A L’Opéra

Sur les scènes d’opéra un peu partout en Europe.

Carmen au plus près de ses sources à Rouen

par

« La Carmen de 1875 », peut-on lire dans le programme de grand format A2 plié en huit. Dans cette nouvelle production présentée du 22 septembre au 3 octobre à l’Opéra de Rouen-Normandie, les décors et les costumes sont recréés d’après les archives de la première représentation et les suivantes jouées dans le monde entier. « Carmen telle qu’elle fut découverte à New York, Vienne, Bruxelles, Stockholm, Milan, Londres, etc. » note le Palazzetto Bru Zane, initiateur du projet en collaboration avec l’institution rouannaise.

Le Centre de musique romantique française et l’Opéra de Rouen ont déjà exhumé la première partition de Faust de Gounod (2018) et de La Vie Parisienne d’Offenbach (2021). Cette fois, le retour à la source se fait essentiellement sur le plan visuel, faisant appel à des techniques artisanales à l’ancienne, notamment pour la peinture de décors, dans la scénographie d’Antoine Fontaine et sous les lumières d’Hervé Gary. Idem pour les costumes. Christian Lacroix a dessiné plus de 200 costumes en se référant aux images de l’époque. Avec un tel parti pris, certains craignaient un « vieillotisme », une « ringardise, » à la limite d’une espagnolade de cliché. Mais gare au préjugé ! Le résultat est « bluffant », car on perçoit clairement le goût théâtral de l’époque et un exotisme parfumé dans lesquels l’œuvre a été conçue, et avant tout, une cohérence qui permet facilement une conception dramaturgique. Cette production va loin dans sa démarche scientifique, ce qui la distingue des autres versions (de n’importe quel ouvrage) qui sont « à la manière de ».

Dans ces décors et costumes, on chante des récitatifs d’Ernest Guiraud au lieu de parties parlées. Le récitatif éliminait la difficulté de dialogues en français et assurait ainsi la large diffusion mondiale de l’œuvre. La grande cheffe de chant Janine Reiss (1921-2020) racontait, lors d’une master class à la Salle Cortot au début des années 2000, que lorsqu’un chanteur voulait travailler sur les dialogues de Carmen, elle lui avait répliqué : « Mais il n’y a pas de dialogue dans Carmen ! » Elle disait cela avec une touche d’autodérision, en s’excusant devant les étudiants de son ignorance de la jeunesse. Cette anecdote datait de quelques décennies par rapport au moment de l’« aveu », mais montre que le récitatif était si courant encore au milieu du XXe siècle qu’on ignorait totalement que cet opéra est avant tout un… opéra-comique ! Le temps a bien changé depuis, et pour nous qui ne connaissons que la version avec les dialogues, cette version présente au contraire bien des attraits…

En toute élégance :  Idomeneo » de Mozart à Liège

par

Idomeneo est un opera seria dont les personnages sont emportés par les vents déchaînés d’un « destin cruel » - l’évocation de ce « destin » est permanente. Et pourtant, paradoxalement, Jean-Louis Grinda, loin de surenchérir sur le bruit et la fureur, l’a inscrit dans un contexte scénique d’une grande élégance. Une élégance visuelle bien sûr, mais qui caractérise aussi son rapport à l’oeuvre : il ne nous impose pas d’analyses ni de points de vue définitifs, il nous laisse libres de nos perceptions et réactions.Idomeneo est un opera seria dont les personnages sont emportés par les vents déchaînés d’un « destin cruel » - l’évocation de ce « destin » est permanente. Et pourtant, paradoxalement, Jean-Louis Grinda, loin de surenchérir sur le bruit et la fureur, l’a inscrit dans un contexte scénique d’une grande élégance. Une élégance visuelle bien sûr, mais qui caractérise aussi son rapport à l’oeuvre : il ne nous impose pas d’analyses ni de points de vue définitifs, il nous laisse libres de nos perceptions et réactions.

