"Ein deutsches Requiem" de Johannes Brahms, 155 ans
Un Requiem allemand, sur des textes de l'Écriture sainte, pour solistes, chœur et orchestre (avec orgue ad libitum) est une œuvre sacrée (mais pas liturgique) en sept parties (ou mouvements) achevée en 1868. Elle dure de 70 à 80 minutes, ce qui en fait la plus longue composition de Brahms.
Les deux solistes n'interviennent qu'exceptionnellement, le baryton pour faire entendre l'appel angoissé de l'homme face à son destin, la soprano pour annoncer le caractère maternel des consolations futures. L'orchestre reste toujours d'une clarté exemplaire, même lorsqu'il passe au second plan. La conclusion résume la promesse du sermon sur la montagne. Les épisodes centraux du sixième morceau pourraient être considérés comme une version protestante du Dies iræ. L'œuvre, de conception humaniste, que l'auteur aurait désiré rendre œcuménique, lui assura la célébrité.
Dans son propre catalogue thématique, Brahms n'indique qu'une seule étape de la composition de son Requiem : « Été 1866, Zurich et Baden-Baden ». La genèse de l'œuvre fut pourtant longue, de 1857 à 1868.
Brahms met longtemps à aborder le genre symphonique et les œuvres avec orchestre en général. Pourtant, son ami Robert Schumann l'y encourage dès 1854. Il ébauche alors une symphonie qui ne voit jamais le jour mais se transforme en une sonate pour deux pianos qu'il ne publie pas mais joue souvent pour ses amis. Le matériau musical étant suffisamment riche, il récupérera les deux premiers mouvements pour son Concerto pour piano et orchestre no 1 et le troisième deviendra la marche Denn alles Fleisch du Requiem.
Schumann meurt en 1856 et Brahms songe alors à rendre hommage4 à son mentor qui lui-même projetait la composition d'un requiem allemand. Brahms est très ému lorsqu'il découvre des années plus tard que Robert Schumann avait pensé lui aussi à une œuvre similaire. Ce projet de "Trauerkantate" (cantate funèbre) prend forme le troisième automne passé à Detmold (1859) où Brahms compose le Begräbnisgesang opus 13 et la Deuxième sérénade opus 16, qui renonce aux violons tout comme le premier mouvement du Requiem.
Lors d'une autre disparition douloureusement ressentie, Brahms revient à ce projet élégiaque : après la mort de sa mère, en , il mentionne dans une lettre à Clara Schumann à la fin du mois d' un « chœur… sorte de Requiem allemand ». Il s'agissait sans doute des numéros 1, 2 et 4. En fait Brahms ne précisa jamais formellement que le Requiem lui fut inspiré par la mort de sa mère. Ce n'est que par ses amis qu'on le saura ; notamment Clara Schumann qui dit : « Nous sommes tous d'avis qu'il l'écrivit en souvenir d'elle, bien qu'il ne nous l'ait jamais dit expressément.»
À la fin de l'hiver 1865-1866, Brahms termine le troisième mouvement (Karlsruhe février-). La fugue l’embarrassant, il demande conseil à Eduard Marxsen, son ancien professeur de Hambourg. La composition terminée au printemps 1866 entre Winterthour et Zurich, est revue durant l'été à Lichtenthal. En décembre, Brahms offre à Clara Schumann l'arrangement pour piano.
Les trois premiers morceaux de l'œuvre sont alors joués le dans la Grosse Redoutensaal (grande salle de la Redoute) à Vienne, lors d'un concert de la Gesellschaft der Musikfreunde (Société des Amis de la Musique) en hommage à Schubert sous la direction de Johann von Herbeck; les chœurs étaient ceux du Wiener Singverein et le baryton solo, Rudolf Pänzer, un chanteur de la chapelle impériale. Les deux premiers morceaux sont accueillis sans enthousiasme excessif, mais avec une sympathie certaine. C'est le troisième qui déclenche le désastre : par une erreur inexplicable, le timbalier joue fortissimo toute la grande pédale de ré sur laquelle se déroule la fugue finale. Le chœur et l'orchestre sont complètement couverts par cette intrusion intempestive et bruyante. Le public croit à un effet voulu et, lorsque Brahms vient saluer, il est accueilli par une bordée de sifflets et de huées. La presse fait un compte rendu mitigé de la soirée.
La première version de l'œuvre (morceaux 1-4, 6-7) est ensuite créée en la cathédrale de Brême, deux ans après sa composition, le pour le Vendredi Saint sous la direction de Brahms et avec Jules Stockhausen comme baryton solo, devant deux mille personnes. L'organisateur du concert, Carl Martin Reinthaler, organiste et directeur de la musique de Brême, avait voulu que Brahms insérât un nouveau morceau afin de préciser la signification liturgique. Brahms ne céda pas mais le Requiem fut joué en deux parties avec, entre les deux, un morceau du Messie de Haendel pour satisfaire aux desiderata de Reinthaler. Le concert est un succès et marque un tournant dans la carrière du compositeur.
Après cette création, Brahms annonce en à son éditeur Rieter-Biedermann l'ajout d'un morceau solo (le no 5) qu'il termine à Bonn en . Ce cinquième mouvement fut joué en exécution privée le à Zurich, par l'orchestre de la Tonhalle de Zurich sous la direction de Friedrich Hegar et avec Ida Suter-Weber2.
La version intégrale est finalement créée au Gewandhaus de Leipzig le par Carl Reinecke et l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig avec pour solistes Émilie Bellingrath-Wagner et Franz Krükl.
La partition avait été publiée par Rieter-Biedermann à Leipzig en .