Le langage puissant et novateur d’Edward Gregson

par

Edward Gregson (°1945) : Dream Song – Concerto pour cor – Aztec Dances – Concerto pour orchestre
BBC Philharmonic, Bramwell Tovey – Wissam Boustany, flûte – Richard Watkins, cor
2014-DDD-74’55-Textes de présentation en anglais, allemand et français-Chan 10822

Véritable découverte avec Edward Gregson, compositeur anglais né en 1945. Tant pour la musique symphonique, chorale que pour l’art de la scène et le 7ème art, Gregson s’est longtemps inspiré des œuvres de Chostakovitch, Berg, Hindemith ou encore Lutoslawski, et cela s’entend dès les premières notes. L’ancien directeur du RNCM de Manchester propose une musique intensément expressive par sa recherche constante sur l’exploitation de l’instrumentarium. Son langage est rempli de couleurs, de dynamiques et d’une certaine liberté dans le travail mélodique, riche et développé, tandis que le rapport entre les instruments n’est pas une simple juxtaposition. Pour ce quatrième enregistrement, trois concerti et une œuvre autonome. Ce qui nous a tout de suite frappé, c’est Dream Song, commande du BBC Philharmonic en 2010. Commandée pour accompagner l’exécution de la Symphonie n°10 de Mahler, Gregson ne s’est pas interdit la reprise de motifs mahlériens. Nombreuses citations de l’œuvre symphonique de Mahler sont reprises ici, mais toujours selon le style du compositeur anglais. A aucun moment Gregson tente de copier un motif : il le transforme, le fait évoluer et en change l’instrumentation. C’est, comme le veut Gregson, un monde musical parallèle sous la forme lent – vif – lent où l’on retrouve l’âme de Mahler sous la forme d’un rêve. Cette déstructuration, accompagnée de nouvelles couleurs et nouvelles sonorités (casseroles en acier), incite l’auditeur à trouver un thème qui ne semble pas se concrétiser. En terminant par le magnifique mouvement lent de la Symphonie n°4 de Mahler, c’est un épisode amoureux qui se dessine malgré des couleurs plus sombres et grinçantes plus tôt. En vingt minutes, Gregson raconte une histoire complexe et vivante. Avec le Concerto pour cor, œuvre de jeunesse, c’est davantage sur l’harmonie et sur la mélodie que s’oriente le travail. Ecrit en 1970, le concerto est d’abord écrit pour ensemble de cuivres et cor solo. En 2013 et à la demande de la BBC, Gregson le réarrange pour orchestre type Haydn tout en l’enrichissant de nouveaux motifs, cellules,…. Le Concerto pour orchestre existe en trois versions. D’abord nommée Greenwich en 1983, Contrasts en 2001 pour enfin devenir Concerto pour orchestre, le second titre suffit pour saisir la richesse de cette œuvre. Avec l’élégie centrale, on se rapproche d’avantage de l’œuvre de Chostakovitch avec un langage tantôt chromatique, tantôt agrémenté de clusters. Enfin, Aztec Dances reprend en musique le regard de Gregson sur l’exposition aztèque du British Museum. D’abord pour flûte à bec et piano, l’œuvre est ici présentée pour ensemble de quatorze instruments et flûte, et reprend couleurs et dynamiques des rituels et autres rites aztèques.
Plus qu’une découverte, ce disque permet de goûter aux grandes qualités orchestrales du BBC Philharmonic sous la direction énergique de Bramwell Tovey. Wissam Boustany interprète le solo de flûte avec assurance et inspiration tandis que le solo de cor, donné à Richard Watkins, est d’une clarté et d’une justesse parfaites. Les musiciens saisissent les contours de chaque œuvre, leurs pièges et tendent à élever ce langage novateur et passionnant. Gregson effectue un travail considérable tant sur le matériau que sur l’agencement des pupitres. Les formes sont claires mais laissent l’auditeur dans une réflexion quasi constante. L’orchestration est brillante et offre à l’œuvre, qui fonctionnerait très bien au cinéma, un caractère somptueux. A découvrir si ce n’est déjà fait !
Ayrton Desimpelaere

 

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