Mathieu Crickboom, 150 ans

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Le violoniste belge Mathieu Gérard Adelin Crickboom est né à Hodimont (Verviers) le 2 mars 1871. Ce 150e anniversaire nous donne l'occasion d'évoquer cette personnalité qui marqua son époque comme violoniste, compositeur, chef d'orchestre et pédagogue.

Mathieu Crickbooom apprend les premiers rudiments de la musique avec son père, ouvrier fileur et musicien amateur, membre de chorales. À neuf ans, il est inscrit à l’École de Musique de Verviers où il y apprend le solfège et le violon avec Louis Lelotte, Alphonse Voncken puis Louis Kéfer et le piano avec François Duysings. Il apprend vite et fréquente des élèves plus âgés pour de la lecture à vue et de la musique de chambre. C'est ainsi qu'il rencontre son futur professeur Antoine Grignard et l'altiste Servais Lempereur avec qui il déchiffre les partitions de Pleyel, Mazas, Viotti et Spohr et fait la connaissance de Guillaume Lekeu dont il devient l'ami.
A douze ans, il fait partie de la Société d'Harmonie de Verviers dirigée par Kéfer et 4ans plus tard, il remporte la médaille de vermeil pour le violon à l'école de musique de Verviers avec le Premier concerto d'Henri Vieuxtemps et le Concerto en sol de Max Bruch. En 1887, il entre en 1887 dans la classe d'Eugène Ysaÿe et se présente à un concours organisé par la Monnaie qui recrute des musiciens d'orchestre. Concluant : il est d'abord chef d'attaque des premiers violons avant d'obtenir le statut de soliste un an plus tard (il le restera jusqu'en 1890). En 1888, il est le premier élève d'Ysaÿe à recevoir un Premier Prix et devient rapidement répétiteur de la classe quand Ysaÿe est absent et apprend l'harmonie et la musique de chambre.

Les débuts avec le Quatuor Ysaÿe[modifier | modifier le code]

À partir de 1889, Mathieu Crickboom intègre le Quatuor Ysaÿe comme second violon. Il participera ainsi à la création belge du Quatuor de Franck (Bruxelles, 1891), du Quatuor op. 35 de d'Indy qui leur est dédié (Bruxelles, 1891), du Concert pour piano, violon et quatuor à cordes de Chausson (Bruxelles, 1892) et du Quatuor de Debussy (Paris, 1893). Au cours d'une tournée avec le Quatuor, il fait la connaissance d'Ernest Chausson, avec qui il se lie d'amitié et qui lui dédie en 1898 son Quatuor à cordes op. 35. Il deviendra aussi l'un des plus fervents défenseurs de l'œuvre de Lekeu.

De 1891 à 1893, durant les saisons d'été, Crickboom travaille comme violon solo dans l'Orchestre du Casino de Royan où l'accueille Chausson lors de ses séjour et y rencontre Renée Campo Casso, petite-fille de l'ancien directeur de La Monnaie Auguste Deloche, qu'il épousera peu après et avec laquelle il se produira en duo.
Mathieu Crickboom donne aussi cours à Bruxelles et à Anvers  et y fréquente les milieux artistiques. Il quitte le quatuor Ysaÿe en 1894, quand son propre ensemble, fondé en 1892 (initialement avec l'altiste Jean Kéfer, le second violon Luigi Sartoni et le violoncelliste Henri Gillet, mais rapidement remanié) commence à sortir des frontières. A Paris, Crickboom fréquente alors les cercles et les salons parisiens, se produit avec d'Indy, Fauré et Chausson, joue avec Jacques Thibaud et convainc la presse musicale
A la même époque, il s'essaie à la pratique de chef d'orchestre.

