Hommage à Stanislaw Skrowaczewski 

par

Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Ouvertes et musique de scènes. Ouvertures de Leonore n°1 en Ut Majeur, Op;138 ; Leonore n°2 en Ut Majeur, Op.72a ; Leonore n°3 en Ut Majeur, Op.72 b ; de Fidelio en mi majeur, Op.72c. Extraits des Ruines d’Athènes, Op.133 : ouverture, marche turque, marche et chœur “Schmückt die Altare”. Bach Society of Minnesota, Minnesota Orchestra, direction Stanislaw Skrowaczewski. 1080. Livret en anglais. 59’06’. VOX NX 3017CD

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour piano n°17 en sol majeur, K.453 ; Concerto pour piano n°27 en si bémol majeur, K.595. Walter Klein, piano ; Minnesota Orchestra,  direction : Stanislaw Skrowaczewski. 1978.  Livret en anglais. VOX NX 3012CD

Le grand chef Stanislaw Skrowaczewski (1923-2017) aurait eu 100 ans cette année et ces deux rééditions du catalogue Vox nous rappellent la vivacité et la flexibilité de son art.

Né à Lviv alors que la ville était polonaise, il se réoriente vers la direction d’orchestre suite à un accident qui ne lui permet plus de pratiquer le violon et le piano à haut niveau. Il occupe différents postes en Pologne avant d’étudier à Paris auprès de Nadia Boulanger. Il franchit l'Atlantique pour poser des bagages aux USA, pays dont il obtiendra la nationalité. C’est le début d’une carrière exemplaire avec un mandat de 19 ans au pupitre de l’Orchestre du Minnesota. Il occupe ensuite des postes au Royaume-Uni (Hallé Orchestra), puis au Japon (Yomiuri Symphony Orchestra). Compagnon de route de nombreux orchestres européens, il développa une relation régulière avec l’Orchestre radio-symphonique de Sarrebruck en Allemagne. C’est avec cet orchestre qu’il va réaliser des enregistrements fracassants dont une intégrale des symphonies de Bruckner qui va multiplier les récompenses comme rarement dans un répertoire bardé de références. Car Stanislaw Skrowaczewski, c’est un peu une carrière à la Herbert Blomstedt : il fallut qu’il atteigne un âge vénérable pour que les musiciens et le public se rendent compte à quel point il était excellent.

Le maestro fut ainsi le doyen des chefs d’orchestre en activité pendant plusieurs années, se produisant au pupitre des grands orchestres dont les Berliner Philharmoniker avec lesquels il donna, en 2011, une magistrale Symphonie n°3 de Bruckner. Nous reviendrons sur cet aspect dans de futures chroniques, mais Stanislaw Skrowaczewski était également un compositeur prolifique et talentueux, double finaliste du Prix Pulitzer pour des partitions concertantes.  

Vox, dans sa série Audiophile Edition, nous propose deux enregistrements tirés de sa période auprès du Minnesota Orchestra. Stanislaw Skrowaczewski était un chef à l’ancienne, excellent dans le répertoire classique, dans les grandes fresques romantiques et dans le répertoire moderne. De son passage au Minnesota Orchestra on retient ses gravures Ravel, Prokofiev, Bartók, mais le maestro est documenté ici dans Beethoven et Mozart. 

L’album avec les ouvertures de Beethoven est de grand style. Certes, cela n’a pas la pugnacité dramatique d’un Bernstein dans Leonore III, l’impact orchestral d’un Berliner Philharmoniker avec Karajan ou l’acuité agogique de David Zinman à Zurich.  Mais la direction, construite et nuancée, impose des lectures vibrantes d’élégance dans le traitement instrumental et l’engagement dramaturgique. Ce sont des interprétations stylées et jamais démonstratives, dans une perspective orchestrale telle qu’elle fut pratiquée jusqu’à l’arrivée des relectures historiquement informées. Notons que cette esthétique semble mieux résister au temps que les tentatives radicales et précipitées de notre époque avec des tempi déchaînés et des contrastes de nuances surjoués car le chef sait faire respirer les pupitres et soigner les indications de nuances.    

Les deux concertos de Mozart nous permettent de retrouver l’excellent et trop oublié artiste autrichien Walter Klien (1928-1991), l’un des piliers  du catalogue Vox pour lequel il a gravé des albums marquants de Brahms, Schubert de Mozart. Dans ces deux partitions, on admire un toucher brillant, presque cristallin, qui cisèle la dentelle de cette musique avec un grand sens des détails. C’est une sorte d’économie d’effets que la technique impeccable et la maîtrise stylistique transcendent vers une justesse de style. On pense ici à l’art exigeant de la formidable Ingrid Haebler pour cette addition de finesse et de concentration sur le geste musical. Stanislaw Skrowaczewski dirige avec écoute et sens des nuances. L’accompagnement orchestral, discret mais attentionné, fait une caisse de résonance parfaite au jeu du pianiste. C’est une leçon de musique et d’écoute mutuelle ! 

Note globale : 9  

Pierre-Jean Tribot

 

 

 

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