Vasks, guérisseur du désarroi universel ?

par
Vasks

Peteris VASKS
(°1946)
Da pacem, Domine-Mein Herr und mein Gott-Laudate Dominum-Prayer-The Fruit of Silence
Ilze REINE (orgue), Choeur de la radio lettone, Sinfonietta Riga, dir.: Sigvards KLAVA
2017-DDD-67'57-Textes de présentation en anglais-Ondine ODE 1302-2

Le Letton Pëteris Vasks fait partie de ces créateurs, souvent issus des pays nordiques ou slaves, qui ont su ou pu résister à l'avant-gardisme, que d'aucuns pourraient qualifier de forcené, qui a présidé à la musique en Europe occidentale depuis la fin du second conflit mondial. A l'instar d'un Rautavaara, d'un Pärt, d'un Schnittke, pour n'en citer que quelques-uns parmi les plus célèbres, Vasks s'est, sauf erreur, toujours prémuni de cette tentation de « la modernité pour la modernité ». Par contre, sa musique est tout entière empreinte d'une humanité poignante, pleine de compassion, mais aussi d'une spiritualité élevée qui semble se faire la conscience de notre époque et prendre à bras le corps toute la misère et les vicissitudes de notre monde à tant d'égards si sombre. Oserait-on dire que ces pages fournissent des repères qui nous font si cruellement défaut par ailleurs, perdus que nous sommes dans un « matérialisme virtuel » de plus en plus erratique et sans fondement? Ces partitions récentes (2011 à 2016) touchent au plus profond de notre être par leur sincérité et leur puissance évocatrice. Qu'on n'en déduise pas, pour autant, que leur langage est simpliste même si la complexité réelle de leur écriture, leur construction véritablement labyrinthique n'apparaissent guère à l'audition. Le compositeur n'a par ailleurs jamais caché le but qu'il poursuit dans son oeuvre, qu'il nomme sa mission: aborder les valeurs les plus hautes de la civilisation, la conscience, Dieu, la nature, l'éternité... Même si l'idiome qu'il utilise ne peut cacher ses origines d'Europe orientale, celui-ci est néanmoins universel. On pense souvent à la liturgie orthodoxe, mais une liturgie « étendue », presque naturaliste tant son talent rend perceptible sa communion avec la nature, les fondamentaux. Cette musique grave mais jamais sombre, intériorisée mais le plus souvent lumineuse est d'autant plus indispensable aujourd'hui que le mélomane est en manque de partitions nouvelles auxquelles il peut s'identifier sur le plan humain. Il est évident qu'un tel langage, dans les mains d'un musicien moins fervent, tomberait vite dans la mièvrerie. Il n'en est rien dans ce programme et je ne serais guère étonné qu'on considère, d'ici quelques décennies, Pëteris Vasks comme l'un des compositeurs majeurs du 21ème siècle, plus actuel, plus contemporain que ces si nombreuses individualités qui écrivent une musique originale, le cas échéant, mais si détachée du monde réel que le public, dans sa grande majorité, s'en est détourné sans retour. Le recours à l'orgue dans la troisième pièce, un Laudate Dominum, ne fait que renforcer la proximité spirituelle avec la figure de Jean-Sébastien Bach, à la fois si grand, si haut et si humain. Interprétation superlative, à la hauteur de l'événement.
Bernard Postiau

Son 10 - Livret  10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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