Au Concert

Les concerts un peu partout en Europe. De grands solistes et d’autres moins connus, des découvertes.

Attention, Musiques Fraîches : Fontyn brève, Romitelli physique

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La fraîcheur de laquelle se réclame le titre du concert est celle de la création, de la nouveauté, mais je ne peux m’empêcher de l’associer – subrepticement – à celle du Studio 1 de Flagey, aux rangées de sièges plutôt pleines, bienvenue dans ce samedi de début de canicule – où l’orage menace mais finalement recule. Le rendez-vous annuel fixé par Musiques Nouvelles, à Mons et à Bruxelles, affiche 10 éditions et 50 partitions, dont la première, Lune Moqueuse, naît de la proximité qu’entretient Jacqueline Fontyn (bientôt 95 ans et presqu’autant d’années de composition, elle qui s’y frotte dès l’entrée de l’école primaire ; bientôt aussi membre d'honneur de la Société Internationale pour la Musique Contemporaine) avec l’environnement naturel : la lune est là pour éclairer ta chambre la nuit, dit la mère à son enfant ; la lune nourrit nos rêves, ajoute Fontyn, qui donne à entendre, sur base d’un texte du poète, compatriote et symboliste, Albert Giraud, dont le  Pierrot lunaire séduit Arnold Schönberg (qui met en musique 21 poèmes de ce recueil) –  et dont le buste trône au Parc Josaphat, non loin de l’avenue qui porte son nom – une musique vivace, « à écouter sans préjugés », qui préserve une étonnante candeur – la pièce est brève, on en voudrait en encore.

Traversée, du pianiste, accordéoniste et compositeur Jimmy Bonesso, extension de son récent album Navire Terrestre, prend sa source dans le butō japonais, une danse-théâtre née de la détresse d’après Hiroshima et Nagasaki, une performance où le corps exprime sentiments et sensations mais ne joue pas : Bonesso y développe une conception du temps faite d’intervalles où se succèdent – se transforment plutôt – apparitions et disparitions, (petites) morts et (petites) naissances – une façon d’avancer, étape après étape, inéluctablement, d’un premier cri à un dernier soupir, au long d’un chemin (sonore), accessible et fluide comme l’est la fiction plus que la vie. 

Ils étaient 10 000 à prendre les Chemins de traverse du 22eme Lille piano (s) Festival à Lille

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Vendredi soir un air chaud emmitoufle la capitale des Flandres et la salle de théâtre du Casino Barrière n’y échappe pas totalement malgré la climatisation maison ; voilà sans doute pourquoi les musiciens de l’orchestre National de Lille se présentent, une fois n’est pas coutume, en bras de chemise d’un blanc impeccable qui tranche harmonieusement avec le noir strict des nœuds papillons et celui, miroitant, des robes légères des musiciennes.

Jean Claude Casadesus, toujours fringant, est à la baguette pour ce concert d’ouverture du vingt- deuxième festival qu’il a créé de toutes pièces il y a 20 ans. Au programme l’ouverture d’Obéron de Carl Maria von Weber à l’écriture aussi ciselée qu’explosive suivi du redoutable Concerto pour piano n°1 de Tchaïkovski au service duquel le virtuose Ouzbek Behzod Abduraimov emploie une technique éblouissante doublée d’une spectaculaire énergie. Belle entrée en matière pour un Week end de folie tous claviers déployés aux quatre coins de Lille avec pas moins de quarante concerts.

On en trouvera ci-après quelques échos très partiels, impressions ressenties lors d’un parcours singulier sur des chemins de traverse.

Les paysages de l’âme

Samedi, petite marche matinale au fil des rues pavées du Vieux Lille, le temps de rejoindre la place du concert et l’accueillant auditorium du conservatoire à la belle acoustique. Fanny Azzuro y interprète l’intégrale des Préludes de Rachmaninov. Une heure trente sans discontinuer à travers « les paysages de l’âme » selon une expression chère à la pianiste qui y emploie une technique irréprochable et une infinie palette de sonorités (elle a été initiée au répertoire et à la grande école russe par sa rencontre avec Boris Tétrushanski). Le public est aux anges !

A l’ombre de la Cathédrale

Le temps de prendre un sandwiche jambon-beurre avec une bière  bien fraîche il est vite l’heure de diriger nos pas vers la Cathédrale notre -dame de la Treille, pas loin de là, dont l’imposante façade en marbre bleu est surplombée d’une flamboyante rosace due au talent du peintre Ladislas Kijno. 