Le destin cruel ? Nous sommes en Crète, après la défaite de Troie, avec Ilia, une captive troyenne, et Elettra, fille d’Agamemnon, échouée là après le meurtre vengeur de sa mère coupable. Toutes deux sont éprises d’Idamante, le fils d’Idomeneo, le roi. Celui-ci vient d’être sauvé d’un naufrage, mais à une terrible condition : sacrifier la première personne qu’il rencontrera… ce sera son fils ! Comment échapper à cette malédiction ? Comment résoudre la délicate équation amoureuse ? Sans oublier qu’Ilia est d’abord écartelée entre son devoir pour sa patrie et son amour pour Idamante. Un canevas évidemment propice à de grands déferlements lyriques, à de sombres atmosphères tragiques.

Don Pasquale à l’Opéra Garnier, une réussite au goût doux amer

par

Bien accueillie en 2018, cette mise en scène dans le style bande dessinée des années 50, réglée au cordeau par Damiano Michieletto, conserve aujourd’hui son efficacité. Coproduite avec le Royal Opera House Covent Garden de Londres et le Teatro Massimo de Palerme, elle se révèle encore plus coruscante.

En effet, ce drama buffo en trois actes destiné au Théâtre Italien de Paris fut créé le 3 janvier 1843, soit cinq ans avant la mort du compositeur. S’il emprunte le canevas de la commedia dell’ arte qui prospère depuis plus de deux siècles, il s’en écarte par sa structure très schématique, par le double sens permanent et un ton de parodie voire de désespoir masqué.

Comme chez Molière, Goldoni ou Shakespeare -on pense naturellement à Falstaff- un vieux célibataire riche décide soudainement de prendre femme. Son ami, le Docteur Malatesta, faute de l’en dissuader, ourdit une farce pour le guérir de sa lubie. Norina et son amoureux, l’ingrat neveu Ernesto, ainsi qu’ un notaire de complaisance en seront les acteurs. 

Mais la manipulation s’avère si cruelle que l’auteur lui-même comme les protagonistes s’en émeuvent... ce qui est tout à fait inhabituel !

Certes, la partition regorge de pages ravissantes, pleines de verve et de virtuosité qui en ont fait le succès. Et pourtant, elles participent  également de l’amertume. Pourquoi ? Parce qu’elles se placent en porte à faux avec des situations qui n’en demandent pas tant. Ainsi la vocalité belcantiste confiée à Ernesto suscite l’admiration mais aussi le malaise, à l’instar de l’éclat de Norina/Sofronia. Comme si les codes belcantistes s’étaient vidés de leur substance.

A Genève, un Don Carlos visuellement affligeant 

par

‘Jeux de pouvoir’, tel est le titre que comporte la saison 2023-2024 du Grand-Théâtre de Genève. Et le spectacle d’ouverture en est le Don Carlos de Giuseppe Verdi dans la version originale française en cinq actes, créée à l’Opéra de Paris, Salle Le Peletier le 11 mars 1867 mais ne remportant qu’un succès d’estime.

D’un cycle « grand opéra » entrepris il y a deux ans avec Les Huguenots de Meyerbeer suivi de La Juive d’Halévy, Don Carlos est le troisième volet. Marc Minkowski qui les a dirigés se jette à corps perdu dans cet ouvrage complexe en utilisant la partition avec laquelle Verdi a commencé les répétitions en 1867. Mais il laisse de côté une large part du Ballet de la Reine, La Peregrina, ainsi que le lamento de Philippe II « Qui me rendra ce mort » et utilise pour l’acte II une version ultérieure de la scène en duo entre le monarque et Rodrigue, Marquis de Posa. A la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande et du Chœur élargi du Grand-Théâtre de Genève (préparé remarquablement par Alan Woodbridge), il transpire sang et eau afin de créer une tension dramatique tout au long de cette vasque fresque. Mais le soir de la première, sa lecture manque d’un galbe sonore accentuant les contrastes et semble quelque peu brouillonne.

Quelle force d’expression possède le livret français élaboré par Joseph Méry et Camille Du Locle par rapport au remaniement italien d’Angelo Zanardini édulcorant la virulence des scènes opposant Philippe II à Rodrigue et au Grand Inquisiteur !