En 1895, à l'initiative d'Albeniz, le Quatuor Crickboom est engagé par la Societat Catalana de Concerts de Barcelone pour donner une série de cinq auditions où on peut les écouter dans Bach, Beethoven, Schubert, Schumann, Borodine, Brahms, Grieg, Frank, Lekeu, d'Indy, Fauré, Chausson et Debussy. Elle sera suivie l'année suivante d'une tournée espagnole de 14 concerts et Crickboom devient directeur des Concerts Symphoniques et de l'Académie de Musique de Barcelone, qui vient d'être créée et organise un premier cycle de concerts où se produisent Eugène Ysaÿe, Guillaume Guidé et Ernest Chausson.
L'aventure sera brève : en 1897, la Societat Catalana est dissoute et, après de nouveaux remaniements, le Quatuor se dissout. Mais La Societat Filarmónica de Barcelona succède rapidement à la Societat Catalana de Concerts et, de 1897 à1905, Mathieu Crickboom en est directeur : il s'occupe de tâches administratives, il enseigne le violon et l'alto à l'Académie et devient le pilier des cycles de concerts où il officie comme chef d'orchestre, violoniste soliste, chambriste, ou encore comme directeur artistique.
Bien que très occupé, il reconstitue son Quatuor en 1898, avec Josep Rocabruna (violon), Rafael Gálvez (alto) et le jeune Pablo Casals. Son épouse ou Enrique Granados les rejoignent lorsqu'un pianiste est requis.
Outre ses activités en Catalogne, Mathieu Crickboom fait des tournées : Russie (35 concerts en 1896), France (1900-1902), Italie (1901), Belgique, Allemagne (1900, 1902), Suisse (1903),...
Il rentrera définitivement en Belgique en 1904, quand la Societat Filarmónica de Barcelona disparait faute de moyens financiers, mais il retournera en Espagne en 1905, 1906, 1913, 1919, 1920 et 1925.

À son retour, il crée avec Théo Ysaÿe des cours supérieurs de piano et de violon. Puis  il organise les « Concerts Crickboom » à la Grande Harmonie, invitant les cantatrices Maria Gay, Maikki Jarnefeld, Cécile Thévenet, Charlotte Lormont, Jane Delfortrie et Lily Lang, le baryton Froelich, les pianistes Théo Ysaÿe, Arthur De Greef, Édouard Risler, Émile Bosquet, Jean du Chastain, Ossip Gabrilowitsch, Isaac Albéniz et Lucien Wurmser, l'altiste Léon Van Hout, les violoncellistes Joseph Jacob et Elsa Rugger et le violoniste Mariano Perello. Il poursuit aussi sa carrière de soliste en Europe : tournée en Finlande, Hollande, Belgique, Allemagne, Angleterre et Russie.

En 1910, il est nommé professeur au Conservatoire Royal de Liège. En 1914, il fonde le bimensuel La Tribune musicale pour « propager des œuvres modernes de tous les domaines et de proposer une réflexion sur les réformes qui s'imposent dans l'enseignement. Le début de la Première Guerre mondiale mettra fin à la publication après 14 parutions. En 1919, suite au décès de Cornélis Liégeois, il devient professeur de violon au Conservatoire Royal de Bruxelles. Il poursuit sa carrière au concert, mais entreprend dès lors une œuvre de pédagogue, dans la continuité de celle de Charles-Auguste de Bériot. ll rédige une École moderne de Violon, « tenant compte des progrès techniques et présentée de façon progressive » puis une méthode en cinq cahiers intitulée Le violon théorique et pratique qui connaît un succès considérable: publiée d'abord en français, elle sera traduite en néerlandais puis en espagnol, en anglais, en allemand, en italien et en grec. En 1922 parait La technique du violon en trois cahiers suivie, en 1924-1925, par Les maîtres du violon en douze cahiers d'études progressives, et enfin les Duos progressifs pour deux violons en trois cahiers en 1935, qui sont des révisions des sonates et des concertos les plus célèbres.

Il décèdera à Ixelles (Bruxelles) le 30 octobre 1947.

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