Haendel mendelssohnien

par

Georg Friedrich HAENDEL
(1685-1759)
Israël in Aegypten
Version allemande de Düsseldorf (1835) révisée par Félix MENDELSSOHN
Lydia TEUSCHER, soprano 1-Julia DOYLE, soprano 2-Hilary SUMMERS, alto-Benjamin HULETT, ténor-Roderick WILLIAMS, basse
Choeurs et orchestre THE KING'S CONSORT, Robert KING, dir.
2016-DDD- 2CD- CD1 42'27- CD2 39'36- présentation en français, anglais, allemand- textes en allemand et anglais-chanté en allemand- VIVAT N°111

Où classer ce disque ? A « H » ou à « M ». Car cet oratorio de Haendel a été tellement modifié par l'auteur du Songe d'une nuit d'été qu'il en devient... mendelssohnien... et dès le début ! Nous ne sommes plus, comme en 1835, à « découvrir » l'auteur du Messie au point d'apprivoiser le public par des « modifications » qui lui faciliteront l'écoute et la découverte d'un compositeur finalement fort mal connu dans sa patrie d'origine ! D'où ces ajouts, multipliés : dès l'ouverture (absente de la partition originale et lors de la première londonienne le 4 avril 1739). Ici on a recours à une pièce symphonique que Mendelssohn avait écrite... dix ans plus tôt (1826, à 17 ans donc) et qui dure près de... dix minutes. Sans nous éblouir pour autant ! Par ailleurs et pour la reprise du 26 mai 1833 (Dimanche de Pentecôte) à Düsseldorf, l'orchestration a été ...réorchestrée avec, ici ou là, des ajouts d'instruments (à vents notamment). Des récitatifs sont confiés à 2 violoncelles solo (en doubles cordes !) et doublées par... une contrebasse. Ailleurs (chœur du début du second Acte...) le jeune Félix renforce l'écriture originale de 2 cors et flûtes, de trombones et chœurs. La partie de timbales a, par ailleurs, été presqu'entièrement écrite ! Quant à la partition elle-même, elle a subi de nombreux « ajustements » : si quatre airs (pas moins !) ont été supprimés, l'extraordinaire évocation des « grenouilles » (Ier Acte) a été confiée à ...une basse (au lieu de l'alto !) tandis que l'air de ténor So dachte der Feind (The enemy said) passe à la soprano ; ajoutez un duo alto/basse Die Himmel sind dein (2e CD index 7 qui est tiré du Chandos Anthem N°7 confié initialement à une soprano puis à un choeur à 4 voix... on pourrait continuer. La démarche qui consiste à essayer de reconstituer la reconstitution de Mendelssohn présente un intérêt musicologique certain, non dénué d'une certaine confusion. En revanche, il faut reconnaître qu'en ce qui concerne Mendelssohn, c’était un gros risque de présenter Israël in Egypt en anglais et sans le concours de choeurs et orchestres techniquement chevronnés. D'où la décision de présenter l'oeuvre en allemand et dans une version « modernisée » à la mesure d'un public encore peu réactif à ce genre de musique. Indéniablement, Mendelssohn « osa » : mais comme le dit Sainte-Beuve « Sans doute il osa trop, mais l'audace était belle ». Dès lors et même avec ses faiblesses, ses anachronismes, ses compromis, cet enregistrement se distingue donc notamment comme un intéressant document d'époque ; mais tout autant comme une contribution spécifique de Mendelssohn qui déjà quatre ans plus tôt (en 1829, à Berlin) avait dirigé La Passion selon Saint Matthieu. Les interprètes du présent enregistrement participent du même « apostolat » à double détente avec une simplicité tout à fait efficace. Ce que l'on perd en verdeur coruscante et en noblesse, se retrouve en charme caressant et en légèreté. Une entreprise décidément originale !
Bénédicte Palaux Simonnet

Son 7 - Livret 9 - Répertoire 7 - Interprétation 7

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