Et c’est sur ce texte, projeté à l’avant scène et sur les parois latérales, que se concentre le spectateur du Grand-Théâtre, tant la mise en scène de Lydia Steier est pitoyable. En ses grandes lignes, Don Carlos évoque la France décimée par la guerre et l’Espagne sinistre du milieu du XVIe siècle, alors qu’ici, nous sommes confrontés à une entrée de palais désaffecté que la populace envahit pour assister à la pendaison d’un pauvre diable portant autour du cou le mot « traître » sur une plaquette. Spectateur, oublie le fait qu’en la forêt de Fontainebleau, les bûcherons prient pour que les hostilités avec l’Espagne prennent fin… Car, dans le programme, la régisseur (régisseuse ?), flanquée de son scénographe et vidéaste Momme Hinrichs et de sa costumière Ursula Kudrna, nous explique que, à eux trois, ils ont essayé de trouver des temps et des lieux comportant une esthétique forte, soit l’URSS vers la fin de Staline et l’Allemagne de l’Est. Donc foin d’un roi et de son inquisiteur, contente-toi du petit père des peuples et de Lénine placardés sur les murs ! 

L'Orchestre Philharmonique d'Israël est en tournée européenne

par

Lahav Shani Conductor Photo: Marco Borggreve

Événement au Grimaldi Forum de Monte-Carlo avec une escale de la tournée européenne du Philharmonique d’Israël sous la direction de Lahav Shani, son Directeur musical depuis 2020 quand le jeune musicien a pris la succession du légendaire Zubin Mehta. C'est grâce à l'invitation des Amis de l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo et le patronage de S.A.S. le Prince Albert II, que le public monégasque a pu apprécier cette phalange hors pair. 

Les cordes de l'orchestre sont parmi les plus belles au monde avec une sonorité chaude et onctueuse. Zubin Mehta les a sublimés pendant un demi-siècle et c'est un bonheur de constater que Lahav Shani maintient ces qualités uniques. Le concert commence avec la Symphonie n°104  de Joseph Haydn. C'est la dernière symphonie de Haydn, un chef-d'œuvre où l'élégance, l'harmonie et la grâce sont étonnantes. Le compositeur est le père de la symphonie, le précurseur de Beethoven. Sa musique est sublime et divine. Shani capture tout l'humour, le dynamisme et la passion qui font la particularité de Haydn. La symphonie est jouée avec ardeur, énergie et sensibilité.

Cassandra de Bernard Foccroulle : « Le futur est partout, chacun peut le voir »

par

A La Monnaie, l’ouverture de la saison est bienvenue à double titre : un premier opéra composé par Bernard Foccroulle ; un opéra qui s’engage résolument dans les problématiques urgentes et les débats de notre époque.

Oui, Bernard Foccroulle, celui qui en a été le directeur -l’âme- pendant quinze ans, est passé de l’autre côté de la rampe, devenu le maître d’œuvre d’un important projet lyrique. Un projet à son image.

On a connu le gestionnaire, le meneur d’équipes, le programmateur judicieux. On a aimé l’homme cultivé et engagé, l’humaniste. On a apprécié son sens de la juste mesure, son empathie, son esprit d’ouverture. Toutes ces qualités, on les retrouve dans son premier opéra. 

Le Festival de Menton en After 

par

Pour la première fois, hors cadre du Festival de Menton en août, deux concerts "After" ont été programmés en septembre, afin de prolonger la vie musicale et l'ambiance du festival. Ces deux affiches proposent un récital et de la musique de chambre . 

David Fray est considéré comme un des plus brillants pianistes français de sa génération. Il présente un récital entièrement consacré à Schubert, qui est un des ses compositeurs favoris. Schubert écrit l'Allegretto en do mineur pour un ami quittant Vienne pour Venise. Ce cadeau en forme de feuillet d'album est un pur joyau de sensibilité. L'interprétation de Fray est délicate et raffinée, pleine d'émotions. Il enchaîne sans interruption avec les Quatre impromptus op.90. C'est une des œuvres les plus célèbres et les plus populaires de Schubert.

Le toucher de Fray est clair et fluide, il recrée le caractère de chaque impromptu, avec élégance et légèreté, avec passion et mélancolie pour le dernier.

