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Dossier Rimski-Korsakov (III) : un compositeur en voyage

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Quelle est la vocation d’une Exposition universelle sinon, précisément, d’être universelle? En été 1889, le monde entier s’est donné rendez-vous à Paris et tout ce qui de loin ou de près ressortit à l’intelligence et à la création humaines y a sa place. Dont la musique. La musique dite savante comme la musique folklorique, l’opéra comme l’opérette et la chanson populaire. Chez les organisateurs, on a du reste veillé à ce que des compositeurs étrangers y soient présents et, grâce à de nombreux concerts, y fassent découvrir leurs œuvres.

En ce qui la concerne, la délégation russe comprend notamment Alexandre Glazounov et Nicolas Rimski-Korsakov. Ils ont été proposés par Mitrofan Belaïev qui, à Saint-Pétersbourg, est le principal éditeur de musique de son pays et dont le dynamisme et l’enthousiasme constituent d’incontestables atouts promotionnels. Sauf que, chose paradoxale, Belaïev ne souffre pas la publicité et qu’il déteste les réclames s’étalant tapageusement aux quatre coins des villes ou “portées à dos d’hommes” -des manifestations qu’il juge à la fois inutiles et vulgaires. Pour les deux concerts qu’il a programmés à l’Exposition universelle de Paris, les samedis 22 et 28 juin, il se borne à de modestes annonces. Tant et si bien que ces deux concerts passent presque inaperçus et ne recueillent aucun succès.

Louis Langrée, transatlantic et lyrique 

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Le chef d’orchestre Louis Langrée, directeur musical de l’Orchestre de Cincinnati, sort un album qui propose les versions originales d’Un Américain à Paris de George Gershwin et d’Amériques d’Edgar Varèse. Cet album nommé Transatlantic est nominé aux légendaires Grammy Awards. Alors qu’il dirige Fortunio d’André Messager à l’Opéra Comique, il revient sur son travail avec son orchestre étasunien et sur son amour de la musique d’André Messager. 

Vous sortez un album nommé Transatlantic, avec la version originale d’Un Américain à Paris de George Gershwin dont vous avez donné la première à la Seine musicale avec votre orchestre de Cincinnati. Qu’est-ce qui vous a mis sur la piste de cette édition Urtext ? 

J’avais lu, comme beaucoup de mélomanes, l’article du New York Times, publié en 2016. Cet article évoquait la question des klaxons dans cette oeuvre et il se demandait si on joue les bonnes notes avec ces “instruments”. Le texte était illustré par une photo de Gershwin à Cincinnati en discussion avec le percusionniste solo de l’orchestre, on le voyait avec les klaxons qu’il avait acheté avenue de la Grande Armée à Paris. Il faut rappeler que Gershwin était un ami du chef d’orchestre Fritz Reiner, directeur musical de la phalange, et qu’il était déjà venu à Cincinnati jouer ses oeuvres comme soliste avec l’orchestre. Cette photo avait été prise alors qu’il était venu assister à la deuxième exécution d’Un Américain à Paris, après la création à New-York. J’ai commencé à fouiner dans notre bibliothèque mais je n’ai pas trouvé grand chose d’autre que des programmes et des critiques du concert ; je n’ai pas trouvé de matériel musical. 

Vous connaissez l’histoire de l’oeuvre : après la mort du compositeur, elle a été éditée et arrangée par F. Campbell-Watson et pendant 75 ans, c’est cette version qui a été jouée partout dans le monde. Nous n’avions pas de comparaison entre cette édition et le texte musical d’origine. J’ai fait des recherches et je suis entré en contact avec le musicologue Mark Clague de l’Université du Michigan qui dirige l’édition Urtext des oeuvres de Gershwin avec le soutien des héritiers du compositeur. Il était en train de travailler sur l’édition de l’Américain à Paris.  Nous avons pu donner la première mondiale à la Seine Musicale à l’été 2017 ! Cela avait un écho particulier : une salle parisienne, un orchestre étasunien et un chef d’orchestre ex-parisien !  

Une question classique : qu’est-ce que cette nouvelle édition apporte à la connaissance de l’oeuvre ? 

Elle change énormément d’aspects. La version de Campbell-Watson était véritablement un arrangement et non une édition respectueuse du texte : tout sonne épais et hollywoodien. En revenant au texte original, on découvre une clarté très française dans l’orchestration. Je ne vais pas faire la liste complète des changements mais c’est complètement différent ! En plus des considérations liées au texte, il faut recontextualiser le style. Quand on écoute les grandes versions dirigées par Leonard Bernstein ou James Levine, ça swingue avec générosité. En discutant avec Mark Clague, il m’a rappelé que le swing apparaît dans les années 1940... Dans les années ‘20, époque de la composition, c’est la grande période du ragtime dans le jazz, et donc swinguer est un contresens historique ! Cet aspect participe également au changement de la perception de l’oeuvre.