Un premier rendez-vous est fixé au sous-sol dans la crypte moderne du centre d’art sacré où l’accordéoniste Ukrainien Bogdan Nesterenko s’est fixé le vertigineux défi d’interpréter successivement la Chaconne en ré mineur (Bach-Busoni) et Les Tableaux d’une exposition de Moussorgski. Diplômé du conservatoire supérieur de musique de Kharkiv en accordéon et direction d’orchestre Bogdan Nesterenko a trouvé en 2006 une terre d’accueil dans notre région du Nord de la France où l’accordéon fait partie intime du patrimoine populaire. Il utilise un accordéon « Bayan » fabriqué en Russie dont l’exceptionnelle richesse de timbres et les multiples registres sont mis ici à belle épreuve ; Bach et Moussorgski comme vous ne les avez jamais entendus ! La prestation sera saluée par une Standing ovation.

À Angers, les 1001 nuits de l’ONPL

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Chef principal de l’Orchestre Philharmonique de Liverpool et directeur musical de l’Opéra de Los Angeles à partir de la saison prochaine, le chef d’orchestre vénézuélien Domingo Hindoyan a fait une halte très remarquée cette semaine à Angers et à Nantes pour le dernier concert de la saison de l’Orchestre National des Pays de la Loire dans un programme propre à exalter sons sens du rythme et de la couleur.

Ce qui frappe d’emblée à la sortie de ce concert exceptionnel, c’est la capacité qu’ont certains chefs à modifier considérablement le profil sonore d’un orchestre en quelques répétitions seulement. Sous la baguette chaleureuse, convaincante et précise de Domingo Hindoyan, l’ONPL a acquis une profondeur insoupçonnée du pupitre des cordes, avec un sens du legato idéal et une puissance décuplée pour la totalité de l’orchestre.

La soirée a démarré sur les chapeaux de roues avec Fandangos, une pièce du compositeur portoricain Roberto Sierra résultant d’une commande de l’Orchestre Symphonique de Washington qui l’a créée en 2001. Sierra s’est, en quelque sorte, emparé du célèbre Fandango du Padre Antonio Soler pour lui tailler un habit propre aux grandes formations symphoniques d’aujourd’hui en mêlant assez habilement les rythmes populaires avec des clusters proches des séquences aléatoires fréquemment utilisées en Europe dans la musique des années 1970, le tout culminant dans une sorte d’accumulation instrumentale frénétique faisant penser à la fin du Boléro de Ravel. Une entrée en matière royale pour Domingo Hindoyan qui a bâti une puissance grandiose à la tête d’un ONPL visiblement conquis par son hôte.

On se demandait ce que pouvait bien faire le magistral Gloria de Francis Poulenc au milieu de ce programme après un tel déferlement sonore et avant la magie instrumentale de Rimski-Korsakov attendue en seconde partie. Menée tambour-battant par un Domingo Hindoyan survolté, l’oeuvre chorale de Poulenc sonnait d’une manière particulièrement frappante grâce à la participation du Chœur de l’ONPL magnifiquement préparé par Valérie Fayet. Par sa direction enjouée et son sens des demi-teintes, le chef a bien montré combien la vision mystique de Poulenc était finalement proche du monde profane et joyeux qui était celui de sa jeunesse baignée par la musique des Ballets russes. La puissance vocale des interventions de la soprano Melody Louledjian était en parfaite cohérence avec la volonté du compositeur qui souhaitait de grandes voix opératiques pour chanter sa musique.

Philhar’Intime : une conviviale Truite de Schubert à Radio-France

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Ce concert faisait partie de la série « Philhar’Intime », qui permet au public d’entendre les musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Radio France (« Philhar’ », donc, pour... les intimes) en musique de chambre. Pour la circonstance, ils étaient quatre, représentant les quatre instruments à cordes de l’orchestre : Amandine Ley au violon, Clémence Dupuy à l’alto, Nicolas Saint-Yves au violoncelle, et Yann Dubost à la contrebasse. Notons que, si le dernier est l’un des solistes de l’orchestre, premier solo du pupitre de contrebasse, les trois premiers jouent « dans le rang », sans être, le plus souvent, exposés devant leurs collègues. Même si l’on peut constater, en effet, que Yann Dubost fait preuve d’une remarquable aisance, nous pouvons nous réjouir de ce que de « simples » tuttistes de notre cher Philhar’ jouent à ce si haut niveau !

Le concert commençait par deux œuvres pour trio à cordes. 

