Glenn Gould, 90 ans

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Le pianiste, compositeur, écrivain, homme de radio et réalisareur canadien Glenn Gould est né le  à Toronto et décédé le  dans la même ville. Il est connu pour ses interprétations pianistiques du répertoire baroque, en particulier pour deux enregistrements des Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach (1955 et 1981). Célèbre pour son style analytique et chantant, ainsi qu'une certaine excentricité, Glenn Gould abandonne sa carrière de concertiste en 1964 et ne se produira plus jamais en public afin de se consacrer aux enregistrements en studio et à la production d'émissions de radio pour Radio-Canada.

Rappel pour les plus jeunes

Glenn Herbert Gould, né Gold, est le fils de Russell Herbert Gold, violoniste amateur, et de Florence Grieg (lointaine parente du compositeur norvégien Edvard Grieg), pianiste, organiste et professeur de chant. Il grandit au sein d’une famille presbytérienne aux origines anglaise, écossaise et norvégienne. En 1939, au début de la Seconde Guerre mondiale, le nom Gold fut changé en Gould afin que la famille ne soit pas la cible d’attaques à caractère antisémite (bien qu'il n'ait aucune origine juive), alors en hausse à Toronto. Glenn Gould en plaisanta à plusieurs reprises en disant par exemple : « Quand on me demande si je suis juif, je réponds toujours que je l’étais durant la guerre. »

On découvre que Glenn Gould a l'oreille absolue à trois ans, puis il montre des prédispositions précoces pour le piano étant capable de transposer, composer et improviser. Il apprend le piano avec sa mère jusqu'à l'âge de dix ans avant de rejoindre le Conservatoire royal de musique de Toronto afin d'étudier le piano auprès d'Alberto Guerrero (1943–52), l'orgue auprès de Frederick Silvester (1942–49) et la théorie musicale auprès de Leo Smith (1940–47). Il est organiste d'église à onze ans et donne son premier concert professionnel à l'orgue en . Il fait sa première apparition publique au piano avec orchestre en 1946 et son premier récital professionnel l'année suivante, enchaînant avec des apparitions à la radio (1950), la télévision (1952) et son premier enregistrement commercial en 1953. Pendant cette période, il compose dans un style alternant entre le romantisme tardif et le dodécaphonisme de Schönberg.

En , il donne ses premiers concerts à Washington (Musée d'art moderne) et New York dans des programmes originaux comprenant Gibbons, Sweelinck, Bach, le dernier Beethoven (Hammerklavier), Berg (Sonate) et Webern (Variations, op. 27). Il est immédiatement identifié par son jeu très personnel et ses choix de programmation, comme un iconoclaste ou en français comme « excentrique ».

Alexander Schneider, membre du Quatuor de Budapest, rencontre David Oppenheim, patron de Columbia Masterworks. Celui-ci, après avoir écouté un enregistrement de Dinu Lipatti, s'exclame : « Pourquoi ne pouvons-nous pas en avoir un autre comme ça ? ». Schneider qui avait entendu Gould à Washington, répond : il y en a un, « une personne de Toronto, nommé Glenn Gould, qui est hélas un peu fou, mais il a un effet hypnotique remarquable au piano ». Il signe un contrat avec la firme CBS. Il a vingt-deux ans. Son premier disque des Variations Goldberg de juin 1955 dans les studios CBS de New York, publié en  est acclamé tant par la critique que le public, et lui apporte la renommée internationale . Karajan le réclame pour Berlin et Salzbourg et même Khrouchtchev veut l'entendre à Moscou. Cette interprétation d'une vélocité et d'une clarté de voix hors du commun et hors des modes de l'époque, contribue notablement à son succès. Resté une référence absolue, cet enregistrement fait toujours partie des meilleures ventes du catalogue CBS/Sony. Suivent vingt-cinq ans de collaboration fidèle entre Gould et le label discographique, même après sa décision de ne plus se produire en public.

De 1955 à 1964, il donne de nombreux concerts, essentiellement sur le continent nord-américain, avec les plus célèbres chefs et interprètes (Dimitri Mitropoulos, Leonard Bernstein, Yehudi Menuhin, entre autres). Lors de trois tournées entre 1957 et 1959, il se produit en récitals dans les grandes capitales en URSS, en Israël et en Europe de l'Ouest, notamment à Londres, à Stockholm, à Berlin sous la direction d'Herbert von Karajan et à Salzbourg avec Mitropoulos  (et l'Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam).

