Chouchane Siranossian à l’assaut de quatre spectaculaires concertos baroques italiens

par

Duello d’Archi a Venezia. Francesco Maria Veracini (1690-1768) : Concerto a 8 stromenti en ré majeur. Pietro Locatelli (1695-1764) : Concerto pour violon en ut mineur Op. 3 no 2. Giuseppe Tartini (1692-1770) : Concerto pour violon a cinque en fa majeur D61. Antonio Vivaldi (1678-1741) : Concerto pour violon en ré majeur « Grosso Mogul » RV 208. Chouchane Siranossian, violon. Andrea Marcon, Venice Baroque Orchestra. Livret en français, anglais, allemand. Juillet 2022. TT 76’24 . Alpha 935

Amateurs de fleuret mouchetés, passez votre chemin ! Au gré d’un duel imaginaire à coups d’archet, le programme confronte « quatre mousquetaires » de l’Italie baroque, nés ou un temps associés à la République vénitienne. D’ailleurs, Giuseppe Tartini n’était-il pas un brillant escrimeur qui brigua carrière comme maître d’armes ? Voilà donc quatre démonstratifs concertos, où la fantaisie de l’interprète est appelée à rutiler, à s’exhiber dans les cadences, écrites ou laissées à l’inspiration du soliste (a capriccio del primo violino du concerto de Veracini). Un art du défi, de la mise en scène, qui ravissait les spectateurs de l’époque, et dont Chouchane Siranossian se fait l’avocate zélée.

Un peu confus sur ce point, le livret cite improbablement des trombones et cors dans le Concerto a 8 stromenti, absents d’une partition qui nous rassasie déjà copieusement avec ses parties de trompettes et timbales. Le décor d’apparat est planté, et domine ce récital à haut voltage et fort caractère : ceux des œuvres, mais aussi des artistes qui ici ne perdent pas une miette de ce théâtre. Voire surenchérissent : un peu trop rhapsodique, ce Grosso Mogul traversé de caravanes d’épices qu’on ne lui soupçonnait pas ? Jamais avare d’audace dans son ornementation débridée (et, de trilles carnassiers en gammes fulgurantes, magistralement assumée), Chouchane Siranossian ne baisse la garde à aucun moment et pousse l’orchestre à des courses folles, des réparties enflammées, des éperonnages à vif (la caccia du Concerto a cinque, et ses renversantes talonnades).

Estomaquant, le panache de la virtuose résulte d’un tempérament de feu, d’une sensibilité à fleur de peau qui fouille jusqu’aux entrailles des Grave et Largo pour en extraire la moindre goutte d’arôme. Même au cœur de l’opus 3 no 2 de Locatelli, dont les lignes tirées vers les cimes repoussent encore l’univers expressif de ce récital, jusqu’à sa conclusion à découvert que Chouchane Siranossian assène avec une autorité, un aplomb sans rivaux. Partout, le désir, le plaisir d’en découdre. Aux instants de lyrisme éperdu, souvent torve, la troupe d’Andrea Marcon voue les encens les plus capiteux, mais sait aussi déchaîner l’artillerie et aviver les joutes sans tarir de combustible. L’acoustique frontale et réverbérée contribue au flagrant relief de cette spectaculaire anthologie. Fière, droite dans ses bottes, pas peu offensive, sûre de ses effets qui font mouche. La pochette ne mentait pas.

Son : 8 – Livret : 8 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10

Christophe Steyne

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.