Si le nom de Michael Haydn est encore connu de nos jours, c’est principalement, d’une part, grâce à son frère aîné Joseph ; et d’autre part grâce à son amitié avec Mozart (qui n’a pas hésité, alors que Michael n’avait pu livrer à temps une commande de six duos pour violon et alto, à écrire les deux derniers et à les laisser présenter par son ami au commanditaire comme s’ils étaient de sa plume !). Il nous laisse une musique religieuse qui ne manque pas de grandeur (et notamment un Requiem, qui a servi en partie de modèle à Mozart pour le sien).

Il nous était proposé un Divertimento pour alto, violoncelle et contrebasse (en mi bémol majeur, MH 9 – et non celui qui était indiqué sur le programme de salle, qui du reste était avec violon et non avec alto), dont l’originalité tient surtout en cette formation quelque peu inusuelle. Il commence par un Adagio con Variazioni qui, par définition, devrait apporter de la variété ; son manque d’inspiration peine cependant à nous tenir en haleine, notamment à cause des reprises. Toutes observées par les interprètes, elles induisent une certaine monotonie, même s’ils y proposent quelques ornements. Suit un Menuetto, agréablement écrit, et tout aussi agréablement joué. Et, enfin, un Presto particulièrement brillant et volubile, dans lequel les musiciens du Philhar’ nous offrent quelques très jolis moments.

Concert Brahms et Rimski-Korsakov à l’Arsenal de Metz

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Ce vendredi 13 juin dernier, l’Arsenal de Metz donnait un concert Brahms et Rimski-Korsakov pour les amateurs de musique classique lorrains.

La première partie du concert était consacrée au Concerto pour violon de Brahms avec le célèbre violoniste Thomas Zehetmair. Cheval de bataille du répertoire de tous violonistes, ce concerto leur permet de montrer l’excellence de leurs jeux, tout en étant soutenus par un orchestre élégant, aristocratique et aux couleurs veloutées. Le violoniste autrichien utilisa bien peu ce soir une grande virtuosité digitale, nonobstant, sans doute à cause de sa grande célérité, son jeu semblait sec et manquait autant de rondeur que de souplesse. Le deuxième mouvement du concerto, allegro, notamment, durant lequel la tendresse et l’humanité de Brahms doivent sonner, semblait presque froid, sans cœur et pour tout dire très expédié. Cette vitesse excessive forçait également l’orchestre à le suivre plutôt qu’à accompagner et à dialoguer avec le soliste, et endommagent ainsi ses qualités pourtant évidentes dès le tutti initial, comme l’équilibre entre ses pupitres, le legato de ses graves et l’acidité des aigus des cordes. Comme quoi, il ne faut surtout pas confondre vitesse et précipitation en musique.

A Genève un Sokolov dans un programme mi-figue mi-raisin 

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Depuis de nombreuses années, Grigory Sokolov est l’invité régulier de l’Agence de concerts Caecilia pour sa prestigieuse série ‘Les Grands Interprètes’.  Au fil des saisons, le pianiste décante son jeu de toute virtuosité clinquante pour braquer les feux sur un répertoire marginal où figurent les pages pour clavier de Froberger, Couperin, Rameau, Purcell auxquelles s’ajoutent maintenant celles que William Byrd conçut pour le virginal, le clavecin ou l’orgue dans la seconde moitié du XVIe siècle et les vingt premières années du XVIIe.

A partir d’une chanson populaire, John Come Kiss Me Now, Grigory Sokolov impose un jeu sobre dans une polyphonie broussailleuse dont il s’ingénie à articuler les figures rythmiques tout en l’agrémentant de mordants volontairement acides. Dans une nostalgie triste, il plonge ensuite la Première Pavane suivie de sa Gaillarde en l’ornementant de diminutions et d’acciaccature rapides. La Fantasia tient de la passacaille à deux voix usant de l’accentuation pour contraster le coloris que pimentera une brève Alman (Allemande). La Pavane The Earl of Salisbury est truffée de mordants incisifs que prendront soin d’édulcorer les deux Gaillardes successives. Et c’est par les cinq variations sur la chanson irlando-galloise Callino Casturame que s’achève cette première partie accueillie poliment par un public resté sur sa faim.

Juraj Valčuha à Monte-Carlo

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Le chef slovaque Juraj Valčuha  revient à Monte-Carlo pour un programme de parade.  Alexandre Glazounov écrivit la Valse de concert n°1 Op. 47 avant de composer ses grands ballets. C'est un ballet miniature féerique sans danseurs. Écrit d’une façon légère par un compositeur créatif, qui a incorporé la tradition tout en restant ouvert à l’innovation. Le savoir-faire de Glazounov en matière d’orchestration est exceptionnel : il suffit d’écouter la coda où les cuivres et la percussion ajoutent une brillance rayonnante à la valse, pour s’en convaincre.

