Joseph Boulogne, 225 ans

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Né à Baillif en Guadeloupe 25 décembre 1745 et mort à Paris 9 (ou 10) juin 1799, iI est le fils de Georges Bologne, un colon issu de l'émigration protestante faisant fortune dans les plantations, et de son esclave africaine et maîtresse Nanon. Il se fait appeler de Saint-Georges, d'après le nom d'une de ses propriétés, mais ne sera anobli qu'en 1757 avec la charge d'ordinaire de la chambre du roi.

En 1747, Georges Bologne est accusé (à tort ?) de meurtre, il fuit en France avec son fils et sa maîtresse par crainte qu'ils ne soient vendus. Deux ans plus tard, bénéficiant d'une grâce royale, il retourne en Guadeloupe, puis se fixe en France en 1753.

En 1757, Saint-Georges est confié au maître d'armes (et écrivain) Nicolas Benjamin Texier de La Boëssière (1723-1807), et excelle dans les activités physiques et en escrime.

Encore étudiant, il vainc au fleuret le maître d'armes de Rouen et mousquetaire du roi Alexandre Picard Brémond, qui s'était moqué du « mulâtre arriviste de La Boëssière ». À cette occasion, son père lui offre un cheval et une calèche.

Après la guerre de Sept Ans (1756-1763), Georges Bologne retourne dans ses plantations en Guadeloupe, et pensionne son fils.

En 1764, à l'âge de 19 ans, Saint-Georges est gendarme de la garde du roi, et fait chevalier. Il devient une coqueluche de la bonne société parisienne. Le 8 septembre 1766, mis au défi par le célèbre et légendaire escrimeur italien Gian Faldoni, il aurait perdu l'échange, mais gagné une immense réputation. Toutefois, les témoignages sur cet événement ne peuvent être tenus comme certains.

On ne sait rien sur sa formation musicale, mais le fait que des œuvres d'après 1764 sont dédicacées à François-Joseph Gossec (1734-1829) et à Antonio Lolli (1725-1812) mène à penser que le premier fut son professeur de composition et le second de violon. Peut être Pierre Gaviniès (1728-1800) fut-il également l'un de ses professeurs de violon.

En 1769, il intègre le nouvel orchestre de Gossec, le Concert des amateurs à l'hôtel de Soubise. Il y fait en 1772 ses débuts de violoniste solo dans ses deux concertos pour violon opus 2, qui demandent une très grande virtuosité (et qui semblent être influencés par le style de Pierre Gaviniès). Quand Gossec prend la direction du Concert spirituel en 1773, Saint-Georges devient le directeur musical du Concert des amateurs, le meilleur ensemble musical d'Europe.

Après la mort de son père à Basse-Terre, le 26 décembre 1774, sa rente annuelle s'éteint, la musique devient sa seule ressource. Entre 1773 et 1779, il publie l'essentiel de ses compositions, dont des quatuors à cordes, une dizaine de symphonies concertantes en deux mouvements, et autant de concertos pour violon, en trois mouvements.

En 1776, il est proposé à la direction de l'Opéra de Paris (Académie royale), mais quelques dames de la maison, offusquées par l'idée d'être sous l'autorité d'un mulâtre, adressent une pétition à la Reine Marie-Antoinette, qui empêche cette nomination.

Un an après avoir essuyé cette première discrimination raciale sérieuse, il présente Ernestine, son premier opéra, à la Comédie italienne. La critique loue la musique, mais souligne la pauvreté du livret. L'œuvre ne survit pas à la première, mais imperturbable, Saint-Georges abandonne la musique instrumentale au profit de l'opéra.

Madame de Montesson, maîtresse puis épouse morganatique du Duc d'Orléans l'engage comme directeur de son théâtre et parallèlement comme lieutenant de la chasse du Duc au Raincy, où son opéra La partie de chasse est présenté en 1778. Deux ans plus tard, il crée L'amant anonyme au théâtre de Madame de Montesson.

Le Concert des amateurs est dissout en 1881 pour des raisons financières liées à la guerre d'indépendance américaine.

Saint-Georges crée alors, le Concert de la Loge olympique (une loge maçonnique) qui, prenant de la renommée, déménage du Palais-Royal aux Tuileries. C'est pour cet ensemble qu'à la demande du Grand-Maître de la loge, le baron d'Ogny, il commissionne Joseph Haydn pour une série de symphonies, depuis appelées les « symphonies parisiennes ».

À la mort de Louis-Philippe d'Orléans, le 18 novembre 1785, Saint-Georges perd sa position dans la maison princière.

Il est invité par le maître d'armes italien installé à Londres, Henry Angelo (l'un des narrateurs de l'assaut avec Faldoni), et participe à des exhibitions de fleuret, notamment à la Cour du Prince de Galles. De cette époque datent le tableau d'Alexandre-Auguste Robineau (également compositeur et violoniste, élève de Gaviniès), représentant « un assaut d'armes à Carlton House le 9 avril 1787 d'Éon de Beaumont contre Saint-Georges », et le portrait réalisé par Mather Brown.

De retour à Paris, il présente sa plus célèbre comédie, La fille-garçon, et reprend ses activités à la Loge olympique.

Il rejoint le cercle révolutionnaire du jeune Duc d'Orléans (Philippe- Égalité), de Pierre Choderlos de Laclos, de Jacques Pierre Brissot, un des fondateurs de la Société des amis des noirs, qui lutte pour l'abolition de la traite des noirs et de l'esclavage. Il voyage avec le Duc à Londres en 1789.

En 1790, il fait une tournée dans le Nord de la France et en Belgique avec la jeune actrice Louise Fusil et le corniste virtuose Lamothe. Il est expulsé par des réfugiés français, comme agent de Philippe-Égalité. Malade, il est longuement alité à Lille, et compose son dernier opéra, Guillaume tout coeur, pour la ville.

En 1790, il est capitaine de la Garde nationale à Lille, où il organise des concerts et des exhibitions d'escrime.

En 1792, à Paris, il est promu colonel de la Légion des Américains et du Midi, ou Légion noire, qui comprend des soldats de couleur, dont Thomas-Alexandre Dumas, le père de l'écrivain Alexandre Dumas (père).

Supposé impliqué dans la trahison de Dumouriez, il est arrêté près de Clermont, dans l'Oise, pendant 18 mois. Libéré, il n'est pas rétabli dans son commandement.

En 1796, il participe au débarquement de Saint-Domingue (avec Lamothe). Il reprend ses activités musicales en 1797. Sa carrière est toutefois limitée par les préjugés raciaux.
Il dirige un autre ensemble, toujours dans le cadre de la franc- maçonnerie, le Cercle de l'Harmonie, également d'une grande renommée.

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