents qui s’impriment sur chaque début de phrase. Et le concert s’achève par la Troisième Symphonie en mi bémol majeur op.97 dite ‘Rhénane’ de Robert Schumann. Avec une fière énergie, Daniele Gatti aborde le Vivace (Lebhaft) initial, quitte à sacrifier la précision du trait. Le Scherzo acquiert une fluidité notoire par le jeu des oppositions dynamiques, quand le ‘Nicht schnell’ ondoie sous une lumière tamisée qui laisse se profiler, malgré une attaque incertaine, un ‘Feierlich’ qui devient solennel comme l’une de ces gigantesques cathédrales bavaroises. Et le Finale se développe sur de chantantes envolées qu’irise sporadiquement le rubato avant de conclure sur une stretta tout aussi emportée qui déclenche les hourras du public.
Paul-André Demierre
Genève, Victoria Hall, le 25 janvier 2018

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