Une musique qui rend heureux qui jaillit comme par magie de la baguette dynamique de Juraj Valcuha et des musiciens de l'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo. L'orchestre est transformé en carrousel où la valse réalise toutes les joies de l'enfance, ainsi que les rêves de tous les adultes.

Le sympathique Concerto pour piano n°2 de Chostakovitch bénéficie de la présence d’Andreï Korobeinikov. Il est frénétique et percussif dans le premier mouvement. Il devient un poète glorieusement romantique, profondément émouvant dans l'Andante, une des pièces les plus déchirantes et les plus belles de Chostakovitch. Moment suspendu, au seuil du rêve, entre ciel et terre. 

Le troisième mouvement est sous ses doigts d'acier un déluge déchaîné. Il est enlevé avec impétuosité, virtuosité, puissance et à une vitesse effrénée. Valcuha  et l'orchestre jouent en harmonie avec les nuances stylistiques géniales du pianiste, ce qui donne à l'ensemble une profondeur et un caractère fascinant. Korobeinikov déchaîne l'enthousiasme de l'audience. Il offre en bis deux Préludes et Fugues de Chostakovitch. 

A la Grange de Meslay : la maturité rayonnante de Nelson Goerner

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Amoureux de la France, le grand pianiste soviétique Sviatoslav Richter rêvait d’y trouver un lieu patrimonial, dans une nature préservée, pour y créer un festival. C’est en parcourant la Touraine avec des amis français en 1963 qu’il découvrit la Grange de Meslay, un lieu absolument magique datant du XIIIe siècle, situé non loin de Tours et miraculeusement préservé en dépit des vicissitudes du temps et de l’histoire. Le premier festival eut lieu l’année suivante avec une aura particulière due à l’immense célébrité du pianiste né à Jytomyr, une ville située dans l’Ukraine actuelle. C’est ainsi que les plus grands musiciens d’hier (David Oïstrakh, Dietrich Fischer-Dieskau, Pierre Boulez, Jessye Norman, Olivier Messiaen, Elisabeth Schwarzkopf et tant d’autres) et d’aujourd’hui se sont succédés depuis lors dans cet endroit à la fois champêtre et raffiné.

La grande nef de la grange (60 mètres) recevait Nelson Goerner, un habitué des lieux, pour l’inauguration du Festival 2025. Généreux, il nous offrait un (très) long et exigeant programme commençant d’emblée par une pièce de résistance, la Sonate N° 28 en la majeur, op. 101 de Beethoven, donnant tout de suite le ton à un récital d’un niveau musical particulièrement élevé, témoignant de l’exceptionnelle maturité artistique du pianiste argentin. Dans l’acoustique un rien sèche de cette véritable cathédrale de bois, Nelson Goerner a délivré des trésors de subtilité dans cette oeuvre de vaste envergure, jonchée de difficultés qui n’ont rien de spectaculaires pour le public, en particulier dans le finale enchaînant fugato et fugue dans une écriture savante qui frise l’intellectualisme. Fort heureusement, Nelson Goerner a su aussi en dégager un certain humour pince-sans-rire, une des constantes du caractère beethovénien.

Après ce monument du répertoire pianistique, la fantaisie du Carnaval op. 9 de Robert Schumann était la bienvenue avec son cortège de personnages divers et variés et son alternance de rêverie et d’amour, dans un esprit fantasmagorique inspiré par la commedia dell’arte italienne associé à une invention schumanienne peuplée de fantômes, comme autant de doubles de la personnalité fiévreuse et parfois délirante de Schumann. Avec une sonorité toujours pleine et subtilement timbrée, Nelson Goerner a su merveilleusement caractériser ces 21 miniatures qu’il s’agit de décrire en quelques mesures.

Anastasia Kobekina, un oiseau dans la basilique, pour chanter Bach et neuf siècles de musique

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La basilique Saint-Denis, dans la ville éponyme aux portes de Paris, est une cathédrale qui peut accueillir un millier de spectateurs. Le Festival de Saint-Denis, de renommée internationale, s’y est installé depuis plus d’un demi-siècle. Sa programmation, par les musiciens invités et les œuvres jouées, est aussi prestigieuse que celle des plus grandes salles de concert du monde.

La renommé d’Anastasia Kobekina est bien sûr plus récente, mais dans une belle dynamique également. Née en 1994 en Russie, elle y a commencé le violoncelle à quatre ans. En 2006, elle entre au très exigeant Conservatoire de Moscou, avant de venir se perfectionner, à partir de 2016, en Allemagne et en France. Lauréate de nombreux prix internationaux, elle est présentée par le programme de salle comme « une violoncelliste d’exception reconnue pour sa musicalité rayonnante, sa technique éblouissante et sa polyvalence artistique ». On ne saurait mieux dire.