Le Klavierstücke n°2 D946 a été été composé six mois avant la mort de Schubert. Fray exprime pleinement l'âme Schubertienne, avec ses visions fantasques, ses angoisses et son désespoir. La Wanderer Fantaisie a été composée à la demande d'un virtuose viennois.C'est la composition la plus exigeante sur le plan technique de Schubert. Au point que Schubert lui-même avait du mal à l'exécuter et aurait dit "C'est le diable qui devrait jouer cela". 

Fray a une maîtrise spectaculaire des contrastes émotionnels entre la grandeur et le dynamisme des sections virtuoses et l'exaltation des sections lyriques. Il joue la "Wanderer" avec un tempo effréné et entraîne le public dans un tourbillon phénoménal, une véritable ballade en fantaisie du randonneur. David Fray offre en bis au public enthousiaste, l'Allemande extraite de la Suite Française de Bach. 

Journée brucknérienne au Festival International George Enescu

par

Lors de cette nouvelle journée au Festival International George Enescu, un compositeur est à la fête : Anton Bruckner. Le compositeur autrichien, dont on a fêté son 199e anniversaire ce lundi 4 septembre, est à l’honneur avec deux de ses symphonies et non des moindres : la Septième Symphonie en mi mineur WAB107 et la Neuvième Symphonie en ré mineur WAB109.

L’orchestre du Gewandhaus de Leipzig, placé sous la direction d’Herbert Blomstedt, inaugure cette journée avec le Prélude à l’unisson tiré de la Suite N°1 de George Enescu avant de s’attaquer à la Septième Symphonie en mi mineur WAB107 de Bruckner. 

Le Prélude d’Enescu est interprété avec intensité par les cordes. La précision rythmique et la justesse sont plus qu’au rendez-vous surtout quand on sait que ce sont  près de 60 musiciens qui jouent à l’unisson complet. 

Après cette belle mise en route, le premier mouvement de la Septième Symphonie est enchaîné tout de suite, ne laissant pas le temps à l’audience de comprendre que l’œuvre de Bruckner avait déjà commencé puisque l'enchaînement est parfait entre les deux pièces. Cette symphonie constitue un hommage à Richard Wagner, auquel Bruckner vouait une grande admiration. Il se rend d’ailleurs à Bayreuth pour la première de Parsifal en 1882 et rencontre Wagner pour la dernière fois puisque le compositeur meurt en février 1883. 

L’interprétation proposée par la phalange allemande et l’illustre chef, âgé de 96 ans, est de la plus grande des qualités. Blomstedt est dans son répertoire-phare et excelle tout en emportant l’orchestre avec lui (pour l’anecdote, c’est ce même orchestre du Gewandhaus de Leipzig qui créa l’œuvre 139 ans plus tôt). La construction musicale des quatre mouvements est formidable, les progressions étant menées intelligemment, la tension augmente pour arriver chaque fois à un point culminant à l’instar du deuxième mouvement par exemple. Le delta des nuances est très impressionnant : les pianos sont à peine audibles tandis que les fortissimos remplissent la salle de l’Athénée Roumain d’un son chaud mais jamais agressif. Dans ces moments majestueux, le public est littéralement plongé auditivement dans le son, la salle étant presque trop petite pour accueillir une telle œuvre avec un tel orchestre. Peu importe, le public acclame longuement la prestation d’exception livrée par les artistes. La standing ovation était inévitable !

Aux Rencontres Musicales de Vézelay, l’envoûtant Tenebrae Choir et Nigel Short

par

À Vézelay, les voix aux consonances britanniques ont résonné avec mille éclats. La très riche programmation de la 23e édition des Rencontres Musicales, mêlant des partitions rares à des chants populaires, se démarque par son exigence et par sa grande qualité. De Thomas Tallis à Joby Talbot, de William Byrd aux Beatles, on assiste à de multiples styles, tous admirablement interprétés. Le plus spectaculaire est sans doute The Path of Miracles (le Chemin des Miracles) de Joby Talbot, par le Tenebrae Choir sous la direction de Nigel Short.

Dans une maîtrise parfaite de l’écriture vocale, ici pour 17 parties, le compositeur britannique connu dans la pop, la télévision et le cinéma, décrit musicalement quatre grandes étapes du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle : Roncevaux, Burgos, Léon et Santiago.