À partir de 1961, il réduit ses apparitions publiques et ne prend aucun engagement au-delà de l'année 1964. En 1962, il fait part à son entourage de sa fatigue de devoir se produire devant des auditoires distraits, qui toussent ou attendent la fausse note. Sans tournée d'adieu ni annonce préalable, Gould donne son dernier concert au Wilshire Ebell Theater de Los Angeles le . Il interprète quatre fugues de L'Art de la Fugue, la 4e partita de Bach, la 30e sonate de Beethoven et la 3e sonate d'Hindemith. Il quitte définitivement la scène à l'âge de 32 ans pour se consacrer exclusivement aux média électroniques : enregistrements en studio, réalisation d'émissions de radio et de télévision. Se succèdent, outre ses disques pour CBS, sept documentaires pour la CBC ou d'autres productions. Notamment les Chemins de la musique (1974, pour la télévision française avec le documentariste Bruno Monsaingeon et qui sera renommé ultérieurement Glenn Gould, l'alchimiste), une série de trois films intitulés Glenn Gould Plays Bach (1979–81). Dès 1966, Gould publie un article dans Hight Fidelity Magazine, « L'enregistrement et ses perspectives » pour s'en expliquer.

C'est lors de la diffusion de 1974 des Chemins de la musique, en début de soirée sur les trois chaînes de télévision en grève, qu'en France, Gould se fait admettre au rang qui lui revient : « un des génies de l'interprétation moderne».

En , il entame une nouvelle carrière de direction d'orchestre, en enregistrant le Siegfried Idyll de Richard Wagner. En septembre, paraît la nouvelle version de ses Variations Goldberg.

Le , après avoir ressenti de forts maux de tête, Glenn Gould est victime d'un accident vasculaire cérébral qui paralyse le côté gauche de son corps. Il est hospitalisé à l'hôpital général de Toronto, où son état se détériore rapidement. Il décède le 

Glenn Gould repose aux côtés de ses parents au cimetière Mount Pleasant de Toronto. Les premières mesures des Variations Goldberg sont gravées sur la pierre tombale.

Glenn Gould a peu joué les romantiques -jugés trop hédonistes- et la musique impressionniste, pour se concentrer essentiellement sur la musique baroque, classique, le dernier romantisme et la musique austro-allemande du début du xxe siècle, avec quelques remarquables incursions dans la musique des virginalistes anglais et la musique canadienne contemporaine. Si Glenn Gould aimait peu Chopin, ainsi que les dernières œuvres de Mozart (« Mort trop tard », selon lui), il admirait en revanche la chanteuse britannique Petula Clark, à laquelle il consacra un article élogieux en 1964. Ces options sont liées à sa conception musicale dont il considère que l'essence se trouve dans le contrepoint.

Il acquiert sa réputation internationale grâce aux interprétations très originales des œuvres de Bach. Son jeu pratiquement dépourvu de legato, presque sans pédale, combiné aux réglages millimétrés de son piano fétiche, tendu à l'extrême pour gagner encore en rapidité, sont sa propre marque. Gould a particulièrement excellé dans l'interprétation des Variations Goldberg dont il a su mettre en valeur la dynamique, la vivacité, la profondeur de l'articulation logique des thèmes, qui fut à l'origine de sa renommée internationale et dont le toucher était si différent qu'il en était immédiatement reconnaissable entre tous (hormis son chantonnement célèbre), et également beaucoup critiqué par certains. À cela s'ajoutaient une personnalité et une excentricité peu ordinaires. Le tout éclipsant, auprès du grand public, l'influence qu'a eue Rosalyn Tureck de 18 ans son aînée.

Marc Vignal résume d'un trait, l'homme : « Son très grand talent n’a d'égal que son caractère excentrique, qui se manifeste aussi bien dans son comportement personnel que dans ses interprétations. » Notamment, au concert ou au disque, il chantonnait souvent en jouant, ce qui est perceptible sur certains enregistrements, comme dans son interprétation du Clavier bien tempéré ou des Variations Goldberg et particulièrement dans les films de Monsaingeon où il accompagne son chant de gestes de direction, d'un orchestre imaginaire outre son contre-chant vocal. Cela créait des difficultés pour les ingénieurs du son. Sa position au piano était très particulière : il se penchait très en avant vers son clavier, le visage au niveau des touches. Cela tenait à l'utilisation d'une seule et unique chaise pliante dont il avait scié les pieds et qui était ainsi bien plus basse qu'une banquette de piano. Cette chaise l'accompagnera sa vie durant. Même lorsque celle-ci fut dans un état de délabrement total, il l'emporta partout où il devait jouer. Devenus les symboles de Glenn Gould, la chaise et le piano Steinway CD318 sont conservés et exposés de manière permanente depuis  au Centre national des Arts d'Ottawa.

 

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