Seule avec son violoncelle, elle avait investi le chœur haut de la basilique. En effet, cet édifice, qui frappe par sa hauteur et sa luminosité, a la particularité d’avoir un chœur qui a été surélevé un siècle après sa construction. Pouvant accueillir, lui, deux cents spectateurs, il domine donc la nef. L’impression y est à la fois grandiose et apaisée. Y assister à un concert, alors que le reste de la cathédrale est entièrement vide, nous donne un sentiment très privilégié. 

L’acoustique y est exceptionnelle. Avec certes beaucoup de réverbération (sans doute moins, cependant, dans le chœur haut que dans la grande nef), elle nous enveloppe et donne une sensation de douceur extrêmement bienfaisante. Surtout avec une musicienne telle qu’Anastasia Kobekina, qui en joue parfaitement. Elle ne cache pas en ressentir un plaisir qui semble même physique. Et puis, sa proximité avec un public assez restreint lui permet les nuances les plus ténues. Elle parle volontiers (dans un excellent français) au public, présentant les œuvres, sans hésiter à aller sur un terrain très personnel. Elle induit un tel rapport de familiarité que certains spectateurs vont jusqu'à réagir à ses propos !

Au programme, trois des six Suites pour violoncelle seul de Bach. Elles adoptent toutes la même structure : Prélude, puis une suite de cinq danses : les trois premières sont immuables (Allemande, Courante, Sarabande) ; la quatrième est une « galanterie » qui varie selon les Suites (Menuet, Bourrée ou Gavotte) ; la dernière est une Gigue. À saint-Denis, chacune était introduite par une courte pièce, plus ou moins liée au Prélude suivant.

Bach à l’honneur au Namur Concert Hall

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Ce vendredi 13 juin a lieu le concert de clôture de la saison 2024-2025 du Grand Manège. Pour finir cette saison en beauté, qui d’autres que le Chœur de Chambre de Namur, Cappella Mediterranea et Leonardo García-Alarcón. En solistes, nous retrouvons la soprano Sophie Junker, le contre-ténor Christopher Lowrey, le ténor Valerio Contaldo, et la basse Andreas Wolf. Au programme de cette soirée, un concert entièrement dédié à Bach et trois de ses cantates de Leipzig : la Cantate BWV 46, la Cantate BWV 101 et la Cantate BWV 102. Le point commun entre ces trois cantates est qu’elles ont été composées par Bach pour le dixième dimanche après la Trinité. Ce programme créé à Namur sera proposé ensuite à l’Église St-Thomas de Leipzig, l'église où Bach jouait ces cantates.

Le concert débute avec une brève mais très belle introduction d’Alfia Bakieva. C’est une magnifique manière de rentrer dans l’ambiance du concert. Rentrons désormais dans le vif du sujet avec la Cantate BWV 46, Schauet loch und sehet, ob irgendein Schmerz sei (Regardez et voyez s'il est une douleur), datant de 1723. Le texte de cette cantate met en scène la terreur des habitants face au jugement de Dieu. La cantate commence avec un chœur d’une grande sensibilité avant qu’une fugue animée ne vienne contraster avec le début intimiste de cette cantate. Il s’ensuit un récitatif inspiré du ténor Valerio Contaldo, sublimé par l’accompagnement délicat des deux flûtes à bec. Après cela, place au brillant solo de trompette dialoguant à merveille avec le soliste. L’aria qui suit mêle, avec beaucoup de délicatesse, la voix du contre-ténor Christopher Lowrey avec les flûtes à bec et les hautbois de caccia.  Le choral final, Ô grand Dieu de fidélité, clôt avec grâce ces derniers instants de la cantate mélangeant douleur et espérance.

La première partie se poursuit avec la Cantate BWV 101, Nimm von uns, Herr, du treuer Gott (Écarte de nous, Seigneur, Dieu fidèle), datant de 1724. Contrairement aux autres cantates, le choral joue un rôle important, non pas au début et à la fin de l’œuvre, mais bien tout au long de celle-ci. Les récitatifs et arias, d’une grande beauté, intégrant logiquement des références au choral. Notons le sublime duo de la soprano Sophie Junker et du contre-ténor Christopher Lowrey, qui nous offrent un réel moment suspendu dans le temps. La cantate se termine avec un choral final exquis. Le Chœur de Chambre de Namur interprète de manière exquise le choral final tout en étant soutenu avec délicatesse par Cappella Mediterranea.