Vérone entre modernisme et tradition

par


En cet été 2023, le Festival des Arènes de Vérone fête son centième anniversaire. En réalité, la première Aida y fut donnée le 10 août 1913 sous la direction de Tullio Serafin. Mais les années de guerre empêchèrent la mise sur pied de dix saisons entre 1915 et 1918 puis entre 1940 et 1945. L’Aida du centenaire implique donc une nouvelle production confiée à Stefano Poda qui, comme il le fait partout, conçoit mise en scène, décors, costumes, lumières et chorégraphie. Pour lui, cette œuvre  est l’histoire d’un monde en guerre qui fait de deux peuples frères des ennemis mortels. Verdi ne prend parti ni pour l’un, ni pour l’autre, mais se laisse émouvoir par la souffrance des victimes. La trame constitue un voyage dantesque qui part de l’enfer pour parvenir à la paix d’une vision extatique. Au lieu de façonner un chromo de l’Egypte antique, Stefano Poda qui, lors d’une visite au Musée Egyptien de Turin, a ressenti  le raffinement avant-gardiste de cette civilisation, se  laisse gagner par la volonté d’épurer les vieilles imagées dorées pour glisser vers un univers d’acier, d’argent, de miroir, de verre, de transparence. En résulte un monde froid et impitoyable, à la fois technologique comme le laser et primitif comme la glace. Au centre de la scène, une gigantesque main dont chaque doigt est actionné par un tracteur est censée représenter la puissance dont est doté l’homme, capable de tuer ou de créer, de frapper ou de s’élever. Les rayons laser en fuseau constituent une pyramide couronnée d’un ballon d’argent que, seuls, perçoivent les spectateurs des gradins qui sont suffisamment distants du plateau. En cette structure évoluent figurants et danseurs par dizaines qui s’écarteront au moment où le sol s’effrite pour faire apparaître les captifs éthiopiens en une image saisissante. Par contre, certains concepts sont difficilement explicables, comme l’alignement de cadavres momifiés dans les appartements d’Amneris ou le défilé de crinolines modern style en bordure de scène. Et le clou du spectacle est  assurément la scène finale où le tombeau enlisé dans le sable se mue en une pyramide s’élevant dans les cieux afin d’atteindre la sérénité dans l’au-delà… En conclusion, il faut bien admettre que ce visuel délibérément envahissant prétérite la musique.

Néanmoins, dans la fosse d’orchestre, Daniel Oren remue ciel et terre pour éviter tout décalage avec le plateau en menant avec précision les forces chorales et l’effectif instrumental, de moyenne qualité par rapport aux précédentes saisons. Mais sa direction a le louable mérite de cultiver les nuances, allant même jusqu’au pianissimo le plus ténu pour les audacieux mélismes de l’acte III. Le Coro dell’Arena, préparé par un maestro chevronné comme Roberto Gabbiani, exhibe une remarquable homogénéité des registres. 

A la représentation du 23 août, Anna Pirozzi incarne Aida avec une vigueur de l’accent et une ampleur qui accentuent la charge pathétique de sa composition quelque peu monochrome. Car lui manquent les filati et les pianissimi qui traduiraient la nostalgie d’un monde perdu. L’on en dira de même de l’Amneris de Clémentine Margaine, taillée à coup de serpe, qui peine à suggérer la jalousie, car elle recourt continuellement au fortissimo pour traduire l’altière dignité de la fille des pharaons et sa propension à la vengeance. Guère convaincant, le Radamès de Gregory Kunde, mis en difficulté par le « Celeste Aida » initial, sans ligne de chant et sans fermeté de l’aigu, mais qui, dès la scène du triomphe, retrouvera peu à peu ses moyens afin de conclure par un dernier tableau porté par l’émotion. Par contre, l’Amonasro de Ludovic Tézier impressionne par la qualité du timbre et du legato mis au service d’un personnage de rare noblesse dans l’adversité. Aussi mauvais l’un que l’autre, le Ramfis de Rafal Siwak et le Roi de Romano Dal Zovo.  De bonne tenue, le Messager de Riccardo Rados et la Prêtresse de Yao Bohui.