"Petite Messe solennelle" de Gioachino Rossini, 160 ans

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La Petite messe solennelle est une œuvre de musique sacrée (messe), à l'origine écrite pour quatre solistes, chœur mixte, deux pianos et un harmonium. Elle fut créée le 14 mars 1864 à Paris.

C'est à la demande du Comte Alexis Pillet-Will, pour son épouse Louise, que Gioachino Rossini compose en 1863 dans sa maison de campagne de Passy, la Petite messe solennelle. Rossini a alors 71 ans et a officiellement pris sa retraite depuis 34 ans. Il adresse au « Créateur » une dédicace en forme de boutade :

Bon Dieu. La voilà terminée cette pauvre petite messe. Est-ce bien de la musique sacrée que je viens de faire ou de la sacrée musique ? J'étais né pour l'opera buffa, tu le sais bien ! Peu de science, un peu de cœur, tout est là. Sois donc béni et accorde moi le Paradis. »

Sur la page de garde de son manuscrit, Rossini tient à préciser, avec la maîtrise du français qui était la sienne :
Petite messe solennelle, a quatre parties, avec accompagnement de deux pianos et harmonium, composée pour ma villégiature de Passy. Douze chanteurs des trois sexes, hommes, femmes et castrats seront suffisants pour son exécution, savoir huit pour les chœurs, quatre pour les solos, total douze chérubins. Bon Dieu, pardonne-moi le rapprochement suivant : douze aussi sont les apôtres dans le célèbre coup de mâchoire peint à fresque par Léonard, dit la Cène, qui le croirait. Il y a parmi tes disciples de ceux qui prennent des fausses notes ! Seigneur, rassure-toi, j’affirme qu’il n’y aura pas de Judas à mon déjeuner et que les miens chanteront juste et con amore tes louanges et cette petite composition qui est hélas ! le dernier péché mortel de ma vieillesse.

Cette évocation d'un « péché de [sa] vieillesse », dont Rossini écrit que cette Petite messe solennelle serait « le dernier », renvoie à un ensemble de pièces diverses composées après son retrait de la scène et réunies sous le titre « Péchés de vieillesse ».

L'œuvre est créée le 14 mars 1864 dans la chapelle privée de l'hôtel particulier du Comte situé rue Moncey (9e arr.) avec Carlotta et Barbara Marchisio, Italo Gardoni et Luigi Agnesi en solistes et Albert Lavignac à l'harmonium, en présence, notamment, de Daniel-François-Esprit Auber, Giacomo Meyerbeer et Ambroise Thomas. La première audition publique a lieu un an plus tard, le 24 avril 1865 avec les mêmes interprètes.

La réception de l’œuvre est partagée entre louange et désapprobation. Le critique musical Filippo Filippi, dans La Perseveranza ne tarit pas d'éloge : Cette fois, Rossini s'est surpassé lui-même, car personne ne saurait dire ce qui l'emporte, de la science et de l'inspiration. La fugue est digne de Bach pour l'érudition.

En revanche, Giuseppe Verdi est beaucoup moins enthousiaste, comme il l'écrit au Comte Opprandino Arrivabene le 3 avril 1864 : Rossini ces derniers temps, a fait des progrès et a étudié ! Étudié quoi ? Pour ma part, je lui conseillerais de désapprendre la musique et d'écrire un autre Barbier.

Après sa création privée, la partition est rangée dans un placard d'où elle ne ressortira pas du vivant de son compositeur.

Dans sa version d'origine, l'exécution de la messe requiert quatre solistes (soprano, contralto, ténor et basse), un chœur mixte, deux pianoforte et un harmonium. Ce faible nombre d'exécutants contraste avec la dimension des formations utilisées à cette époque pour interpréter les grandes œuvres de musique sacrée. C'est ce qui a valu à cette messe le qualificatif de petite.

En 1867, Rossini orchestre sa messe pour un effectif instrumental beaucoup plusimportant (2 flûtes et petite flute, 2 hautbois, 2 clarinettes, 3 bassons, 4 cors, 2 trompettes, 2 cornets, 3 trombones, ophicléide, timbales, 2 harpes, orgue et cordes) pour ne pas laisser à d'autres le soin de le faire. Cette seconde version est créée, de façon posthume, le 24 février 1869 au Théâtre-Italien.

Les jugements sur les deux versions divergent. Certains musicologues expliquent que la version orchestrée est de nos jours préférée à l'originale ; d'autres expliquent que le piano donne tout son « mordant » à la version originale.

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